Guerre russe en Ukraine : quelles perspectives ?
Au moins 10 000 civils ukrainiens tués, 6,5 millions de réfugiés et 3,7 millions de déplacés au sein du pays, selon l'ONU : tel est le triste bilan de la grande offensive lancée par la Russie contre l'Ukraine le 24 février 2022. Alors que les évaluations des pertes militaires se chiffrent à des centaines de milliers, le président Zelensky a pour sa part avancé le chiffre de 31 000 Ukrainiens tombés au combat. Comment cette guerre peut-t-elle évoluer ? La presse européenne analyse la situation et conjecture de l'avenir.
Mieux vaut ne pas aggraver son cas
Céder aux demandes russes ne devrait plus constituer un tabou, estime Times of Malta :
«Le statu quo souligne combien il serait important d'engager des pourparlers diplomatiques. L'absence d'avancées militaires aura probablement montré qu'ils sont devenus inévitables. Sans compter qu'ils peuvent également conduire à une redéfinition de certaines lignes rouges esquissées par le camp ukrainien, notamment la question de la Crimée et peut-être même de certaines parties des territoires occupés à l'est. ... S'il est périlleux d'entamer des négociations avec un agresseur et un tyran, la poursuite de la guerre ne fera probablement qu'aggraver la tragédie humaine qui se déroule dans la région.»
Une guerre contre le Mal
Il est d'un l'intérêt vital pour les Européens de soutenir l'Ukraine, écrit dans Expresso la politologue Daniela Nunes :
«Le projet révisionniste de Poutine est un risque non seulement pour l'Ukraine, la Lituanie, la Pologne, l'Estonie et la Bulgarie. Mais aussi pour l'Europe. Nous avons accepté ce risque en Crimée en 2014, ce qui a abouti à l''opération militaire spéciale' de 2022. A force de tolérer ce comportement et d'autoriser la réécriture de l'histoire, nous allons finir par nous retrouver dans la situation des Ukrainiens, désormais obligés de demander de l'aide militaire, matérielle et logistique. C'est pourquoi cette aide ne doit pas cesser. Car nous défendons non seulement un peuple dans un conflit territorial que rien ne justifie, mais il s'agit en sus d'une guerre du Bien contre le Mal.»
La Russie impose sa présence dans les territoires occupés
La Russie intensifie encore son agression contre l'Ukraine en procédant à des déplacements forcés de population, constate Expressen :
«Alors que le Kremlin déporte des millions d'Ukrainiens des zones occupées vers la Russie, on observe parallèlement une immigration à grande échelle de Russes ethniques vers l'Ukraine, avec déplacement de fonctionnaires et de leurs familles, et incitations de la part des autorités russes pour attirer les Russes pauvres dans ces zones à coup de prêts immobiliers avantageux et d'emplois. ... Une politique qui n'est pas sans rappeler les échanges de populations pratiqués par l'Union soviétique. Si l'Ukraine venait à tomber, cela signifierait non seulement la perte d'identité et de liberté pour le peuple ukrainien mais une Russie triomphante deviendrait également une menace existentielle pour ses autres voisins.»
Un attentisme risqué
Dans un post Telegram relayé par Ekho, le politologue Vladimir Pastoukhov émet des doutes quant au jusqu'au-boutisme de la stratégie de l'Ukraine :
«Les dirigeants ukrainiens jouent la carte de la persévérance de leurs troupes dans ce qui est devenu une guerre de tranchée, attendant que l'opinion occidentale et ses représentants changent d'avis et se remettent à fournir à l'Ukraine les armes nécessaires non seulement pour stabiliser le front, mais aussi pour permettre une seconde contre-offensive. ... Une stratégie qui n'est pas sans risques. En cas de temps mort entre la pression exercée par l'armée russe et les aides occidentales, l'attentisme de Zelensky pourrait entraîner un effondrement du front. Dans ce scénario, des négociations d'armistice seraient menées dans des conditions radicalement différentes, avec le Dniepr comme ligne de démarcation.»
