Menu
Libération
L'édito d'Alexandra Schwartzbrod

Défense européenne : l’heure des grandes manœuvres

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Confrontés à la menace russe et au lâchage américain, les Vingt-Sept se retrouvent ces jeudi et vendredi à Bruxelles pour préparer une réponse militaire commune à une éventuelle agression extérieure d’ici cinq ans.
Des chars Leopard 2 dans une usine de l’allemand Rheinmetall, en Basse-Saxe. (Fabian Bimmer/AFP)
publié le 19 mars 2025 à 20h34

Nous y voilà, au cœur du vortex de la défense européenne, au stade où il faut enfin passer de la parole aux actes, on n’a plus le choix. Et ce n’est pas gagné. Car des belles paroles sur le sujet, on en entend depuis des lustres, une sorte de mantra formulé depuis le siècle dernier par chaque ministre de la Défense entrant à l’hôtel de Brienne. Concrètement, des progrès ont été réalisés, on ne peut pas le nier, à l’exemple d’Airbus, vraie performance européenne civile et militaire que l’on doit à un partage des tâches et des compétences acté dès le début de l’aventure. Mais derrière ce succès se cachent de très nombreux échecs que l’on doit non pas tant aux hommes ou aux femmes politiques, non pas tant aux problèmes budgétaires (un peu quand même), qu’aux industriels eux-mêmes. Car c’est bien beau de vouloir développer un avion ou un char à plusieurs mais cela suppose, pour certains constructeurs, de devoir abandonner, au profit d’un partenaire européen, une compétence acquise de haute lutte.

Les moins de 50 ans ne s’en souviennent pas mais c’est ce qui a fait capoter le projet d’avion de combat européen qui aurait dû être développé dans les années 80 et 90 à la place du Rafale français et de l’Eurofighter italo-espano-britano-allemand. Deux avions de combat qui, depuis lors, se font concurrence. Il aurait fallu qu’en France le radariste, le missilier, le fabricant de la cellule ou le motoriste se retire du jeu, ce qui est compliqué quand on est premier ou presque sur le marché, mais vital s’il s’agit d’être plus fort à plusieurs. A l’époque, personne n’a voulu se sacrifier et les politiques n’ont rien pu faire face à l’intransigeance des industriels. Les temps ont heureusement changé, mais Jean-Claude Junker, dans l’interview qu’il nous a accordée, montre bien à quel point le chemin de la rationalisation des efforts de défense est encore long. Les industriels vont devoir se faire violence et les politiques être intraitables : si l’Europe veut être prête à se défendre seule en 2030, il ne reste que cinq ans.

Dans la même rubrique