'Guerre de l'alcool' entre l'Estonie et la Lettonie
La baisse de la taxe sur l'alcool adoptée par le nouveau gouvernement estonien est entrée en vigueur le 1er juillet, invalidant de facto la surtaxe mise en œuvre il y a trois ans. Cette mesure est censée lutter contre le tourisme lié à l'achat d'alcool dans la Lettonie voisine. En guise de riposte, la Lettonie entend adopter des exemptions fiscales sur certaines boissons à partir du mois d'août. Comment mettre la fin à cette surenchère fiscale ?
Cesser les baisses de taxes intempestives
La Lettonie entend suivre la politique de réduction des taxes adoptée par son voisin estonien, ce que le quotidien Neatkarīgā désapprouve :
«Il va sans dire que l'Etat doit s'occuper de ses entrées fiscales. Car les secteurs sous-financés sont trop nombreux : médecine, éducation, routes, infrastructures, recherche scientifique, développement régional, social et lutte contre la pauvreté. Mais les 100 millions d'euros dégagés par la taxe sur l'alcool ne sauraient être la solution à tous ces problèmes, tout au plus une contribution non négligeable. ... Après les sanctions économiques contre la Russie, nos entreprises ont dû se mettre en quête de nouveaux marchés. Les Lettons actifs dans le secteur de l'alcool seraient bien avisés d'en faire de même.»
Prise entre deux feux
Cette guerre des prix a aussi des répercussions sur la Finlande, fait remarquer Kaleva :
«Chaque canette et chaque bouteille d'alcool ramenée d'Estonie tend à réduire les recettes fiscales en Finlande. La taxe sur les spiritueux, qui rapporte environ 1,5 milliard d'euros chaque année, est une source de revenus non négligeable pour la Finlande. ... On ne peut qu'espérer, à long terme, que la Finlande ne se retrouve pas durablement prise entre les feux de la 'guerre de l'alcool' que se livrent l'Estonie et la Lettonie. Le moyen le plus sûr de régler la querelle serait que les deux pays finissent par relever leurs taxes sur l'alcool. Mais ce bras de fer pourrait encore durer des années.»
Améliorer la coopération
L'absence de coopération est à l'origine des tensions entre l'Estonie et la Lettonie, croit savoir le politologue Veiko Spolitis dans Eesti Päevaleht :
«Depuis des années, les économies des trois Etats baltes ainsi que leur taux d'imposition respectif ont évolué de façon relativement synchrone. La commission économique de l'Assemblée balte [qui vise à améliorer la coopération entre les trois pays] est le lieu où sont débattues les divergences d'opinion. Il convient de poursuivre cette concertation, même si le gouvernement letton est fragilisé du fait de sa coalition pluripartite et si son pendant estonien n'est pas très stable non plus.»
Espérons que les Estoniens résisteront à la tentation
Õhtuleht fait valoir que la mesure du gouvernement risque d'inciter à boire :
«Face aux baisses actuelles des taxes sur d'alcool, il n'est pas déplacé de s'inquiéter pour la santé publique, car l'Etat émet des signaux contradictoires. Il veut limiter la consommation d'alcool, mais il l'encourage en abaissant les taxes. Pendant des années, le chantre de la lutte contre l'alcool, Evgueni Ossinovski, a été vilipendé en tant que ministre des Affaires sociales et chef de file des sociaux-démocrates - à tort, comme on le voit a posteriori, car l'alcoolisme est en recul. ... Avec la baisse d'impôts actuelle, il ne nous reste plus qu'à espérer que la baisse du prix de l'alcool ne fera pas repartir la consommation à la hausse, mais que le gouvernement aura des alternatives valables à la bouteille à proposer au peuple - et surtout aux jeunes.»
La vente d'alcool n'est pas un modèle d'avenir
Ces trois dernières années, les débits d'alcool se sont multipliés en Lettonie, le long de la frontière avec l'Estonie, du fait que les Estoniens se rendaient à l'étranger pour acheter de l'alcool meilleur marché. Un manque à gagner ne vaut toutefois pas une larme, selon Diena :
«Il va de soi qu'avec la baisse de la taxe sur l'alcool, les Estoniens auront moins intérêt à venir en Lettonie pour faire le plein d'alcool. ... Des magasins fermeront, ce qui entraînera inévitablement des pertes d'emploi. ... Mais quiconque doué d'un tant soit peu de logique comprendra qu'il s'agissait d'une affaire relativement court-termiste. ... C'est pourquoi il est puéril de se lamenter et de vouloir convaincre les politiques d'abaisser d'un cran encore les taxes sur l'alcool en Lettonie pour sauver le commerce à la frontière. Car il ne s'agit pas d'une activité sérieuse et porteuse de prospérité dans la région à long-terme.»
Un attrait irrésistible
La baisse des taxes sur l'alcool envisagée par l'Estonie pourrait poser problème à la Finlande, estime Etelä-Saimaa :
«Une concurrence fiscale entre Etats membres de l'UE pourrait placer la Finlande dans une situation délicate. Une hausse des taxes sur les produits nocifs pour la santé était au menu des négociations de coalition en Finlande. Les baisses de taxes envisagées par l'Estonie constituent donc un défi. ... Pour que la production des petites brasseries finlandaises reste concurrentielle, il serait souhaitable de ne pas augmenter la taxe sur les boissons alcoolisées à faible teneur en alcool. ... Une baisse incontrôlée des prix n'est guère à l'ordre du jour pour l'heure, du fait que les stocks sont pleins de boissons qui viennent d'être taxées encore plus lourdement. Mais les Finlandais se rendront en Estonie. Car l'alcool à bas prix exerce toujours un attrait irrésistible.»