L'Europe a-t-elle besoin de quotas de réfugiés ?
Lors du sommet européen, les chefs d'Etat et de gouvernement n'ont pas réussi à s'entendre sur une répartition équitable des réfugiés basée sur des quotas fixes. Le président du Conseil européen, Donald Tusk, ainsi que plusieurs Etats d'Europe de l'Est préconisent une suppression des quotas. Des pays d'accueil comme l’Allemagne et les Pays-Bas ont pour leur part souligné le besoin de solidarité européenne. Les commentaires reflètent un durcissement des positions en Europe.
Une question de principe
L'UE ne doit pas lâcher de lest sur la question de la répartition des réfugiés, insiste Deutschlandfunk :
«Au fil de son histoire, l'Union européenne a porté à la perfection la culture du compromis politique. Celui-ci est souvent stigmatisé comme marchandage, vil arrangement. Généralement à tort, car il s'agit d'habitude d'une conciliation d'intérêts obtenue au prix de trésors de diplomatie. Or au chapitre des réfugiés, il ne saurait y avoir ni compromis ni conciliation d'intérêts. Car c'est une question de principes. C'est pourquoi il faut que les 23 autres Etats membres ne plient pas face aux quatre pays du groupe de Visegrád. Il faut continuer de rechercher le dialogue. Faute de quoi la dernière issue sera la voie prévue dans une communauté de droit. En l’occurrence la Cour de justice européenne.»
Plus rude sera la chute
Il faut être ouverts à de nouvelles formes de solidarité entre les Etats membres de l'UE, selon taz :
«Un retour aux Etats-nations n'est pas la solution à la crise des réfugiés, comme le suggère Tusk. Car au vu du refus opposé par la Pologne, la Hongrie et la Tchéquie, ce serait la fin de la solidarité. La clé du problème : organiser la solution mieux et autrement. L'UE pourrait essayer la formule des contingents bénévoles au lieu des quotas contraignants ; des contributions financières solidaires à une politique d'immigration et d'asile commune au lieu de sommes obligatoires. L'Ouest devrait faire un pas vers l'Est, au lieu de le montrer du doigt. ... Si l'on continue ainsi et que l'on reporte indéfiniment tous les problèmes, on risque d'avoir de bien mauvaises surprises en 2018.»
Tusk met fin à une idée saugrenue
En remettant en cause le principe de répartition des migrants, Donald Tusk a exprimé une vérité amère, estime Die Welt :
«Si cette répartition ne fonctionne pas, c'est en tout premier lieu parce que les réfugiés sont peu enclins à se laisser répartir entre les pays par la bureaucratie européenne. ... Ils vont dans les pays dont ils avaient rêvé. Ou ils sont bloqués dans d'autres pays qui les empêchent de partir. Quand la chancelière allemande rejette les thèses de Tusk au motif qu'il ne devrait pas y avoir de 'solidarité sélective' parmi les Etats membres, elle refuse une réalité en désaccord avec ses convictions. Or c'est la triste réalité. Une Union européenne qui n'arrive même pas à se mettre d'accord sur une description commune de la réalité ne parviendra pas à trouver une solution à ce qui est actuellement son plus grand défi.»
Toujours pas de stratégie commune
La critique adressée par le président du Conseil de l'Europe au système de quota a le mérite de lancer un nouveau débat sur une politique européenne commune en matière de réfugiés, souligne Neue Zürcher Zeitung :
«Le fait que Tusk brise un tabou en reconnaissant le dysfonctionnement et fasse un pas vers les Hongrois, les Polonais, les Tchèques et les Slovaques est politiquement compréhensible. Ceux-ci ont déjà réagi et envisagé de débloquer et verser à l'Italie 35 millions d'euros destinés à une mission de protection de la frontière libyenne sud. Ce sont de gentils gestes symboliques. Mais ils ne sauraient remplacer une stratégie européenne. Le plus de migrants possibles doivent être interceptés avant même d'avoir atteint une frontière européenne mieux surveillée fait aujourd'hui consensus. Mais une politique qui ne se berce plus d'illusions accepte aussi qu'une fraction réussisse son entrée - de manière légale ou illégale.»
