Autriche : le chancelier fait-il ingérence dans la justice ?
Une enquête pour corruption a été ouverte contre le ministre autrichien des Finances, Gernot Blümel (ÖVP). Celui-ci serait intervenu en faveur du groupe Novomatic, propriétaire de jeux en lignes et de casinos, accusé d'évasion fiscale en Italie, en contrepartie de dons à son parti. Dans un courrier aux autorités judiciaires, le chancelier Sebastian Kurz (lui même ÖVP) a proposé de témoigner pour infirmer des 'erreurs d'hypothèses et des faits erronés'. Pour les commentateurs, il aurait mieux fait de s'abstenir.
Irréfléchi et irresponsable
Der Standard rappelle le principe de séparation des pouvoirs :
«Les juges, les procureurs et de grands juristes sont interdits, ou du moins alarmés, par ce qui est en train de se passer. ... Soit le parti du chancelier est extrêmement nerveux - de peur des révélations qui pourraient encore affleurer. Soit - et c'est au moins tout aussi possible - Kurz et les siens sont sincèrement outragés parce qu'ils ont les mains propres. Sur le plan humain, il serait compréhensible que Kurz, s'estimant injustement traité, se mette à gesticuler furieusement. Or il est chancelier. Une fonction qui a ses responsabilités. Et il est de sa responsabilité de laisser le ministère public faire son travail sans être dérangé. Un chef de gouvernement qui attaque la justice attaque la démocratie.»
Une pointe de Trump
Die Presse évoque une formulation dans la lettre de Kurz qui aurait pu sortir de la bouche de Trump :
«Kurz semble avoir la conscience parfaitement tranquille, puisqu'il renonce au statut d'accusé. ... Ce qui ne l'autorise tout de même pas à renoncer à une déposition. Or en témoignant au barreau, il ferait bien d'être plus précis que dans sa lettre. Comme on sait, il y met en garde les procureurs contre un préjudice de réputation résultant d'erreurs d'hypothèses et de 'faits erronés'. Ce qui ressemble à un trumpisme parce que c'en est un ! C'est le propre des faits de ne pas être erronés ou alternatifs. Kurz voulait dire : représentations erronées. Et ce qu'il voulait aussi dire, même s'il ne l'a pas écrit : cela aboutirait à une procédure interminable. Ce qui causerait vraiment un problème et un préjudice à l'image de la politique et de toutes les institutions impliquées.»