Des rapports devenus compliqués
L'hebdomadaire catholique Gość Niedzielny déplore la baisse de l'empathie envers l'Ukraine en Pologne :
«Aujourd'hui, alors que la guerre russe contre l'Ukraine entre dans sa troisième année, les tensions entre Polonais et Ukrainiens semblent avoir atteint leur paroxysme. ... Les frères qui autrefois se sont serré les coudes, prêts à se soutenir mutuellement, portent désormais les blessures infligées par l'ennemi, les rendant vulnérables à ses tentatives de manipulation. La jalousie entraîne chez les uns la rancœur envers les privilèges sociaux accordés aux réfugiés, tandis que d'autres sont mus par la cupidité, faisant leurs choux gras de la guerre, sans parler de l'hypocrisie de ceux qui instrumentalisent les efforts d'aide à des fins politiques.»
Le Kremlin uni comme jamais
Selon le quotidien 24 Chasa, l'unité règne au sein des élites russes :
«Autrefois, des tensions étaient palpables entre le FSB (anciennement KGB) et le ministère de la Défense. Le FSB pointait du doigt l'incompétence du ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, et du chef d'état-major Valéri Guerassimov. Des accusations qui semblaient justifiées, notamment en 2022, où leur déconnexion avec la réalité était manifeste. Cependant, après la rébellion menée par Evgueni Prigojine et sa société militaire privée Wagner, le tandem Choïgou-Guerassimov a consolidé son pouvoir, et plus personne n'ose remettre en question leur autorité.»
Chercher le défaut de la cuirasse russe
L'Ukraine devrait chercher le talon d'Achille de la Russie pour s'engouffrer dans la brèche, écrit Roman Chrayik sur son blog hébergé par Gordonua.com :
«Selon les estimations d'analystes militaires, l'approvisionnement en matériel militaire en Russie devrait nettement se détériorer d'ici un an. Dans de nombreux domaines, le mot d'ordre sera d''acheminer directement vers le front toute la production', comme c'est déjà le cas aujourd'hui pour les missiles. ... Une perspective dont nous pourrions nous réjouir, si l'Ukraine ne faisait pas face à des problèmes bien plus graves en termes de livraison d'armes. ... Il serait regrettable que l'armée russe se retrouve début 2025 les poches presque vides, mais que nous ne puissions pas profiter de cette vulnérabilité parce que nous aurions nous-même les poches complètement vides.»
Continuer les efforts sans se décourager
Politiken propose une comparaison historique :
«Face à la menace du retour de Donald Trump à la Maison Blanche, il est crucial que l'Europe réussisse à s'unir autour d'un engagement renouvelé et renforcé en faveur de l'Ukraine. Même si la situation semble difficile pour l'instant, elle peut évoluer rapidement. La Seconde Guerre mondiale nous l'a montré. Deux ans après le début de la guerre, l'Allemagne nazie semblait invincible ; et pourtant, au cours de la troisième année de conflit, la guerre a tourné. Et à partir de ce moment-là, la plupart des gens ont compris qu'Hitler serait vaincu, que ce n'était plus qu'une question de temps. Espérons qu'il arrive la même chose à la Russie et à Poutine.»
Moscou pourrait attaquer de toutes parts
C'est comme si la guerre reprenait de zéro, estime Avvenire :
«L'invasion russe avait débuté le long de quatre grands axes : au nord en direction de Kyiv, à l'est vers Kharkiv, au sud depuis la Crimée et au sud-est depuis le Donbass occupé. Ces derniers jours, l'Ukraine s'attend à ce que cette 'prise en tenaille' se répète. Il s'agit peut-être davantage d'une crainte que d'un danger réel. Mais le fait est qu'elle envisage la perspective d'une nouvelle offensive terrestre russe sur Kyiv et sur Kharkiv. Les frontières deviennent un spectre à surveiller. Le tout sur fond d'intensification des raids aériens dans tout le pays, avec des missiles toujours plus 'invisibles' et des drones lancés en 'essaims'.»
