Pologne : pourquoi Morawiecki a-t-il été nommé Premier ministre ?
Jusque-là ministre de l'Economie et des Finances, Mateusz Morawiecki, membre du PiS au pouvoir en Pologne, a succédé à Beata Szydło au poste de Premier ministre. Ce remaniement faisait l'objet de spéculations depuis plusieurs semaines déjà. Les journalistes examinent les raisons de cette nomination.
Le profil recherché pour une mission difficile
Avec Morawiecki, Kaczyński pourrait réussir à cimenter le pouvoir du PiS, assure Neue Zürcher Zeitung :
«Il fait confiance à Morawiecki et il a reconnu que sa bonne politique économique jetait les bases de la refonte de l'Etat à laquelle il aspire. Pour que la purge des élites au pouvoir entreprise jusque-là fonctionne, le PiS a besoin d'un soutien plus vaste que celui de son électorat de base, pauvre et rural. Morawiecki semble, ici aussi, avoir le profil idoine. Apprécié à l'étranger, notamment par le milieu de la finance, il doit aussi permettre une détente avec l'Europe. ... Si Morawiecki arrive à effectuer l'exercice d'équilibriste qui lui a été assigné et pour lequel il a été choisi, il pourrait constituer le socle d'une domination durable du PiS en Pologne. Mais si la situation économique se dégrade, les tensions attisées aujourd'hui pourraient finir par déchirer le parti.»
Sauver les aides européennes
Rzeczpospolita sait pourquoi le chef de file du PiS a choisi Morawiecki:
«Il ne fait aucun doute que Morawiecki constitue aux yeux de Kaczyński le garant d'une croissance économique rapide, du moins jusqu'aux législatives de 2019. Et Kaczyński voit en lui un pompier capable d'éteindre l'incendie : écarter le risque de perdre des milliards de fonds européens, suite à la détérioration dramatique des relations avec l'UE. Morawiecki a des chances incontestables de mener à bien cette mission. Il sait trouver le ton juste pour parler avec les occidentaux.»
Kaczyński court à sa perte
En destituant Beata Szydło, le PiS a commis une grave erreur, estime Gazeta Wyborcza :
«Le dirigeant du parti Jarosław Kaczyński s'est tiré une balle dans le pied. La manœuvre soigneusement préparée d'un remaniement au sommet du pouvoir censé rallier durablement les classes moyennes au PiS s'est avérée l'une des opérations politiques les plus ratées de l'histoire de la Troisième République. Pourquoi remplacer la Première ministre ? Quels sont les avantages de Mateusz Morawiecki par rapport à Beata Szydło ? Pourquoi jeter aux oubliettes un gouvernement dont on nous dit qu'il réussit brillamment ? Même les plus fervents défenseurs du 'bon changement' [nom que donne le PiS à son programme de réformes] ont probablement du mal à suivre.»
Morawiecki, la marionnette parfaite
C'est à dessein que Jarosław Kaczyński a choisi un candidat faible au poste de Premier ministre, affirme Adam Szostkiewiecz sur son blog hébergé par Polityka :
«Avant, c‘était Beata Szydło, une illustre inconnue dépourvue des qualifications indispensables pour remplir sa mission de Première ministre. Maintenant qu'elle est politiquement usée, elle est remplacée par Mateusz Morawiecki, qui ne dispose lui non plus pas de l'expérience, des qualifications et du soutien politique nécessaires. ... Mais c'est précisément ce qui fait de lui le candidat idéal aux yeux de Kaczyński. Morawiecki sera faible, peut-être un peu moins que Szydło, mais il sera lui aussi entièrement à la merci du dirigeant du PiS.»
Kaczyński et ses caprices d'enfant gâté
En Pologne, le rôle de Premier ministre est celui d'un exécutant, se moque Gazeta Wyborcza :
«Quel sera le nom de la prochaine marionnette du grand manitou [Jarosław Kaczyński] ? Cela n'intéresse vraiment personne. Quelle importance cela peut-il avoir pour des millions de citoyens, que ce soit la dame à la broche [Beata Szydło] ou un monsieur sans broche qui mette en œuvre les projets insensés du chef ? Le spectacle on ne peut plus dormitif qu'on nous joue, intitulé 'remaniement ministériel', en dit long sur la nature profonde de la politique de Kaczyński. Elle dévoile les enjeux véritables : satisfaire les quatre volontés de Monsieur le président du parti, rien de plus. Comme un gamin gâté qui joue avec ses cubes, et qui démolit avec un entêtement fanatique ce qu'il vient de construire, mélange les cubes avant de reconstruire un édifice qu'il ne tardera pas à redétruire. »
Les Polonais adorent leur Beata
Le chroniqueur Łukasz Adamski, du portail proche du gouvernement Wpolityce, ne voit pas d'explication valable à un départ de la Première ministre :
«Les médias favorables au gouvernement ont véritablement bombardé leurs lecteurs d'informations sur les réussites de Beata Szydło dans sa lutte contre l'opposition totale, les eurocrates et les manifestations. L'économie se porte à merveille, la Pologne, hier à genoux, se relève. ... Autant de succès que les électeurs associent à 'leur Beata'. Comment les convaincre de la nécessité d'un départ de 'Beata'? ... Je n'envie pas le sort des propagandistes du parti par les temps qui courent. Si le changement de Premier ministre se faisait vraiment, ils doivent trouver une bonne justification qui persuade les électeurs que 'Beata', qui pulvérise tous les records de popularité, a mérité pareille déchéance.»