Impeachment de Trump : cui bono ?
La procédure de destitution qui vient d'être engagée contre le président américain, Donald Trump, suscite des réactions mitigées du côté des médias européens. Trump a indiqué qu'il entendait se soumettre le plus rapidement possible à la procédure devant le Sénat, qui doit dire si le président, accusé d'abus de pouvoir et d'obstruction au travail du Congrès, doit quitter son poste.
Vers une déstabilisation mondiale ?
Le moment pour lancer la procédure contre Trump n'aurait pas pu être plus mal choisi, estime Jyllands-Posten :
«L'impeachment visant le président Trump est la dernière chose dont les Etats-Unis avaient besoin actuellement. Car cela ne fera qu'aggraver un peu plus la division déjà profonde de la société. La procédure nuira au pays en cette année électorale, ce qui ne veut pas dire bien entendu qu'elle soit injustifiée sur le plan juridique. ... Elle tiendra en haleine l'ensemble de la communauté internationale - il ne s'agit pas, en effet, d'une affaire qui regarde seulement les Etats-Unis. Trump, se sentant acculé politiquement sur la scène nationale, pourrait croire bon d'agir dans l'arène internationale. Une perspective qui ne fait rien pour arranger les choses.»
Trump hors d'état de nuire ?
Turun Sanomat en revanche espère que le scénario contraire se réalisera :
«Les défenseurs de l'impeachment jugent que celle-ci pourrait au moins entacher l'image de Trump. A l'avenir, on associera sa personne à la procédure de destitution. Trump ne se soucie vraisemblablement pas beaucoup de son image, tant qu'il parvient à être réélu aux prochaines élections. L'impeachment pourrait même lui donner un coup de pouce électoral. Si l'on veut malgré tout y voir des aspects positifs, on peut estimer que l'affaire est chronophage pour Trump. Ce qui pourrait le dissuader de prendre des décisions néfastes pour la communauté internationale.»
Un débat politique déshumanisé
Vu la violence des débats, il pourrait s'avérer de plus en plus difficile de trouver des compromis politiques aux Etats-Unis, estime Ria Novosti :
«Hormis des parenthèses passagères, l'électorat des deux partis partait jusque-là du principe que les démocrates et les républicains pouvaient, par delà leurs différences, régler les conflits politiques en vertu des règles d'équité fixés par les pères fondateurs eux-mêmes. ...Ce système est désormais moribond, car les partisans des deux camps rêvent de la liquidation physique de leurs opposants, ne voyant plus en eux des 'amis ou des concitoyens', mais des 'monstres'. Ce sont les signes d'une déshumanisation totale, qui devrait mal se terminer.»
Une procédure qui unit les républicains derrière Trump
L'impeachment aidera le président sortant à être réélu, juge Die Presse :
«Aucun des 200 députés américains n'a fait faux bond à Trump, ce qui n'est pas anodin - de même que deux démocrates n'ont pas cru bon de suivre les accusations d'abus de pouvoir et d'obstruction au travail du Congrès. Les Américains sont peu nombreux à se demander si Trump a bel et bien demandé à l'Ukraine d'enquêter sur Joe Biden et son fils. Aux yeux d'une majorité d'électeurs, le bon fonctionnement de l'économie et le combat présumé de Trump contre l'establishment à Washington revêtent une plus grande importance. Les conservateurs se seraient peut-être posé plus de questions si les démocrates n'avaient pas fait cavalier seul et imposé une procédure controversée de destitution. Après l'acquittement de Trump par le Sénat, les démocrates auront en effet beaucoup de mal à battre Trump aux élections de novembre 2020. »
Un programme imposé pour les démocrates
L'opposition démocrate dévoie la procédure d'impeachment, déplore Neue Zürcher Zeitung :
«Jamais par le passé la destitution d'un président n'a été possible avec l'assentiment d'un seul parti. Or point de large consensus aujourd'hui, condition fondamentale évoquée par Pelosi elle-même au printemps dernier pour lancer la procédure. Or si celle-ci est légitime, cet état de fait la rend attaquable. Les démocrates en sont conscients et ont effectué leurs actions comme s'il s'agissait d'un programme imposé. D'où l'impression qu'ils cherchent à tourner au plus vite la page de l'impeachment - conçu comme un spectacle pour leur propre base - dans l'espoir de ne pas impacter la campagne. D'un point de vue tactique, cette option était peut-être un moindre mal. Mais elle n'est pas à la hauteur de l'instrument que constitue l'impeachment.»
Une issue inconnue
La Vanguardia porte un regard positif sur la procédure de destitution :
«La situation actuelle nous montre que le système américain fonctionne. La volonté de Trump de se servir de la fonction présidentielle pour faire ce qui lui chante se heurte à des barrières légales. ... Il est difficile de dire quelle sera l'issue de la procédure. La majorité républicaine au Sénat rend une destitution improbable. Certains observateurs estiment même que Trump pourrait ressortir renforcé des élections de 2020. Il ne faut pas oublier cependant que d'autres scandales impliquant le président pourraient être divulgués dans les prochains mois - ce n'est pas impossible au vu des agissements du président jusque-là. Et de nouvelles preuves pourraient inciter les républicains à prendre leurs distances.»