Les drones, susceptibles de changer la donne
Un élément pourrait donner la supériorité à l'Ukraine sur le champ de bataille, fait valoir gazeta.ua :
«Si deux ans en arrière, l'armée ukrainienne avait disposé de l'expérience qu'elle possède aujourd'hui dans l'utilisation des drones, l'invasion aurait échoué dès le début. Grâce au recours aux drones, la conduite des affaires militaires est en train de connaître une véritable révolution, comparable à l'invention des armes à feu. Les drones sont en train de remplacer les avions, l'artillerie, les chars et les tireur d'élite. ... Dans ces conditions, les armées sont appelées à se transformer. ... Au final, cette évolution pourrait être une planche de salut inespérée pour l'Ukraine, et lui donner l'avantage technologique convoité, dans un combat contre un ennemi nettement supérieur.»
Le hiatus entre la politique et le peuple
Cristian Unteanu, chroniqueur à Adevărul, revient sur ces sondages :
«Cela confirmerait une césure évidente entre la perception de l'opinion publique, qui doit composer avec d'innombrables difficultés - de la pandémie aux conséquences économiques des conflits -, et la perception de leurs décideurs politiques et militaires, enfermés dans une certaine vision, et qui ont déjà engagé une transformation de l'économie pour pouvoir livrer en masse à l'Ukraine les armes qui lui ont été promises. ... On verra si les résultats de ce sondage auront un impact décisif, au mois de juin, sur la composition de la nouvelle scène politique européenne.»
Au défi de la 'lassitude'
La Vanguardia observe une évolution funeste de la guerre en Ukraine :
«Le Kremlin poursuivra la guerre jusqu'à ce qu'il ait atteint ses objectifs, et Kyiv sait que la libération totale des territoires occupés et le retour aux frontières reconnues internationalement s'avère tout bonnement impossible. La population ukrainienne commence elle aussi à douter d'une victoire. Un scepticisme compréhensible, car la tragique réalité nourrit la lassitude des citoyens, malmenés par leurs privations quotidiennes, et qui déplorent la mort de milliers de soldats et de civils. ... Ce conflit risque de s'éterniser et d'accroître le sentiment de 'lassitude vis-à-vis de l'Ukraine'. Il s'agit d'un défi pour l'Europe, car ce sont les intérêts et les valeurs occidentales qui sont en jeu.»
Chasser le défaitisme
Le Figaro appelle l'Europe à ne pas baisser les bras :
«La priorité doit être d'aider Kiev à passer le cap critique de 2024 et, pendant ce temps, de faire monter en régime nos industries de défense. … Le défaitisme appliqué à l'Ukraine scellerait notre sort pour longtemps. Donald Trump affiche le projet, s'il est élu, de désamorcer la capacité de dissuasion de l'OTAN. L'Europe risque de se retrouver demain bien seule face à la volonté de puissance d'un empire russe autoritaire. ... [U]n choix existentiel : soit le chef de guerre du Kremlin la fait voler en éclats, soit il en fait une force capable de lui tenir tête.»
Un nouveau rideau de fer ?
Neatkarīgā fait part de ses inquiétudes :
«Si pour la Russie et l'Ukraine, l'objectif ultime de la guerre consiste à la gagner, celui de l'Occident est tout autre : il s'agit d'empêcher que la guerre ne gagne son territoire. ... Les gens sont prêts à tout accepter pour éviter la guerre. ... En d'autres termes, l'Occident peut discuter autant qu'il veut d'une aide durable à l'Ukraine, dans les faits, il juge déjà l'Ukraine condamnée. ... L'Europe semble être de plus en plus convaincue que Poutine, après la capitulation de l'Ukraine, ne lancera pas ses chars sur le continent. Alors on reprend ses habitudes de la guerre froide.»
