La crise gouvernementale annonce-t-elle d'autres crises pour l'Italie?
La coalition gouvernementale quadripartite a volé en éclats en Italie. Mercredi soir, le leader du parti Italia Viva, Matteo Renzi, a claqué la porte de la coalition de centre droit, faisant valoir que le Premier ministre Matteo Conte n'était pas capable de diriger le pays en ces temps difficiles. Des désaccords sur la répartition du fonds de relance post-coronavirus avaient mis le feu aux poudres. Les commentateurs s'interrogent sur les répercussions de son geste au-delà de l'Italie.
Que cette disposition pro-européenne perdure !
La crise gouvernementale a aussi un effet délétère sur l'UE, pointe Oliver Meiler, correspondant en Italie de Süddeutsche Zeitung :
«Pour la première fois depuis longtemps, les Italiens font preuve d'un regain d'engouement pour l'UE. Le plan de relance y est certes pour quelque chose, doux réconfort après la douche froide des débuts de l'épidémie où l'Italie tout entière s'est sentie bien seule et démunie. Giuseppe Conte s'est révélé être un Européen convaincu, ce qui n'était pas donné d'avance. Il a su utiliser les bons contacts des partenaires gouvernementaux du Partito Democratico et, contre la promesse de réformes, a obtenu bien plus que ce à quoi on s'attendait dans le pays. Si ce 'bon génie' devait disparaître et si les nationalistes arrivaient au pouvoir, on assisterait à un immense gâchis.»
Une situation moins grave qu'il n'y paraît
Pour Azonnali, peu de choses vont changer à Rome :
«Puisque le gouvernement de Giuseppe Conte n'a perdu que sa majorité au Sénat, la situation n'est pas si dramatique. Selon le scénario le plus probable, Conte pourra continuer à gouverner sous une forme ou sous une autre, soit avec l'élargissement de la coalition actuelle, soit grâce à un nouveau mandat pour former un gouvernement. La formation d'un gouvernement d'experts n'est pas non exclue. Il est néanmoins beaucoup moins probable que l'on assiste à des élections anticipées ou qu'un homme politique de centre-gauche soit mandaté pour gouverner.»
Que veut Renzi au juste ?
La Repubblica ne comprend pas les motifs de ce retrait :
«On peut résumer les raisons de Renzi de la façon suivante : le Premier ministre, Giuseppe Conte, n'est pas apte selon lui à diriger l'Italie dans cette phase cruciale de l'histoire du pays, à l'heure où les énormes ressources européennes doivent être affectées à la modernisation du pays plutôt qu'au clientélisme et au statu quo. ... Pas besoin de chercher longtemps pour débusquer les contradictions de cette position. Renzi lui-même a été l'architecte du deuxième gouvernement Conte à l'été 2019, lorsque les limites du personnage et de la nouvelle coalition étaient déjà visibles. ... En outre, bien que Renzi critique l'immobilisme et l'inertie de Conte face aux urgences (santé, éducation, infrastructures), il ne s'oppose pas à ce que celui-ci soit de nouveau nommé Premier ministre.»
Les Italiens n'ont pas mérité ça
Die Presse juge impardonnables les jeux politiques qui se trament à Rome :
«Il n'y a pas d'explication plausible à la rupture de la coalition, au plus fort de la pandémie du siècle : même son propre parti ne comprend pas ce que Matteo Renzi, le premier responsable du crash, recherche au juste. ... Il est surtout question de luttes de pouvoir et de vanités. ... Au printemps dernier, les Italiens ont prouvé, à force de discipline et d'initiative personnelle, qu'ils étaient passés maîtres en l'art de gérer les crises. Médecins et aides-soignants ont tout donné, les chercheurs italiens, dans le pays comme à l'étranger, ont apporté de précieuses contributions pour venir à bout de la pandémie. Ils n'ont pas mérité la tragédie irresponsable que les politiques leur jouent actuellement.»
Déconnectés des réalités
Les politiques italiens vivent manifestement sur une autre planète, fulmine La Stampa :
«Par le passé, on aimait à dire que les politiques vivaient 'dans une tour d'ivoire', en retrait des difficiles réalités de la vie. Aujourd'hui, on a l'impression qu'ils ont pris place à bord d'un vaisseau spatial et qu'ils observent depuis l'espace, à des milliers de kilomètres de distance, ce qui se passe dans le monde et surtout en Italie. ... Ils vivent dans leur propre bulle - un grand cirque médiatique qu'ils alimentent de déclarations et de contre-déclarations, loin des fastidieuses réalités quotidiennes. Dans les faits, il n'existe quasiment aucun rapport entre la 'crise' de la politique italienne et les 'crises' que vivent des millions de citoyens, dans l'attente des aides financières dont ils sont tributaires. ... Ils attendent en vain des déclarations claires concernant la planification de la campagne de vaccination ou le retour à un enseignement digne de ce nom.»
Une opportunité malgré tout
En dépit de la gravité de la situation, Aargauer Zeitung discerne une lueur d'espoir :
«Ourdir une crise gouvernementale en pleine pandémie de Covid-19, alors que l'Italie connaît sa pire urgence sanitaire depuis la naissance de la république, cela paraît absurde et surréaliste. La plupart des Italiens ont d'autres problèmes : des millions d'entre eux sont menacés de déclassement et de pauvreté, des dizaines de milliers d'entreprises sont sur le point de mettre la clé sous la porte. ... Les partenaires de coalition n'ont jamais développé de vision commune pour le pays. De ce point de vue, cette crise politique délirante pourrait même être perçue comme une opportunité pour l'Italie : sous l'égide du président Sergio Mattarella, les partis pourraient en effet assumer leurs responsabilités et former un gouvernement d'union nationale.»