L'Europe au rendez-vous de l'Histoire
Un édito de François Mathieu

- Publié le 07-03-2025 à 00h00
- Mis à jour le 07-03-2025 à 10h25

Jeudi soir, à Bruxelles, les Vingt-Sept ont tranché : l'Union européenne (UE) doit se réarmer. Certes, les dissensions n'ont pas disparu comme par enchantement. Certes encore, le processus de réarmement n'en est qu'à ses balbutiements. Mais les États membres ont tenu bon. "ReArm Europe" est voué à naître, avec ses 800 milliards d'euros – dont 150 de recours à l'emprunt garanti par le budget européen – et sa promesse d'une Europe qui ne tremble plus devant l'Histoire, mais l'écrit.
Longtemps, nous avons vécu dans l'illusion d'un monde où la guerre, ce fléau d'un autre siècle, n'aurait plus droit de cité sur le Vieux Continent. L'effondrement du Mur de Berlin, puis le confort illusoire d'une Pax Europea nous avaient bercés d'une confiance aveugle. Mais comme l'a rappelé le président français Emmanuel Macron dans un discours au ton très solennel mercredi soir, la guerre est de retour aux portes de l'Europe. Les garanties d'hier – celles d'un parapluie américain protecteur – vacillent sous les coups de l'omnipotent président d'outre-Atlantique. Désormais, le constat, certes trop lent à se façonner, est implacable : il n'y a d'autre alternative qu'une défense européenne forte, cohérente et indépendante.
C'est ce que les Vingt-Sept ont compris, non sans douleur. Que l'Allemagne délie les cordons de la bourse – quel revirement ! – ne se fera pas sans douleur. Que les conditions liées à l'octroi et l'utilisation de ces 800 milliards fassent l'objet d'âpres discussions dans les prochaines semaines ne fait aucun doute. Que la Hongrie de Viktor Orban s'arc-boute sur son alignement trumpiste pour l'aide à l'Ukraine ne surprendra personne. Mais le constat est là : le réveil européen est concret. La France et l'Allemagne, en dépassant certaines de leurs réticences, budgétaires notamment, ont réussi à imposer une dynamique qui relève du véritable tournant. Pour la première fois, l'Union cesse d'être une puissance économique paralysée par son impuissance militaire et se réaffirme en tant qu'acteur stratégique crédible. Les 800 milliards annoncés ne sont pas qu'une somme, ils sont un message : celui d'une Europe qui refuse de devenir le jouet des vents géopolitiques, une Europe qui entend défendre ses valeurs et protéger ses citoyens. Il y aura des écueils, des frictions et des compromis à arracher. Mais l'essentiel est acté : l'Union sait encore faire bloc lorsque l'essentiel est en jeu.