Attaques racistes : Trump persiste et signe
Donald Trump s'en est pris à nouveau aux quatre députées démocrates qu'il avait conspuées sur Twitter. Ses partisans ont repris en chœur le slogan "Renvoyez-la chez elle", adressé à celle des quatre députées n'étant pas née aux Etats-Unis. Si le Congrès avait condamné l'attaque, quatre républicains seulement y avaient apporté leurs voix. Les chroniqueurs y voient une stratégie électorale.
Le vote de l'homme blanc
L'attaque portée par Trump contre les quatre députées augure une campagne raciste, assure l'historien Massimo Teodori sur Huffington Post Italia :
«En 2016 était élu pour la première fois un candidat considéré comme un 'président blanc' par les pans de la population pour lesquels la couleur de la peau compte plus que tout autre indicateur socio-économique. C'est la raison pour laquelle Trump fera campagne pour sa réélection en tenant un discours chauviniste, raciste et ethnocentrique, afin de recueillir un 'vote blanc' encore plus massif que celui obtenu en 2016. Sa sortie contre les quatre députées, axée sur leur nature 'non-américaine', est un avant-goût de ce à quoi on risque d'assister dans les prochains mois.»
Une stratégie payante
Tout cela ne peut que profiter à Trump, juge Delo :
«Il pense que la plupart des électeurs redoutent une évolution d'extrême gauche, comme l'incarnent selon-lui les quatre députées démocrates. Il estime par ailleurs qu'elles propageront le 'communisme, l'antisémitisme et l'anti-américanisme' à l'ensemble du parti démocrate. Et que les électeurs, dès lors, accorderont encore plus de crédit à ses affirmations, à savoir que les Américains n'ont jamais été aussi bien lotis qu'au cours de son mandat. Trump consolide ainsi sa position - personnelle et politique - avant les présidentielles de l'année prochaine.»
Il ne faut pas que cela devienne la norme
Les cris entendus dans les meetings de Trump s'inscrivent dans le cadre d'une funeste stratégie, commente De Morgen :
«Trump et le Parti républicain, qui ne condamnent pas ces agissements, ou bien du bout des lèvres seulement, jouent un jeu dangereux. En attisant l'hystérie des masses contre les minorités, il risque de fournir de nouvelles munitions aux crimes haineux, lesquels ont déjà fortement augmenté dans tout le pays au cours de sa présidence. ... Les Américains s'y habituent, et nous aussi. Cet état de fait ne peut devenir la norme dans un pays où 'la vie, la liberté et la recherche du bonheur' sont ancrés au cœur même de la déclaration d'indépendance.»
Les démocrates auront besoin d'autre chose
S'indigner des commentaires racistes du président Trump ne sera pas d'un grand secours pour les démocrates, croit savoir Kristeligt Dagblad :
«Même si les démocrates bénéficiaient d'une vague de sympathie avec l'habituelle indignation générée par le président Trump, ils sont confrontés à un problème plus profond, dont Trump est tout à fait conscient. Ils n'arrivent pas à parler positivement des Etats-Unis. ... Ils peuvent s'en prendre à Trump, à son mur, à ses actes et à ce qui fait sa personnalité, mais ils sont plus ou moins incapables de détailler leur programme pour les Etats-Unis. Qu'ont-ils à offrir aux travailleurs américains ? Quel rôle les Etats-Unis doivent-ils jouer dans le monde ? Ce n'est pas un hasard si la sortie de Trump contre les députées démocrates s'en prend justement à leur tendance à parler négativement des Etats-Unis.»
Des intimidations sexistes
D'après une étude réalisée par l'Institute for Strategic Dialogue et la BBC, les critiques exprimées sur les réseaux sociaux sont souvent sexistes. Upsala Nya Tidning appelle la société à réagir :
«Sur Twitter, Trump a appelé des députées démocrates qui venaient de critiquer son administration à 'retourner dans leurs pays'. Sur un sujet politique - des critiques formulées à l'encontre du gouvernement - le président répond par des attaques personnelles, tout aussi sexistes que racistes. Il prive ainsi ces politiques de la possibilité de réagir aux critiques sur une base factuelle. ... La société doit nommer clairement ceux qui propagent une telle haine, et soutenir ceux qui en sont victimes. C'est la seule façon de garantir que les politiques puissent évoluer dans un environnement sûr et avec les mêmes règles du jeu.»
