Nihon Hidankyō, prix Nobel de la paix 2024
Cette année, le prix Nobel de la paix a été décerné à l'organisation Nihon Hidankyō. Cette association, fondée par des survivants des bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki, s'engage à la fois pour les victimes de l'époque et pour le désarmement nucléaire mondial. La presse pèse le pour et le contre de cette décision.
Un avertissement global
En jetant son dévolu sur Nihon Hidankyō, le comité a fait le bon choix au bon moment, estime Tages-Anzeiger :
«Dès sa fondation, l'organisation était animée par deux objectifs principaux : premièrement, intervenir auprès du gouvernement japonais pour que les victimes (qui ont dû vivre longtemps dans la précarité) soient dédommagées en conséquence. Deuxièmement, œuvrer pour le désarmement mondial, avec pour finalité l'élimination de l'intégralité des armes nucléaires dans le monde. La décision du comité Nobel rappelle au monde ce qu'implique le recours aux armes nucléaires, mais aussi la menace qui pèse sur l'humanité si un nombre croissant de pays se procurent cette arme ultime. Qui le sait mieux que l'organisation Nihon Hidankyō ? Qui serait plus crédible pour en parler que ses membres, qui en sont témoins oculaires ?»
Mieux vaut faire parler le passé que l'avenir
Jyllands-Posten salue la décision du comité Nobel de privilégier, une fois n'est pas coutume, la rétrospective :
«Les guerres qui font rage actuellement, la fragilité des réseaux de sécurité et de défense, ainsi que le retour du débat sur les armes nucléaires, rappellent que l'espoir ne peut pas être une stratégie. En 2009, le prix avait été décerné à Obama 'pour son engagement remarquable en vue de renforcer la diplomatie internationale et la coopération entre les peuples', en 1994 à Arafat, Peres et Rabin pour leurs efforts en faveur de la paix au Proche-Orient, en 1990 à Gorbatchev pour son rôle important dans l'amélioration des relations Est-Ouest. ... En l'absence de signes positifs dans un monde troublé, c'est une preuve de sagesse que de récompenser des personnes qui, par la force de leur mémoire et de leurs témoignages, peuvent contribuer à inciter les acteurs du présent à changer d'avis.»
Un chemin difficile vers la neutralité
Le journaliste Vassili Golovnine, qui vit au Japon, retrace sur Facebook l'histoire de l'organisation fondée en 1956 :
«A l'origine, 'Hidankyō' était très à gauche, de tendance prosoviétique et anti-américaine. Mais après les essais nucléaires initiés par l'Union soviétique, elle a commencé à connaître des déboires et à se fracturer. ... Un conflit éclate entre socialistes et communistes, conduisant à une scission du mouvement antinucléaire japonais en fonction des partis. Le Hidankyō national a alors décidé de ne plus avoir d'étiquette politique et se considère depuis lors comme neutre. L'association critique désormais aussi bien Washington que Moscou pour leur maintien des arsenaux nucléaires.»
Personne n'a mérité ce prix
Tagesspiegel se demande s'il n'aurait pas mieux valu ne pas décerner ce prix :
«Selon les termes du fondateur Alfred Nobel, le prix doit être attribué à celui 'qui a le plus ou le mieux œuvré à la fraternisation des peuples et à l'abolition ou à la réduction des armées permanentes ainsi qu'à l'organisation ou à la promotion de congrès en faveur de la paix' et qui a ainsi 'apporté le plus grand bénéfice à l'humanité au cours de l'année écoulée'. Qui peut y prétendre ? Il est légitime de se demander si dans la situation actuelle et en vertu des exigences, quelqu'un a contribué à la paix au point d'être digne d'un prix Nobel. La réponse est sans appel : non. ... Mais le choix du comité Nobel répond à sa propre logique - il a été fait au nom de la paix.»