L'opinion européenne croit de moins en moins en la victoire
Večernji list s'appuie sur une étude du think tank European Council on Foreign Relations pour faire état d'une évolution de la position des Européens sur la guerre au cours de l'année passée :
«Le soutien à l'Ukraine reste important parmi les citoyens Européens, mais aujourd'hui, soit deux ans après l'invasion russe, tout juste dix pour cent d'entre eux croient que l'Ukraine est en capacité de vaincre la Russie. ... Ils estiment que la solution la plus probable au conflit passe par un compromis. ... Si, il y a un an, davantage d'Européens croyaient que l'Ukraine devait reconquérir l'ensemble des territoires perdus, cette année en revanche, ils sont plus nombreux à croire que les politiques doivent trouver des modalités plus réalistes, à savoir définir ce que peut être une paix acceptable.»
Insensibles, déshumanisés ou morts
Dans Expresso, l'auteur ukrainien Andry Lioubka fait le bilan suivant :
«Au cours des deux années de guerre, nous avons appris à nous en remettre au destin. Nous nous sommes habitués à côtoyer les morts et nous sommes faits à l'idée que nous pourrions nous aussi disparaître subitement. Les terribles nouvelles nous bouleversent moins, nous nous sommes faits une carapace émotionnelle. Nos émotions s'émoussent lentement, car chaque jour d'horreur qui passe détermine notre vie, tuant lentement une partie de nous tous. La partie humaine, la partie normale. Nous sommes tous victimes de la guerre, tant ceux qu'elle a tués que ceux qui ont eu la chance d'y survivre (jusqu'ici).»
2014, l'année charnière
Le vent a tourné dans la société russe bien avant février 2022, assure l'économiste Vladislav Inozemtsev dans The Moscow Times :
«Au fil des dix années qui se sont écoulées depuis l'annexion de la Crimée, la société russe a subi une transformation en profondeur. Petit à petit, le Kremlin a réussi à forcer les Russes à accepter de rompre les ponts existants avec le reste du monde, à courber l'échine et se serrer la ceinture et à se résigner au relèvement de l'âge de départ à la retraite ou à la hausse des dépenses militaires. Nous avons été témoins de la disparition des manifestations spontanées dans les rues et sur les places, ces dix dernières années, et du recul grotesque du soutien aux politiques proposant une alternative. ... Même la 'division des élites', que prédisaient presque tous les opposants, n'a pas eu lieu.»
La Russie n'a rien obtenu
Poutine n'a atteint aucun des objectifs qu'il s'était fixés, analyse e-vestnik :
«La soi-disant 'dénazification' a échoué. Elle est du reste intrinsèquement impossible, car il n'y a pas de régime nazi en Ukraine. ... La démilitarisation a échoué elle aussi. La Russie a obtenu l'inverse : l'Ukraine est aujourd'hui beaucoup plus armée qu'elle ne l'était avant la guerre. ... Idem pour l'expansion de l'OTAN, qui est loin d'avoir été endiguée, au contraire : des pays traditionnellement neutres, comme la Finlande et la Suède, ont intégré l'OTAN [ou sont sur le point de le faire], car ils redoutent une agression russe. L'Ukraine est candidate, et une proportion nettement plus élevée de sa population est désormais favorable à cette perspective.»
Pour une aide plus audacieuse et plus rapide
Dans Eesti Päevaleht, Timothy Garton Ash exprime la revendication suivante :
«Les leaders des grands pays européens ont beaucoup à apprendre des petits pays comme le Danemark, la République tchèque et l'Estonie. Compte tenu de la situation critique sur le front ukrainien, ils devraient se montrer plus audacieux, plus réactifs et plus déterminés. Et parler avec plus de tranchant, de passion et d'enthousiasme, en s'inspirant de la rhétorique du héros personnel d'Olaf Scholz : l'ancien chancelier allemand Willy Brandt. Il faut sortir de leur somnolence les sociétés qui se prélassent dans le confort de la paix, où beaucoup de gens semblent croire qu'un accord de paix reposant sur un compromis mettra bientôt fin à cette guerre.»
