Faut-il avoir peur de la crise bancaire italienne ?
L'Etat italien a décidé de venir au secours de la banque en difficulté Monte dei Paschi. Dans un décret d'urgence, le gouvernement a créé à cet effet un fonds doté de 20 milliards d'euros. La tentative de l'établissement de se sauver seul, en procédant à une augmentation de capitaux, s'était soldée par un échec. Les commentateurs craignent que la somme allouée s'avère insuffisante et se demandent pourquoi l'UE s'est dotée de règles régissant la liquidation des banques, si celles-ci ne sont pas appliquées ensuite.
Rome a tergiversé trop longtemps
Le gouvernement italien aurait dû intervenir plus tôt, juge Il Sole 24 Ore :
«Des Etats-Unis aux Pays-Bas, en passant par l'Allemagne, l'Espagne et l'Irlande, les Etats sont intervenus pour injecter des capitaux dans leurs banques. Il ne faut pas s'étonner, dès lors, que l'Italie se décide à emprunter cette voie elle aussi. Ce qui est étonnant, c'est que cette nationalisation ne soit pas survenue plus tôt - en 2011 au plus tard. On a préféré jouer la montre jusqu'à ce que la situation dégénère complètement, et que l'UE, de surcroît, se dote de nouvelles règles régissant les sauvetages bancaires. L'économie aurait profité d'une intervention plus précoce, ainsi que de la réactivation consécutive de l'octroi de crédits aux entreprises. Et l'on aurait empêché d'exposer l'ensemble du système bancaire et financier au risque de contagion. ... Le retour de l'Etat dans le monde du crédit est de bon augure, car il vient remédier à une urgence. ... Mais il est nécessaire que l'Etat suive une logique entrepreneuriale.»
L'Italie devient le problème de la zone euro
L'argent destiné au sauvetage de la banque ne suffira pas, prédit le journal NRC Handelsblad :
«Les observateurs des marchés financiers estiment que le double de cette somme de 20 milliards sera nécessaire. ... Si le sauvetage devait se dérouler de cette façon, alors la dette publique italienne, qui est déjà la plus forte de la zone euro, devrait augmenter encore. L’ampleur de l’endettement est en lien direct avec le problème des banques : les deux phénomènes sont le produit d’une incapacité chronique à réformer l’économie, du refus de prendre les bonnes décisions et de la volonté de se contenter de légers correctifs en espérant que la tempête passe. Le problème, dès lors, ce n'est plus seulement les banques italiennes, mais l’Italie elle-même, susceptible de devenir graduellement une menace pour la stabilité de toute la zone euro.»
Les dérives bancaires restent impunies
A quoi sert-il de réguler si les fautes ne sont jamais sanctionnées ? s'interroge Die Presse :
«'Dans ce pays-ci [l'Angleterre], il est bon de tuer de temps en temps un amiral pour encourager les autres', écrivait Voltaire. En France en revanche, on mettrait les amiraux à la retraite, en leur versant des rentes princières. On suit un peu la même logique aujourd'hui dans le monde de la finance. Il y a longtemps que la question n'est plus de savoir si les banques étaient trop peu régulées jadis ou bien si elles sont mal régulées aujourd'hui. Les règles ne s'avèrent d'aucun secours au final si l'échec et la stupidité (voire une combinaison des deux) restent impunis. ... Cela ne fait même pas deux ans que l'UE s'est dotée de règles définissant la procédure de liquidation ordonnée des banques en faillite, et voilà, à la première occasion, qu'on les enfreint déjà. Nous sommes une nouvelle fois 'too big to fail' [trop gros pour faire faillite]. Ou bien devrait-on dire plutôt : 'Too big to jail' [trop gros pour être mis en prison] ?»