L'UE débloque plus de moyens pour le sauvetage des migrants
Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE ont décidé jeudi de tripler les moyens affectés au sauvetage des migrants, pour un montant de neuf millions d'euros par mois. Ils veulent également sévir contre les passeurs en Méditerranée. On s'attaque enfin aux passeurs, relèvent certains commentateurs. C'est la politique isolationniste de l'UE qui est responsable de la mort des migrants, et non les trafiquants, rétorquent les autres.
Les passeurs ne sont pas le véritable ennemi
Sévir contre les passeurs par des moyens militaires ne se traduira pas par une réduction du nombre de candidats à la traversée de la Méditerranée, fait valoir le quotidien de gauche taz : "Les passeurs suivent la loi de l'offre et de la demande. La demande d'entrer en Europe est grande, et l'UE réduisant de plus en plus les possibilités de le faire, le marché noir dans ce domaine est florissant. … Tant que ce sera leur unique chance d'avenir, les personnes continueront de prendre la fuite. La création de visas humanitaires et la mise en place de liaisons maritimes ouvrant des voies légales vers l'UE priveraient les passeurs de leur fonds de commerce, leur marché se contracterait. Ce serait un investissement bien plus judicieux que Frontex. Le passeur n'est l'ennemi de l'UE qu'en apparence, son véritable ennemi est le migrant. Aller parler de sauvetage relève du cynisme. Un immigrant ne meurt pas parce qu'il y a des passeurs, mais en raison de la politique de repli sur soi de l'UE, de plus en plus militarisée."
En Méditerranée, rien de nouveau
A part reconnaître la volonté de soutenir les pays de départ et de transit des réfugiés, ce sommet extraordinaire n'a pas apporté grand-chose de nouveau, déplore le quotidien de centre-gauche Der Standard : "Le projet de tester, dans le cadre d'un 'projet pilote', une répartition coordonnée des demandeurs d'asile dans les 28 Etats membres tient du ridicule quand on pense aux millions de candidats à l'exil. Ce n'est pas pour rien que l'ONU a appelé les Européens à accepter enfin davantage de personnes. Le seul point sur lequel les chefs de gouvernement ont affiché leur unité, c'est la volonté de dissuader les migrants de faire la traversée, afin de mettre fin aux noyades en Méditerranée. Une période difficile commence pour les réseaux de passeurs, qui soutirent des milliers d'euros aux réfugiés avant de les envoyer à la mort. C'est déjà une bonne chose. Dans ce but, certains pays proposent même une assistance militaire. Pour le reste, cependant, il n'y a pas grand-chose de nouveau."
L'UE otage des intérêts nationaux
Comme pendant la crise de l'euro, l'UE est aussi à la merci des intérêts nationaux dans la question migratoire, déplore le quotidien libéral La Stampa à l'issue du sommet extraordinaire de l'Union : "Une fois de plus, mise sous pression par les drames, l'Europe s'entend sur des mesures a minima au lieu d'intervenir. Sans l'horreur des noyades, les gouvernements des différents Etats membres n'auraient rien fait. Comme d'habitude, ils auraient continué à se soustraire à leurs responsabilités et à rejeter la faute sur les autres. Les difficultés actuelles de l'Union oscillent entre l'inertie et des actions tardives ou insuffisantes. Des interventions qui créent du reste de nouveaux problèmes. Tel a été le cas pour la crise de l'euro et pour la crise ukrainienne ; tel est le cas aujourd'hui devant les rafiots surchargés qui sombrent en Méditerranée."
Aucun compromis n'est possible
L'Europe rechigne encore à prendre des décisions claires, critique le quotidien conservateur Večernji List : "Nous devons prendre des décisions fondamentales et radicales. Soit nous suivons le conseil du pape François, qui nous appelle à devenir radicalement chrétiens et à faire preuve de solidarité, à accepter sans conditions les réfugiés et à partager avec eux ce que nous possédons. Soit nous devenons isolationnistes et érigeons un mur de barbelés, à l'image des Etats-Unis vis-à-vis du Mexique et d'Israël vis-à-vis de la Palestine. Si nous optons pour ce second choix, il faudra redéfinir les valeurs fondamentales européennes qui formaient jusqu'à aujourd'hui notre définition du droit et de la dignité humaine. Il n'existe pas de troisième voie. Tout compromis passé entre ces extrêmes ne fera qu'apporter des milliers de cadavres sur nos rivages."