Conférence sur le climat : Greta Thunberg voit rouge
Lors de l'ouverture de la conférence de l'ONU sur le climat à New York, Greta Thunberg s'en est prise aux chefs d'Etat et de gouvernement mondiaux, leur reprochant d'avoir abandonné la jeune génération. "L'unique chose dont vous pouvez parler, c'est de l'argent et du conte de fée d'une croissance économique éternelle", a déploré la jeune militante. Les éditorialistes se penchent sur la symbolique que véhicule Greta Thunberg.
L'incarnation d'une cause
Greta donne un visage à un mouvement, remplissant notre besoin d'associer une image à une idée, fait valoir dans Le Temps l'écrivain Sylviane Dupuis :
«Forcément sincère, Greta Thunberg est devenue cette icône dont toute cause (religieuse ou politique) a besoin pour s'incarner. Et dont les avatars se succèdent au cours de l'histoire, de Jésus à Jeanne d'Arc… Tant est puissant notre besoin d'images : une idée n'est rien pour les humains que nous sommes tant qu'elle n'a pas pris corps. Greta Thunberg est le visage d'une idée que nous chassions depuis longtemps comme une mouche importune, et qui soudain nous fait face: notre royaume n'est que de ce monde ; et (même si certains en rêvent) nous n'avons pas de planète B. Si la Terre agonise, elle renaîtra en y mettant le temps qu'il faut ; mais nous…»
La défiance envers les responsables politiques
Les gens accordent de moins en moins leur confiance aux politiques établis, constate Latvijas avize :
«A notre époque, à l'échelle mondiale, beaucoup de gens préfèrent écouter les activistes et la génération des jeunes. ... L'étoile qui brille avec le plus d'éclat au firmament des activistes s'appelle Greta Thunberg. ... Par voie de conséquence, beaucoup de gens sont prêts à verdir leur mode de vie, à boire l'eau du robinet, faire le tri sélectif de leurs déchets, vivre sans voiture ou à ne plus utiliser de sacs plastiques. Parallèlement, ils reprochent aux politiques de ne rien faire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et de se contreficher de la menace que le changement climatique fait planer sur la Terre.»
Le "Greta-bashing" neutralise sa cause
Dans les colonnes de Dagens Nyheter, le chroniqueur Erik Helmerson est affligé par les commentaires sur Greta Thunberg :
«Le mouvement qu'elle a impulsé est sans précédent. ... Et de quoi parlent les journalistes ? Du regard de Greta, de ses larmes et de ses accès de colère. On a parfois l'impression que le bien qu'elle fait à l'air et aux mers est comparable, en termes d'intensité, au mal qu'elle a fait malgré elle à la courtoisie du débat journalistique. Le problème central de la couverture qui est faite d'elle, ravalée au niveau de la presse à sensation, n'est pas que tout ceci nous rend un peu plus stupide, mais que cela tend à neutraliser son discours. ... Elle est présentée non pas comme une activiste qui nous appelle sérieusement à nous mobiliser, mais comme un personnage de sitcom. Comme un épouvantail planté dans le jardin, impuissant face au spectacle de corneilles qui viennent becquer les cerises et déféquer sur l'arbre.»
Réclamer l'impossible
Tygodnik Powszechny appelle à une contestation radicale :
«Si les manifestations en faveur du climat veulent être efficaces, elles doivent reprendre à leur compte le slogan de 1968 : 'Demandez l'impossible !'. Et cela vaut pour chacun de nous. On n'a plus le luxe d'attendre que les politiques, freinés par les électeurs et les lobbys, se décident à renoncer aux centrales à charbon dans un quart de siècle. Si l'on se range derrière la science, il faut commencer à vivre comme si ces centrales n'existaient déjà plus. ... Le mouvement est qualifié de 'jeune', mais en lui réside pourtant la quintessence de la politique contemporaine.»
La décroissance ne peut être totale
Greta a tort sur certains points, assure le journal libéral Les Echos :
«Il n'est pas exact de dire que rien n'est fait et que l'humanité est totalement inactive face à ce défi historique. La révolution qu'est par exemple en train de vivre le secteur automobile, coûte des dizaines de milliards d'euros et entraîne d'énormes suppressions d'emplois. L'envol des renouvelables est également impressionnant dans beaucoup de pays. Trop peu, tard, mais pas rien. Ensuite, la décroissance n'est pas la solution qui sauvera la planète. La décroissance des énergies fossiles pour se chauffer, se déplacer et produire, sûrement. Mais la décroissance des dépenses de santé, de retraites et de solidarité vis-à-vis des plus démunis ? ... Oui, le capitalisme doit évoluer. Mais à tout mélanger, on … mélange tout.»