Les Pays-Bas, laxistes sur le respect des sanctions
Hubert Smeets, chroniqueur à NRC, juge que les autorités ne sont pas très regardantes quant à la mise en œuvre des sanctions visant la Russie :
«Le contournement des sanctions occidentales est devenu un tout nouveau secteur économique, non seulement à Moscou, où des prête-noms font fortune sur le dos de la guerre, mais aussi aux Pays-Bas, où la mise en application de la loi dans le commerce avec la Russie n'est pas la priorité des autorités. ... Elles ferment systématiquement les yeux, suivant le credo que les obstacles au commerce sont foncièrement néfastes pour l'économie - un credo tenace dans la culture commerciale des Pays-Bas. Et ce bien que depuis 2022, une guerre européenne menace l'Etat de droit démocratique des Pays-Bas.»
La fierté des Ukrainiens
Dans Neue Zürcher Zeitung, l'écrivain Christoph Brumme, établi en Ukraine, témoigne de l'attachement des Ukrainiens à la liberté, malgré la guerre :
«Jamais auparavant autant d'Ukrainiens n'ont été aussi fiers de leur culture, jamais ils n'ont chanté autant de chansons sur l'amour de cette patrie. Plus que jamais ils apprécient de vivre dans un pays libre, où l'on a le droit de critiquer la politique du gouvernement et de manifester contre lui en dépit de la loi martiale. Au pays de l'ennemi juré, lire la Constitution ou brandir une feuille de papier vierge sur une place publique suffit pour se retrouver derrière les barreaux.»
Les pays baltes auraient pu être la cible
Neatkarīgā propose le commentaire suivant :
«Si l'on se penche aujourd'hui sur les événements d'il y a deux ans, une seule conclusion s'impose : nous (la Lettonie et les pays baltes) avons eu une chance inouïe que Poutine ait choisi pour cible l'Ukraine. S'il avait eu l'idée d'impliquer l'OTAN et d'envahir les Etats baltes pour installer un gouvernement favorable au Kremlin à Riga, Tallinn et Vilnius (probablement sans annexion formelle), début 2022, l'OTAN n'aurait probablement pas été en mesure d'empêcher l'intégration des Etats baltes dans la domination russe. ... Heureusement, l'OTAN n'est aujourd'hui plus la même qu'au début de 2022.»
Le rêve d'une défense commune est compromis
Cette guerre se joue aussi sur les fronts de l'opinion publique et des élections en Occident, met en garde L'Obs :
«Le Kremlin trouve des alliés au cœur même du Sénat américain... L'Europe se retrouvera-t-elle seule, dans quelques mois, face à un impérialisme russe devenu fou ? Le rêve d'une défense commune, né dans les cendres de 1945, peut-il encore se réaliser ? Dans un moment où les mouvements d'extrême droite pourraient venir renforcer les positions prorusses du leader hongrois Viktor Orbán, c'est l'un des enjeux existentiels de l'élection européenne qui vient, le 9 juin.»
Il ne faut pas s'habituer au statu quo
El Periódico de Catalunya écrit :
«Une grande partie de l'Europe semble s'être habituée à la guerre en Ukraine, même si l'invasion de l'Ukraine et l'ingérence de la Russie dans la politique européenne seront sans aucun doute des thèmes centraux de la conférence sur la sécurité de Munich. ... [L'ancien secrétaire général de l'ONU] Boutros Boutros-Ghali a déclaré que l'on ne peut pas résoudre une crise si l'on n'en parle pas. Ce n'est pas le cas de la guerre en Ukraine. Et pourtant, de plus en plus de voix demandent à l'Ukraine de renoncer au Donbass. ... Il s'agirait là d'une dangereuse décision laquelle irait à l'encontre du principe de l'intégrité territoriale des pays européens, qui ne peut être modifiée qu'avec leur accord explicite.»
