Gaza : de nombreux morts lors d'une distribution d'aide
Plus de 100 Palestiniens ont perdu la vie lors de l'arrivée d'un convoi d'aide alimentaire, jeudi, dans le nord de la bande de Gaza, selon le ministère de la santé du territoire administré par le Hamas. Les circonstances exactes des faits restent floues : si Israël a confirmé le drame, il a nié que des chars aient tiré sur la foule. Pour les chroniqueurs, cette tragédie est évocatrice de la situation actuelle à Gaza.
La tragédie du désespoir
Le déroulement des évènements reste incertain, souligne Corriere della Sera :
«Les images grises et floues capturées par les drones israéliens montrent un amas de corps non identifiables ; ce que l'on peut identifier, c'est le désespoir des affamés qui se pressent autour des véhicules de secours. Les porte-paroles de Tsahal affirment que les soldats n'ont tiré que des salves d'avertissement, afin de disperser la foule, et que les victimes auraient perdu la vie dans un mouvement de foule. Il y aurait au moins 110 morts, d'après des sources à Gaza contrôlées par le Hamas, lequel accuse les Israéliens d'avoir tué les civils. Le président américain, Joe Biden, a indiqué que ses conseillers analysent 'les versions contradictoires'. Reste la responsabilité de garantir l'accès de la population à la nourriture - surtout si les djihadistes pillent les dépôts.»
Un possible tournant pour le cessez-le-feu ?
Cet incident pourrait avoir des conséquences politiques, fait valoir The Times :
«Les Palestiniens affirment que les soldats israéliens ont provoqué un mouvement de foule en tirant sur des personnes réunies autour d'un convoi humanitaire. Israël assure ne pas être à l'origine de ce mouvement. Ce qui est avéré, en tout cas, c'est qu'un nombre important de civils qui faisaient la queue pour obtenir de la nourriture ont été tués dans une zone contrôlée par Tsahal, et qu'Israël a une responsabilité dans leur mort. Ce drame accroîtra certainement la pression sur le gouvernement Nétanyahou - notamment celle exercée par son allié stratégique américain -, afin que l'Etat hébreu consente à un cessez-le-feu dans les prochains jours.»
Une humiliation quotidienne
Dans La Repubblica, le journaliste Sami al-Ajrami, basé à Gaza, n'est pas surpris :
«C'est seulement la conséquence de ce qui s'est produit ces dernières semaines. Il s'agit d'une tragédie annoncée, qui survient après des journées dramatiques, car si les bombardements sont moins intenses, notre quotidien n'a pas changé. Nous continuons à vivre dans l'attente, sans perspective d'avenir, toujours menacés par la mort et par la faim. ... Ce qui est certain, comme le montre ce massacre, c'est qu'on nous prive de notre dignité. L'aide humanitaire ne suffit que pour dix pour cent de la population, et à chaque fois, nous nous entredéchirons pour pouvoir l'obtenir. ... Or si cette humiliation a été possible, c'est aussi parce que l'Occident n'a pas suffisamment protesté.»
Le naufrage de la civilisation
Dans sa chronique pour Mladina, le rappeur N’toko s'indigne que des pays qui se réclament de l'Etat de droit assistent sans broncher aux souffrances des Palestiniens :
«Ce qui se passe à Gaza donne la nausée, mais on tend aussi à perdre toute confiance dans la civilisation, l'Etat et ses institutions, dans la démocratie et 'l'ordre juridique'. Nos régimes libéraux, qui devraient constituer l'ultime bastion face à la dérive barbare de l'humanité, se sont révélées totalement fallacieux. ... La situation avait rarement semblé aussi désespérée. »