Franc suisse : la BNS abolit le cours plancher
Contre toute attente, la Banque nationale suisse (BNS) a annoncé jeudi qu'elle abandonnait le cours plancher de 1,20 franc suisse par euro qu'elle avait adopté en 2011. Suite à cette décision, l'indice boursier suisse (SMI) a chuté de 14 pour cent, et le cours de l'euro a atteint son plus bas niveau depuis onze ans. C'est la fin brutale d'une décennie d'insouciance helvétique, relèvent certains commentateurs. D'autres jugent cette décision tout à fait logique compte tenu des graves problèmes de la zone euro.
La Suisse quitte le navire
Ce n'est pas un hasard si la Banque nationale suisse (BNS) prend sa décision après l'avis rendu par la CJUE, qui a approuvé le rachat massif de dettes publiques par la BCE, relève le quotidien libéral-conservateur Tagesspiegel : "La BNS part manifestement du principe que le président de la BCE, Mario Draghi, lancera son projet le 22 janvier. … Cela signifie visiblement la fin de la résistance obstinée de l'Allemagne, depuis des années, contre la perspective d'un rachat d'emprunts d'Etat. Si la BCE annonce de tels rachats, c'est vraisemblablement qu'elle ne voit pas d'autre possibilité pour tirer l'économie de la zone euro de l'impasse. Cela montre toute la gravité de la situation. Les perspectives ne sont pas bonnes. On peut se demander si les rachats de dettes et l'accroissement envisagé de la masse monétaire résoudront les problèmes structurels de la zone euro. Dans tous les cas, il faudra davantage de temps pour que les choses s'améliorent. La Suisse a déjà décidé de quitter le navire."
Suisse : une véritable remise en question
Après avoir tranquillement profité de la prospérité pendant des années, la Suisse ne pourra plus occulter les véritables questions suite à ce séisme économique, estime le magazine L'Hebdo : "En douze mois, la Suisse aura perdu deux des vecteurs de l'insolente prospérité de cette dernière décennie : la tranquillité monétaire, et l'assurance de pouvoir recruter les meilleurs talents sur le marché de l'emploi européen. Cela fait beaucoup. ... L'économie suisse qui performait, alimentait les caisses publiques et atomisait le chômage à un taux plancher endure un séisme majeur. Fini de rire, les politiques vont devoir se concentrer sur les vrais problèmes, cesser de finasser. Intégrer la zone euro ? Adhérer à l'Union européenne, toutes ces questions qu'ils ne voulaient pas traiter leur sautent à la figure."
La victoire des marchés financiers sur les banques centrales
La Banque nationale Suisse (BNS) dépose les armes, tandis que les marchés financiers se réjouissent de la perspective des rachats massifs de dettes publiques par la BCE, écrit le quotidien de centre-gauche La Repubblica : "Les marchés financiers interprètent positivement la décision de la BNS, car celle-ci montre à leurs yeux que l'Eurotower est sur le point de procéder à un changement de cap, et que celui-ci sera peut-être bien plus radical qu'on ne le pensait jusqu'à maintenant. … Ce sont les vainqueurs de ce 'Stalingrad'. Nous vivons à l'ère de la domination des dirigeants des banques centrales. Ceux-ci sont passés maîtres dans l'art de créer des masses monétaires illimitées en un simple clic de souris. Mais si la Suisse a jeté l'éponge hier, c'est parce que les marchés ont prouvé qu'ils étaient encore plus forts. Surtout lorsque les banques centrales surestiment leur propre puissance. Pour Berne sonne le glas, mais on peut l'entendre jusqu'à Francfort."
Les Croates, désemparés et impuissants
L'appréciation soudaine du franc suisse précipite vers l'insolvabilité des milliers de Croates qui avaient contracté des emprunts en francs suisses. La souveraineté de l'Etat et l'autodétermination promises par les politiques étaient illusoires, constate le quotidien de centre-gauche Novi List : "La décision suisse suffit pour nous montrer la fragilité de notre souveraineté, l'impuissance et l'insignifiance de la rhétorique vrombissante des élections présidentielles au regard des réalités du quotidien. La douche froide coupe court à l'euphorie des élections, surtout pour les 60.000 Croates qui ont contracté des crédits en francs suisses. … Ni le gouvernement ni la nouvelle présidente ne peuvent vous être du moindre secours. Le seul maître à bord, c'est la BNS. C'est la seule et unique puissance qui, du jour au lendemain, a fait atteindre des montants exorbitants aux mensualités à rembourser. De plus, elle est incapable de vous expliquer la chose dans votre propre langue et n'a pas la moindre idée des problèmes et des soucis qui vous taraudent au quotidien."