L'avenir de l'Europe est en jeu
Dans les colonnes du Monde, le ministre français des Affaires étrangères Stéphane Séjourné explique pourquoi les aides à l'Ukraine ne doivent pas faiblir :
«Ne cédons pas à la tentation de la fatigue ou de l'indifférence. ... Les efforts d'aujourd'hui en faveur de l'Ukraine ne sont rien face à ceux que nous devrions déployer contre une Russie qui se sentirait victorieuse. Faisons le choix de garder la maîtrise sur les prix de l'énergie et de l'alimentation, de garder la maîtrise de notre liberté et de notre destin. Le choix de l'unité contre la division, comme nation et comme Européens. L'Europe est un projet de paix, et l'avenir de l'Europe se joue en Ukraine.»
Deux leviers d'actions
Spotmedia analyse les options qui s'offrent au nouveau chef d'état-major ukrainien, Oleksandr Syrsky :
«Le nouveau commandant en chef fait face à deux grands défis auxquels son prédécesseur s'est cassé les dents : la maîtrise insuffisante de l'espace aérien et la raréfaction des soldats. L'Ukraine va bientôt pouvoir déployer davantage d'avions de combat F-16 et a commencé à produire des drones sur son sol, ce qui pourrait l'aider à s'affirmer davantage dans l'espace aérien. ... Reste le problème des recrues, dont seule une décision peut venir à bout : une nouvelle vague de recrutements.»
Même sans marine, l'Ukraine domine la guerre navale
The Economist salue les performances de l'armée ukrainienne en mer :
«La destruction du Tsezar Kounikov est un signe de plus de la supériorité des Ukrainiens en mer, et ce bien qu'ils n'aient pas de marine à proprement parler. On estime qu'au moins un tiers de la flotte russe en mer Noire a été éliminé et que les navires restants sont obligés d'opérer loin des côtes ukrainiennes. ... La conséquence majeure de la campagne navale ukrainienne à ce stade a été l'ouverture d'un corridor de commerce maritime permettant au pays l'exportation de ses céréales. »
La Russie présume de sa force
The Moscow Times relativise le mythe de l'invulnérabilité entretenu en Russie, en rappelant des épisodes de son histoire :
«La guerre russo-japonaise [1904-1905] a montré que des pays 'quasi-occidentaux' peuvent infliger des défaites à la Russie, dans des conflits que l'on peut qualifier de frontaliers. ... Par la suite, l'armée soviétique a été défaite en Pologne en 1920. Les troupes de Staline ont ensuite essuyé une lourde défaite dans la 'guerre d'hiver' contre la Finlande [en 1939]. Bref, la thèse de l''invincibilité' russe appelle des rectifications. S'il reste impossible d'infliger au pays une défaite totale qui entraînerait sa capitulation et son occupation, des réussites ponctuelles de ses adversaires sont tout à fait vraisemblables.»
Aider l'Ukraine à triompher
Livrer des armes à l'Ukraine représente la meilleure forme de protection pour le reste de l'Europe également, estime Rainer Saks, spécialiste des questions de défense, dans Maaleht :
«Les puissances occidentales ont raté l'occasion de contraindre l'agresseur à effectuer un repli stratégique. ... Les difficultés et les retards observés dans la livraison d'armes ont été l'une des raisons pour lesquelles l'Ukraine n'a pas lancé de nouvelle offensive en 2023. Il faut remédier à ces carences. Les Etats membres de l'OTAN n'ont pas à craindre une attaque russe imminente, Moscou ne disposant pas des ressources suffisantes pour le faire. Apporter à l'Ukraine un soutien renforcé impacterait un peu plus les capacités militaires de la Russie.»