Balkans occidentaux : jamais l'UE n'a été aussi loin
"Tous les Etats peuvent prétendre à adhérer à l'Union européenne". C'est ce qu'avait promis Angela Merkel lors du premier sommet des Balkans occidentaux, il y a trois ans. L'édition 2017 de cette rencontre qui a réuni l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, le Monténégro et la Serbie s'est clôturée mercredi. Pour les médias européens, la perspective d'adhésion à l'UE est renvoyée sine die.
Du moment qu'ils ne s'entretuent pas...
Jutarnji list revient sur les raisons de l’échec de l’UE dans les Balkans occidentaux :
«L’UE ne peut pas confier le pouvoir à des hommes politiques irresponsables et corrompus dans la région, en affirmant que tout va bien tant qu’ils ne 's'entretuent pas'. Arguant qu''ils ne s'entretuaient plus', l’UE a trop longtemps négligé la démocratisation de ces Etats et de leurs populations. … Si les institutions de l’UE entendent mener bataille contre la corruption et le crime organisé, tout en louant et collaborant avec les responsables politiques les plus gangrenés, la région n’est pas prête de s’européaniser. Cette stratégie de concession en faveur d’une soi-disant stabilité politique temporaire va se retourner contre l’UE.»
Personne n'ose innover
Ce sont toujours les mêmes idées qui sont présentées chaque année lors de ce sommet, rappelle Der Standard :
«Pourtant, les stratégies poursuivies jusqu'ici n'ont pas vraiment rapproché la région de l’UE. Car les Etats manquent de structures administratives efficaces, condition préalable à un investissement judicieux des fonds européens. Un véritable changement demanderait une meilleure analyse, davantage d’investissements et l’audace d’innover. Si le processus de Berlin initié en 2014 par la chancelière allemande Angela Merkel n’a pas encore porté ses fruits, c’est parce que depuis des années, les Etats membres de l’UE ne prennent pas au sérieux l’élargissement de l’Union. On fonde de grands espoirs sur le nouveau président français Emmanuel Macron - à tort ou à raison.»
Une évolution dans le mauvais sens
Les choses reculent plutôt qu'elles n'avancent dans la région, estime Frankfurter Allgemeine Zeitung :
«Si l’on peut parler de changement politique dans les Balkans, il ne va pas dans le sens de la démocratie et de l’Etat de droit, mais vers l’autoritarisme et le népotisme. Dans un contexte de stagnation économique et sociale, les élites politiques corrompues optent de plus en plus ouvertement pour une rhétorique nationaliste. Il est grand temps que l’UE s'intéresse à cette région, au-delà des manifestations comme le sommet des Balkans – sans vouloir en minimiser l’importance. Faute de quoi l’Union risque de devoir bientôt s’en occuper bien plus qu’à son gôut.»
Moscou passe à l'offensive
Moscou élargit son influence, ce qui rend encore plus illusoire une adhésion à l’UE d'autres pays des Balkans dans un proche avenir, déplore Il Sole 24 Ore :
«Les pays des Balkans continuent de faire figure d’orphelins du continent. Et tandis que le projet européen, qui se distingue par une solidarité allant à vau-l'eau, a perdu de sa force d’attraction, la Russie élargit son influence dans des pays comme la Serbie – comme elle le fait dans l’ensemble du Proche-Orient. Après l’annexion de la Crimée, Moscou a renouvelé ses efforts pour resserrer ses liens avec les Etats de la région. C’est dans ce contexte qu’il faut replacer l’adhésion du Monténégro à l’OTAN. En tant que membre, l’Etat n’a aucun poids. L’adhésion a pour unique fonction d'empiéter sur les plate-bandes de la Russie.»
Accorder la priorité aux Balkans
Le sommet est essentiel pour que l’UE reste attractive aux yeux des pays des Balkans, explique Delo :
«Compte tenu des projets prévus dans les secteurs de l‘énergie et des infrastructures, la Russie n’a actuellement aucun intérêt à déstabiliser la région. La Turquie a suffisamment de problèmes sur son territoire et avec ses voisins directs. Et la Chine est exclusivement guidée par ses intérêts économiques et stratégiques. Et pourtant, l’UE ne pourra relever les défis occasionnés par ces grandes puissances que si elle accorde la priorité géopolitique aux Balkans. De ce point de vue, le processus de Berlin constitue le mécanisme régional le plus important pour réglementer les processus d’adhésion dans les Balkans. Il peut certes donner un coup de pouce aux pays de la région, liés par des relations d’interdépendance, mais ils auront tout de même à se retrousser les manches.»