Berlin expulse des diplomates russes
L'Allemagne a renvoyé à Moscou deux employés de l'ambassade russe soupçonnés de travailler pour le compte de l'agence de renseignement russe GRU. Le procureur général allemand soupçonne officiellement des agents russes d'avoir été impliqués dans le meurtre d'un Géorgien, abattu en plein jour dans un parc du centre de Berlin, en août 2019. Quelles seront les répercussions de l'affaire ?
Berlin doit mettre sa politique au diapason des réalités russes
Suite à cet acte, Der Tagesspiegel appelle le gouvernement allemand à repenser profondément sa position vis-à-vis de Moscou :
«Pour commencer, il pourrait enfin se résoudre à appeler les choses par leur nom. Ces cinq dernières années, la Russie de Poutine a été l'instigatrice d'une prise d'influence sur les élections dans des démocraties occidentales, d'actes de piraterie électronique, y compris visant le Bundestag et le gouvernement allemand. Le Kremlin est en outre à l'origine de vastes campagnes de désinformation sur Internet et des guerres en Ukraine et en Syrie. Or quand on analyse le débat mené en Allemagne sur la politique russe, on ne trouve que peu de traces de ces agissements. A la place, à des intervalles réguliers, Berlin remet sur le tapis la suggestion de lever les sanctions prises en raison de l'intervention russe en Ukraine.»
Pas de quartier pour un régime criminel
Jyllands-Posten va plus loin encore, et préconise des contre-mesures plus dures :
«Un observateur objectif comme il en existe en Allemagne, mais surtout aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Pologne et dans les Pays baltes, notera que ce meurtre est tout simplement la confirmation que la Russie n'a pas le moindre scrupule à liquider ses détracteurs. ... Les réactions de Moscou sont immuablement les mêmes. Le régime feint l'indignation et clame son innocence. Bien sûr, il n'en est rien. C'est pourquoi l'Occident doit renoncer aux discours pacifistes et se réarmer. Le Kremlin reste un régime criminel, et même en version 2.0, il fait tout autant froid dans le dos.»
Non, Poutine n'a pas de cœur
Le moment ne pourrait être moins propice à un rapprochement avec Moscou, estime Dagens Nyheter :
«L'annexion de la Crimée par Poutine en 2014 avait entraîné des sanctions qui restent en vigueur. Les bombardements en Syrie ont révélé toute l'insensibilité du régime russe. Mais le président français estime qu'il est temps de dégeler les relations avec les Russes et de cesser de voir en eux des adversaires. Macron et la chancelière allemande, Angela Merkel, se retrouveront lundi en France pour évoquer la guerre en Ukraine. Jusqu'ici, le président russe a refusé de retirer ses soldats ou de céder sur un autre plan. Le meurtre de Berlin nous rappelle qu'on aurait tort de croire qu'il a un cœur.»
Des relations mises à mal
Le fossé se creuse entre Berlin et Moscou, observe Rzeczpospolita :
«C'est surtout le fait de l'Allemagne, qui s'était toujours montrée encline au dialogue en dépit de son refus catégorique de lever les sanctions antirusses. Rappelons que les deux pays sont aussi unis sur le dossier Nord Stream 2, ce qui leur vaut les critiques acerbes des Etats-Unis. Et pourtant, en novembre, Berlin a refusé la proposition russe d'un moratoire sur le recours aux missiles de moyenne portée en Europe - une initiative visant à anticiper une résiliation du traité FNI par Washington. La prochaine confrontation se profile déjà pour Berlin et Moscou, le 9 décembre, quand la guerre en Ukraine sera au menu de la rencontre au format Normandie.»
Les espions russes compromettent les relations avec Berlin
Le dilettantisme des agents russes à Berlin et à Salisbury couvre les Russes de honte, vitupère Anton Orekh sur Ekho Moskvy :
«Je ne ressens aucune espèce de sympathie pour Skripal, et encore moins pour Khangochvili [la victime du meurtre berlinois]. Mais les méthodes de cowboy de nos super-agents ne sont pas du tout à mon goût. Il va sans dire que ces gens n'enfilent pas des gants de soie avant de faire leur travail. Mais si vous êtes des tueurs à gage aussi cools, au moins ne bâclez pas le travail, arrangez-vous pour ne pas vous faire pincer. C'est à avoir honte de son pays. ... Tous les services secrets font plus au moins la même chose. Mais ce sont toujours les nôtres qui se font attraper, et à chaque fois ça fait scandale. Cerise sur le gâteau, maintenant nous sommes en froid avec les Allemands.»
Un test pour l'Allemagne
Pour Deutschlandfunk, l'expulsion de deux diplomates n'est pas une mesure suffisante :
«La chancelière et le ministre des Affaires étrangères devraient condamner plus fermement ce qui s'est passé et prononcer contre la Russie des sanctions plus incisives. Suite à l'affaire Skripal, l'attaque menée sur le sol britannique contre un transfuge russe, 15 Etats européens avaient expulsé des dizaines de diplomates russes. Ce serait la moindre des choses. ... Le meurtre survenu dans le parc berlinois de Tiergarten doit être replacé dans son contexte politique plus vaste : il faut y voir une pièce dans le puzzle de la guerre hybride que la Russie mène à plusieurs niveaux contre le monde occidental. Berlin doit montrer qu'elle a pris la mesure de cet acte. Car cette affaire sera aussi un test de résistance pour l'Allemagne.»