L'Europe de l'Est doit apprendre la solidarité
Lors du sommet européen, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a sévèrement critiqué Viktor Orbán pour son refus des quotas. A juste titre, estime De Telegraaf :
«Dès que la question migratoire est à l'ordre du jour, l'UE se divise en plusieurs camps. ... Le groupe de Visegrád refuse de participer à une répartition contraignante. ... Hier à Bruxelles, les pays du groupe de Visegrád ont monnayé leur contribution à la solidarité européenne, en versant 35 millions d'euros à un fonds destiné à l'Afrique. ... Mais Rutte a une acception plus large de la notion de solidarité. ... Nous devons faire comprendre aux PECO que l'UE est plus qu'une vache à lait. C'est difficile pour les responsables politiques de tous les pays d'expliquer l'arrivée de demandeurs d'asile.»
Le rejet de l'immigration : une réalité à accepter
Que le refus de la répartition des réfugiés soit justifié ou non sur le plan moral, il est l'expression indéniable de la démocratie, écrit Club Z :
«La réalité politique montre que la résistance face à la répartition des réfugiés est un phénomène de masse. C'est une réalité qu'une véritable démocratie doit accepter. Faute de quoi elle risque d'en faire les frais. La peur des réfugiés fait le lit des forces politiques antidémocratiques. Plus Bruxelles s'obstinera à imposer les quotas, plus les populistes et les eurosceptiques de tout bord auront le vent en poupe et plus les partis proeuropéens traditionnels seront affaiblis.»
Tusk rejoint les égoïstes
L'attitude de Tusk avant le début du sommet de Bruxelles est extrêmement étrange, écrit Frankfurter Rundschau :
«C'est un affront fait aux pays comme l'Italie, la Grèce et l'Allemagne, particulièrement frappés par l'arrivée de réfugiés. Tusk se range du côté de la Hongrie et de la Pologne, pays qui ne se soucient guère plus des valeurs et de la solidarité européennes, mais qui sont les premiers à crier haut et fort 'moi, moi !' quand il y a de l'argent à distribuer à Bruxelles. Le président du conseil ferait mieux de réfléchir aux moyens de rattraper le coup avant le début du sommet. Faute de quoi il risque de galvauder sa réputation de probité en tant que médiateur.»
Kaczyński avait raison
Wpolityce, portail en ligne proche du gouvernement, salue ce qu'il estime être l'approbation de la politique de Varsovie en matière de réfugiés :
«La lettre de Tusk est l'un des premiers signaux qui confirment le bien-fondé des mesures prises à ce jour par la diplomatie polonaise. ... C'est par ailleurs aussi une défaite pour Tusk, qui a essayé pendant des semaines de prêcher la parole que lui soufflaient la Commission européenne et Berlin. Il a même jeté la pierre à Varsovie et aujourd'hui, qu'il le veuille ou non, il se résout à donner raison à Kaczyński.»
L'Italie et la Grèce à nouveau dupées
Proto Thema fustige la proposition de Tusk :
«Il annule ainsi l'unique décision sur les réfugiés qui montrait d'une certaine façon que l'UE était bel et bien une Union, et non un rassemblement d'Etats dominé par un conclave néolibéral et nationaliste. ... Une poignée de bureaucrates, reprenant à leur compte les idées des forces ultraconservatrices et quasi d'extrême droite en Allemagne, mais aussi les idées des pays de Visegrád et d'autres Etats nordiques et 'élus', abandonnent le problème des réfugiés aux maillons faibles de la chaînes, aux dupes : l'Italie et la Grèce, qui se trouvent dans une situation de plus en plus critique.»
Plus de solidarité et d'unité depuis longtemps
Avgi, pour sa part, n'est pas surpris par l'initiative :
«En autorisant les pays de Visegrád à rejeter les quotas de réfugiés qu'ils sont censés appliquer, alors même que ceux-ci avaient été contraints d'accepter les décisions européennes, on a sapé la solidarité et l'unité européennes. Une impunité légalisée par la mise en place vis-à-vis de ces pays d'une amende pour chaque réfugié non accueilli. Il paraissait évident, à partir du moment où certains pays avaient la possibilité de verser 250 000 euros par réfugié pour se soustraire à leur obligation, qu'ils préféreraient s'acquitter de cette somme modeste, surtout dans le cas de pays qui négligent leur obligation ou qui entendent rester 'vierges' de tout réfugié.»