Les grands thèmes des cortèges européens du 1er-Mai 2023
De l'eau a passé sous les ponts depuis 1889, date où les syndicats et les partis des travailleurs avaient décidé de descendre dans la rue le 1er mai pour revendiquer la journée de travail de huit heures et de meilleures conditions de travail et de rémunération. Les médias européens présentent le kaléidoscope des thèmes mis en avant dans les différents pays en cette journée de lutte.
En Italie, le gouvernement aggrave la précarité
L’exécutif italien a choisi le 1er-Mai pour rogner les minima sociaux, ce que critique le journal Avvenire :
«Le Conseil des ministres voudrait relancer les opportunités d'emploi et 'enrichir' les travailleurs en réduisant la charge fiscale. ... En réalité, il risque de ne faire qu'amplifier la précarité, en généralisant les contrats à durée déterminée, et d'appauvrir un peu plus les chômeurs, en sucrant le 'revenu de citoyenneté'. Il continue à accuser les pauvres d'être pauvres, et les jeunes de ne pas avoir envie de travailler dans les bars et les restaurants. Et ce alors que les inspecteurs ont constaté des irrégularités dans 76 pour cent des entreprises contrôlées, avec un tiers d'employés travaillant au noir.»
Tout le monde courtise le vote ouvrier
El Español critique la présence de membres du gouvernement espagnols dans les manifestations :
«Le soutien du gouvernement aux syndicats UGT et CCOO alimente le doute quant à l'indépendance du mouvement, qui se montre moins critique quand la gauche est au pouvoir. ... [Le parti d'extrême droite] Vox applique pour sa part la stratégie de Marine Le Pen et courtise les électeurs dans les quartiers populaires du sud de Madrid. [Le chef de file de Vox] Santiago Abascal accuse l'immigration clandestine d'être responsable de la précarité économique et de la criminalité. ... Les conservateurs et l'extrême droite disputeront aux socialistes les voix des travailleurs, ce qui est compréhensible. Le fait que les partis de gauche flagornent les syndicats de manière aussi éhontée ne fera que renforcer cette tendance.»
Un 1er-Mai sous le signe de la nonchalance
En Roumanie, trois décennies après la fin du communisme, le 1er-Mai a connu une véritable métamorphose, fait observer le journal économique Ziarul Financiar :
«Alors que la génération de leurs parents et grands-parents était obligée de défiler sous les yeux des chefs du Parti communiste, le 1er mai est pour les enfants et petits-enfants aujourd'hui une promenade agréable sur la Calea Victoriei, l'occasion de lorgner la tenue choisie par les uns et les autres. Ceux qui se sont joints au cortège organisé sur la grande avenue ce week-end sont restés en Roumanie et n'ont pas l'intention de s'expatrier. ... Les employés des multinationales, à Bucarest comme dans d'autres grandes villes, se rendent compte qu'ils bénéficient ici pratiquement du même niveau de vie qu'à l'étranger. Les conditions de travail sont comparables. On trouve les mêmes produits alimentaires et les salaires inférieurs sont compensés par un pouvoir d'achat supérieur.»
Changer de disque pour mobiliser les jeunes
Même s’ils ont réussi à conclure des conventions collectives garantissant de nette hausses de salaires ces dernières semaines, les syndicats allemands auraient tort de se reposer sur leurs lauriers, pointe Frankfurter Rundschau :
«Les syndicats doivent inventer de nouveaux modèles pour investir des milieux autres que les bastions traditionnels de l'industrie. Ils doivent viser plus haut que les ehpad, et tâcher de s'implanter aussi dans le vivier en plein essor des start-ups. ... Les grèves actuelles à Lieferando [entreprise de livraison de repas à domicile] montrent que les campagnes syndicales peuvent porter leurs fruits aujourd'hui. Mais ses représentant·e·s doivent se moderniser, se féminiser et surtout rajeunir. Et ce n'est pas en s'accrochant à leur jargon syndical rébarbatif, en allumant des braseros à l'entrée des usines, avec des concerts de sifflets et des chants de lutte qu'ils y parviendront.»
Les Bulgares, victimes de l'Histoire ?
A l'occasion du 1er-Mai, news.bg rappelle qu'avant 1989, la productivité et l'efficacité relativement faibles des Bulgares étaient mises sur le compte du communisme. Le journal se demande quel prétexte est invoqué aujourd'hui pour le même problème :
«Nous ne pouvons plus dire que le joug soviétique nous a empêchés de nous développer. ... Maintenant, on entend dire que l'Empire ottoman nous a freinés pendant cinq siècles et que nous devons rattraper le retard pris sur l'Europe industrialisée. Que le communisme nous a fait perdre un demi-siècle de plus, et que nous devons à présent rattraper le monde démocratique. Nous sommes victimes de l'Histoire et de la situation internationale !»