Un apôtre de la haine à la Maison-Blanche
Le président a un comportement autocratique, juge Die Presse :
«Pas besoin d'être d'accord avec la 'Brigade', comme a choisi de se désigner le groupe résolument progressiste autour d'Alexandria Ocasio-Cortez, avec la vision naïve du 'Green New Deal' ou encore avec la critique d'Israël et du lobby israélien. Ces députés posent également un défi aux démocrates et à leur cheffe de file, Nancy Pelosi. Mais pour cette dernière, il est néanmoins évident que l'essence de la démocratie réside dans le dialogue, dans la possibilité d'exprimer ses critiques et d'accepter les avis divergents, sans céder aux ripostes grossières. Contrairement à Trump, politique impulsif et instinctif, qui conçoit la démocratie tel un autocrate, et qui préfère museler ses détracteurs ou les qualifier de traîtres à leur patrie.»
Trump cherche à faire monter la pression
La stratégie de Trump fait peu de cas des torts qu'elle peut causer, explique Der Standard :
«Le président se soucie comme d'une queue de cerise que la plupart des élues démocrates qu'il a récemment taxées d'être des étrangères soient nées aux Etats-Unis. Et peu lui chaut que les déportations massives annoncées de manière tonitruante aient réellement lieu ou non. Trump ne cherche en aucune manière à résoudre les problèmes qui découlent de l'immigration clandestine - bien au contraire. Plus les choses escaladent, plus il attise la peur, mieux cela vaut pour lui. Les Américains n'en ont pas fini d'entendre les déclarations ahurissantes que la campagne des élections de 2020 engendrera - nous non plus, du reste.»
Du racisme pur et dur
Qualifier les propos de Trump de "stratégiques" revient à les minimiser, estime Irish Examiner :
«Si certains nourrissaient encore des doutes quant au racisme et au sectarisme du président, ceux-ci auront été définitivement balayés par les tweets rédigés dimanche à l'encontre de la 'Brigade' [surnom du groupe des quatre députés progressistes concernés]. ... Les tweets rappellent que le président a choisi de diviser et d'exploiter le pays plutôt que de le diriger. La leçon que l'on peut en tirer, c'est que Trump et ses partisans les plus radicaux considèrent que les notions réconfortantes que les Etats-Unis pouvaient avoir en matière de progrès des droits civiques et de lutte contre le racisme n’ont plus cours dans le pays.»
Une biographie gênante
La Vanguardia rappelle que Trump est lui-même le descendant d'immigrés :
«Le paradoxe dans tout ça, c'est que la mère de Trump a émigré d'Ecosse avec 50 dollars en poche pour se construire une nouvelle vie à New York. Son grand-père paternel était un Allemand qui a émigré à l'âge de 16 ans pour participer à la ruée vers l'or avant de finir par créer une chaîne de maisons closes en Alaska. Sans parler de sa femme, Melania, qui est slovène. L'univers personnel de Trump est rempli d'immigrés. Peut-être les persécute-t-il avec autant de hargne parce qu'ils lui rappellent justement des origines qui déprécient sa condition de 'vainqueur'. Comme une tache dans sa biographie.»
Le point de non-retour
La Repubblica y voit un tournant :
«Il est étonnant de constater que le président des Etats-Unis, démocratiquement élu, puisse recourir à des catégories de pensée fascistes et racistes. Pire encore, qu'il a aussi été élu parce qu'il tient des propos fascistes et racistes. ... L'élection de cet individu à la Maison-Blanche est une date historique et un point de non-retour : elle représente la défaite de la culture démocratique occidentale. La défaite d'un certain lexique, d'une façon de penser, de se comporter, de discuter et même de se détester. Il est indéniable que la culture démocratique (sa politique économique, ses choix, ses hypocrisies) est également responsable de cette défaite. Mais cela ne change absolument rien à l'essence du problème.»