Qui est l'instigateur du coup d'Etat ?
Le président turc Erdoğan a imputé la responsabilité de la tentative de coup d'Etat à son ancien allié Fethullah Gülen, un prédicateur musulman aujourd'hui exilé aux Etats-Unis. Celui-ci réfute cependant toute implication. Si certains commentateurs incriminent aussi Erdoğan, d'autres assurent que Gülen et les Etats-Unis sont les seuls responsables du putsch.
L'implication des Etats-Unis
Instigateur du coup d'Etat manqué en Turquie, le mouvement Gülen a également bénéficié de puissants soutiens internationaux, assure le journal progouvernemental Yeni Şafak :
«Le gouvernement américain est directement impliqué dans cette tentative de putsch. Il croyait pouvoir réussir son coup. A l'aide d'une organisation qu'ils pilotent directement, et grâce au prolongement de celle-ci dans les forces armées turques, les Etats-Unis auraient alors annexé le pays. Erdoğan, son équipe et l'esprit qui guide la Turquie auraient été liquidés et aux yeux de l'ennemi, le monde aurait été libéré d'Erdoğan. S'ils avaient réussi, tout le monde aurait salué les putschistes le 16 juillet : l'administration américaine mais aussi les pays d'Europe et la presse occidentale dans son ensemble. Les alliés de l'OTAN ont délibérément monté une organisation terroriste contre la Turquie, dans un but stratégique. ... Pas besoin d'avancer des liens avec les services secrets et des éléments concrets pour le prouver. Qui protège Gülen aux Etats-Unis ? Le gouvernement américain et ses services secrets.»
Gülen et Erdoğan ont noyé la Tuquie dans le sang
Si le gouvernement AKP au pouvoir se présente aujourd'hui comme une victime des gülenistes, il ne faut pas oublier que pendant des années, Tayyip Erdoğan et Fethullah Gülen ont fait cause commune, rappelle le journal kémaliste Sözcü :
«Pendant 40 ans, ils ont échangé des informations, se sont soutenus et surveillés mutuellement, avant de prendre le pouvoir, en se servant de la religion, des imams, d'Allah, du Coran, du prophète et des lieux saints. Au cours de ses douze premières années d'hégémonie, Erdoğan considérait Fethullah Gülen comme un soutien, qu'il devait soutenir lui aussi. Ils ont bâti ensemble leur fortune. Ils se sont partagé les richesses des grandes villes, quartier par quartier, ils se sont adjugé les appels d'offres publics, projet par projet. ... Tout cela pour s'entredéchirer au final. Pourquoi ? Parce qu'un seul pouvait rester au pouvoir. ... Ils ont noyé le pays dans le sang.»
Le rêve d'Erdoğan est devenu réalité
Les conséquences de la tentative de coup d’Etat en Turquie sont si favorables à Erdoğan qu’il est difficile de ne pas croire à une mise en scène, souligne El Periódico de Catalunya :
«Indépendamment des suppositions et des spéculations, il est indéniable qu’avec ce coup d’Etat, Tayyip Erdoğan a décroché le gros lot. Il n'aurait pu imaginer une telle perspective, même dans ses rêves les plus fous. Je suis attaqué, j’ai réagi de façon héroïque, j’appelle le peuple à défendre la démocratie et je m’emploie ensuite à purger le pays de ses éléments séditieux. ... Or il s’était peut-être bien déjà imaginé tout cela. Erdoğan a-t-il été à l'origine de putsch ? Difficile en tout cas de réprimer cette pensée.»
Ne pas se laisser flouer par Gülen
Ankara réclame aux Etats-Unis l’extradition du prédicateur musulman Fethullah Gülen, que le gouvernement accuse d'avoir fomenté le coup d’Etat. Les Etats-Unis demandent des preuves, mais la situation ne pourrait être plus claire, écrit le quotidien progouvernemental Daily Sabah :
«Généraux, officiers et même cadets appartenant au mouvement Gülen ont reçu l’ordre d'orchestrer un putsch et ils ne reculent devant rien, pas même devant le massacre de personnes, pour exécuter leur mission. … Nous sommes profondément choqués que vous, Barack Obama, président des Etats-Unis, nous demandiez désormais de fournir des preuves de l’implication de Gülen dans ce coup d'Etat. … Par le passé, Gülen à essayé de renverser Erdoğan et il continue de le faire. Allez-vous tremper dans ce crime ? Ne vous faites pas leurrer par Gülen, qui se met en scène comme un homme abattu, âgé et malade. Nous sommes tombés dans son piège, et regardez à quoi cela nous a menés.»
La Turquie doit serrer les rangs
Les spéculations selon lesquelles le gouvernement pourrait avoir lui-même orchestré le putsch scandalise le journal Hürriyet, qui appelle la société turque à se serrer les coudes :
«Bien qu’ils aient obtenu 50 pour cent des voix il y a huit mois, Erdoğan et l’AKP sont pleinement conscients qu’ils ont désormais besoin de solidarité et d’une coalition bien plus large pour venir à bout d'une sédition qui a visé la survie du pays. Le risque de putsch en Turquie n’est pas écarté, et sans 'normalisation' des forces armées, il perdurera. … C’est pourquoi l’attitude constructive actuellement affichée par les partis d’opposition est cruciale. Si le Parlement et le président réussissent à mettre entre parenthèses leurs querelles politiques afin de travailler sur une base commune, cela réduira dans une certaine mesure le risque actuel de putsch.»
Un putsch orchestré par Erdoğan
Erdoğan pourrait lui-même être à l'origine de la tentative de coup d'Etat en Turquie, craint Novi List :
«Si l'objectif était clairement de mettre fin à l'hégémonie d'Erdoğan en Turquie, la tentative a échoué. Au petit matin, alors que l'on comptait encore les centaines de morts et les milliers de blessés, on arrêtait des officiers, des soldats et des civils accusés d'être séditieux. Le lendemain des fusillades, 2 750 juges ont été arrêtés. Qui a donc pu, dans la nuit même du coup d'Etat, établir aussi vite la liste des coupables ? Personne, bien entendu, la liste était déjà prête depuis longtemps, et on attendait seulement l'occasion de procéder à ces arrestations. ... Ainsi, une explication alternative s'avère de plus en plus vraisemblable : toute l'affaire a été mise en scène afin de 'nettoyer' le pays.»
Le coup d'Etat manqué, un 'cadeau du ciel'
Erdoğan exploite éhontément la tentative de putsch, souligne Pravda :
«S’il manquait à Erdoğan quelque chose pour dominer complètement la Turquie, c’était exactement ceci. Dans le contexte de la tentative de putsch, il a lui-même parlé de 'cadeau du ciel, … car c’est une raison suffisante de purifier l’armée'. Et c’est précisément ce à quoi s’emploie à présent l’autocrate turc, avec le soutien de nombreuses personnes qu’il a appelées dans les rues. 6 000 membres de l’armée ont ainsi été incarcérés et 2.700 juges ont perdu leur poste. On peut facilement s’imaginer ce que cela signifie pour les médias turcs et les politiques d’opposition. Le gouvernement évoque la réintroduction de la peine de mort. Les personnes arrêtées sont accusées non seulement d’avoir participé à une tentative de coup d'Etat, mais aussi d’appartenir à des organisations terroristes. Arrêtera-t-on Erdoğan avant que la Turquie n'ait définitivement plus rien à voir avec une démocratie ?»