Pays-Bas et esclavage : les excuses de Mark Rutte
150 ans environ après la fin de l'esclavage dans les colonies néerlandaises, le Premier ministre Mark Rutte a présenté des excuses "à titre posthume à tous les esclaves du monde entier qui ont souffert ; à leurs filles et fils et à tous leurs descendants". Les chroniqueurs s'interrogent sur les conséquences de ces excuses.
Ce ne peut être qu'un début
Les Pays-Bas commencent à prendre conscience de l'ampleur des torts causés, se réjouit De Volkskrant :
«De ce point de vue, on peut considérer ces excuses comme un succès formidable pour les militants qui les réclamaient depuis longtemps, et, dès lors, comme la fin de ce processus. Les destinataires de ces excuses, pour leur part, préfèrent y voir un début. On peut aussi parler de 'virgule', comme l'a déclaré Rutte lui-même. Car des excuses ne peuvent rester sans conséquences.»
Des débats désagréables à mener
Le but doit aussi être de faire évoluer la conscience collective des Pays-Bas, fait valoir le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung :
«Le pays continue de profiter aujourd'hui de la richesse de cet 'âge d'or', obtenue par les moyens les plus sinistres. Il faudra mener ces débats, aussi désagréables soient-ils, car on ne peut pas imposer de telles vues par des simples déclarations politiques. Mais ne perdons pas de vue l'essentiel : à savoir, comme l'affirme Rutte, que ce passé honteux se 'répercute considérablement' sur l'égalité des chances aujourd'hui.»
La campagne électorale pourrait tout gâcher
Les Pays-Bas étant encore très divisés sur la question, on peut s'interroger sur le réel impact de ces excuses, fait valoir NRC Handelsblad :
«[Le populiste d'extrême droite] Geert Wilders s'est excusé sur Twitter pour les excuses de Rutte. Il est attendu qu'il exprime son opinion sur la question au Parlement. Dans le but également de braver le VVD [parti libéral de Mark Rutte], car la campagne des régionales du mois de mars commence déjà. Rien ne dit par ailleurs que la partie conservatrice de l'électorat du VVD appréciera ces excuses.»
La Belgique refuse de se regarder dans le miroir
Le jour où Rutte a formulé ses excuses, une commission parlementaire belge mettait fin à ses travaux sur la période coloniale sans parvenir la moindre conclusion. Lors d'une visite en République démocratique du Congo, le roi des Belges, Philippe, avait exprimé ses regrets, tout en évitant le terme "excuses" - par crainte visiblement de demandes de réparation. Dans De Morgen, le chroniqueur Bart Eeckhout fait part de son agacement :
«Le véritable enjeu ici, c'est la reconnaissance des souffrances historiques et l'amorce d'un débat sur l'avenir de pays que nous devrions considérer d'égal à égal. ... Il est ironique que le jour où la Belgique a refusé d'avancer sur la question, le Premier ministre néerlandais se soit publiquement excusé pour l'esclavage dans les territoires colonisés. ... Tout ce blabla autour du versement de réparations n'est rien d'autre qu'un refus. Un refus de se regarder dans le miroir, tant de décennies plus tard.»