La vache sacrée de l'écosocialisme mondial
Greta Thunberg ne saurait être une autorité morale, juge Demokracija :
«Greta est le symptôme des erreurs de l'écosocialisme ; ses parrains l'utilisent comme de la chair à canon. ... Il n'est un mystère pour personne que l'écosocialisme, qui se dissimule derrière la formule 'justice climatique', n'est autre qu'une niche de marché très rentable. Cette niche de marché ne se base pas sur les principes de la libre-économie, mais sur un lavage de cerveau recyclant des mythes qui n'ont pas grand-chose de scientifique, et une volonté d'augmenter les impôts sur l'autel de la protection de l'environnement.»
Greta doit changer de stratégie
Azonnali appelle la jeune militante à cesser de s'adresser à la classe politique :
«Elle fustige en vain la corruption systémique des élites politiques lorsqu'elle s'adresse à eux (et attend des réponses). Elle ferait mieux de se tourner vers les citoyens, dont les intérêts ne sont plus défendus par la classe dominante. Si tout ce qu'elle leur reproche est vrai (et cela est vrai), alors Greta Thunberg aurait mieux fait de leur tourner le dos depuis longtemps et de mobiliser directement les citoyens, pour trouver une tout autre issue. Avec un tel changement de cap, elle assumerait un tout autre rôle : les incriminations colériques ne suffiraient plus ; il lui faudrait dès lors avancer des solutions concrètes.»
Les chiffres de la vérité
Dans La Stampa, le chroniqueur Gianni Riotta recommande la lecture du livre "Growth : From Microorganisms to Megacities", de Václav Smil :
«Saviez-vous que depuis 2003, la Chine consomme tous les trois ans plus de ciment que les Etats-Unis sur l'ensemble du XXe siècle ? Et que si l'on mettait d'un côté d'une balance tous les habitants de la Terre et leurs animaux de ferme, et de l'autre, les animaux sauvages encore en vie, eh bien nous, nos vaches, moutons et cochons pèserions davantage que les éléphants, les baleines, les tigres, les oiseaux du ciel et les poissons de l'océan réunis ? Ce sont les chiffres de la vérité de la nouvelle étude du scientifique Václav Smil. ... Si nos économies ne se mettent pas au vert au cours de cette génération, la planète Terre, confiée à Homo sapiens par Dieu ou par l'Evolution, sera irrémédiablement perdue.»
Le soulèvement contre les vieux ne fait que commencer
Le conflit générationnel qui se cristallise depuis le début du mouvement Fridays for Future pourrait s'intensifier, estime Journal 21 :
«Les vieux contractent dette après dette. Ils ne vivent pas seulement aux dépens de la nature et du climat, aux dépens des ressources de cette planète, mais aussi aux dépens des générations futures. Il restera de moins en moins de choses pour les jeunes de ce monde. ... Il faudra par ailleurs payer de plus en plus pour les vieux pour qu'ils puissent bénéficier de retraites suffisantes, d'une prévoyance santé et de soins médicaux. Et ce après avoir vécu d'une façon que les jeunes n'ont pu qu'entrapercevoir lorsqu'ils étaient enfants.»
Le système économique doit changer
Même si tous les pays honoraient leurs engagements en faveur du climat, cela ne suffirait probablement pas, redoute Mérce :
«Les pays qui sont les plus gros pollueurs de la planète, et dont les gouvernements sont restés à l'écart du sommet, ne reverront probablement pas leur politique, les préconisations de l'ONU n'étant pas contraignantes. ... La catastrophe climatique résulte du capitalisme mondial, et de l'impératif de croissance qui le sous-tend. ... Une vaste réforme du système économique mondial semble être la seule solution envisageable.»
Un phénomène étrange
Dans un post Facebook relayé par Newsru.com, le journaliste Vladimir Gouriev s'étonne de ce que Greta Thunberg puisse parler devant l'ONU et être écoutée par les dirigeants de la planète :
«Pourquoi donc le monde entier écoute-t-il une petite fille sans le moindre diplôme ? Pourquoi croit-on subitement que son avis sur la question a une quelconque valeur ? Pourquoi son avis pèserait-il plus que celui de n'importe quel chauffeur de taxi ? Je crois au hasard, mais pas dans ce cas précis, alors que le monde entier a convenu de faire semblant de ne pas voir que quelque chose de très étrange est en train de se produire devant nos yeux.»