
Deux câbles sous-marins de communication ont été coupés en quelques heures en mer Baltique, poussant le ministre allemand de la défense à dire que « personne ne croit à un accident ». S’agit-il d’un acte de « guerre hybride » dans une mer où la Russie est la seule à ne pas appartenir à l’OTAN ?
Vous entendez régulièrement des références au concept de « guerre hybride », c’est-à-dire l’idée qu’un acte de guerre peut prendre des formes multiples et pas seulement l’emploi des armes. On en a peut-être un exemple en mer Baltique, et c’est particulièrement inquiétant.
Deux câbles sous-marins de fibre optique assurant les communications internet, l’un entre la Suède et la Lituanie, l’autre entre la Finlande et l’Allemagne, ont été coupés à quelques heures d’intervalle, dimanche et lundi. Il faut au minimum deux semaines pour réparer ces coupures en pleine mer.
« Personne ne croit que ces câbles ont été coupés accidentellement », a commenté le ministre allemand de la défense, Boris Pistorius ; même si, à ce stade, il n’y a pas de preuve formelle de sabotage.
Les ministres finlandaise et allemande des Affaires étrangères sont même allés plus loin en déclarant en commun que la sécurité de l’Europe n’est pas seulement menacée par, je cite, « la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, mais aussi par la guerre hybride menée par des acteurs malveillants ».
Les accidents de câbles sous-marins sont possibles : une ancre de navire qui emporte un bout de câble, ou, ça s’est produit en Asie il y a quelques années, un séisme sous-marin qui fait des dégâts. Mais deux câbles coupés à quelques heures d’intervalle ne laissent guère de doute.
Les spéculations vont vite. Un cargo chinois, le « Yi Peng 3 », a été aperçu dans la zone, et même suivi un moment par un bâtiment de la marine danoise. Il venait de mouiller dans un port russe et se dirigeait vers l’Egypte. L’an dernier, un autre cargo chinois avait endommagé un gazoduc entre la Finlande et l’Estonie, sans qu’on sache si c’était délibéré.
De même, on a fait le rapport avec l’annonce, la veille de ces incidents, de la présence d’un navire espion russe, le « Yantar », dans la zone maritime exclusive irlandaise, près des câbles sous-marins qui relient l’Irlande au Royaume Uni. Un bâtiment de la flotte irlandaise l’a escorté hors de la zone, tandis que les marines française, britannique et américaine suivaient ses mouvements.
Cela constitue un faisceau de présomption, pas des preuves, et la prudence reste de mise ; surtout quand on se souvient des spéculations qui ont entouré le sabotage du gazoduc Nordstream2 en mer baltique il y a deux ans. L’attribution d’un sabotage est particulièrement difficile.
Le contexte géopolitique est bien sûr très particulier. La Baltique est quasiment devenue une « mer OTAN » avec la décision de la Suède et de la Finlande de rejoindre l’Alliance atlantique après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Cette dernière est le seul riverain de la Baltique à ne pas en être membre.
Et les infrastructures critiques comme les câbles sous-marins sont devenues des cibles de choix dans ces « guerres hybrides » qui ont été théorisées à travers le monde. Ces câbles, qui traversent toutes les mers et les océans, sont devenus vitaux pour faire fonctionner les économies modernes, mais aussi les systèmes de défense.
S’il se confirme que ces deux câbles ont été sabotés par une puissance hostile, ce sera une escalade de plus dans un monde fracturé - et sûrement pas la dernière.
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