Allemagne : le futur gouvernement présente son contrat de coalition

L'Allemagne a fait un grand pas en avant dans la formation d'un nouveau gouvernement. Les négociateurs des trois partis impliqués - CDU, CSU et SPD - se sont mis d'accord sur des objectifs communs et ont rendu public leur projet de contrat de coalition. Aux instances des partis de soumettre au vote ce projet. L'élection du nouveau chancelier par le Bundestag pourrait avoir lieu début mai. Les commentaires de la presse européenne.

Ouvrir/fermer tous les articles
Le Temps (CH) /

Des lendemains qui sourient

Friedrich Merz rend espoir à l'Allemagne, affirme Le Temps :

«En réussissant à convaincre le SPD et les Verts de la nécessité d'assouplir le frein à l'endettement, totem de l'austérité allemande qui a longtemps paralysé les investissements, il place le pays en condition de se moderniser et de se projeter dans un futur plus prospère. De Gerhard Schröder à Olaf Scholz en passant par Angela Merkel, les derniers chanceliers ont omis d'investir dans des infrastructures aujourd'hui obsolètes et se sont reposés sur une rente de situation axée sur les exportations et un gaz russe à bon marché. Le génie industriel allemand piaffe désormais d'impatience pour bénéficier de conditions-cadres dignes de ce nom.»

Lidové noviny (CZ) /

Un gouvernement du centre fait le jeu de l'AfD

Lidové noviny redoute les conséquences funestes d'une grande coalition :

«Depuis le premier mandat d'Angela Merkel en 2005, la société a l'impression que plus rien ne différencie la gauche de la droite. ... On ne s'étonnera donc pas que l'AfD ait été donné parti le plus populaire d'Allemagne selon un sondage mené le jour de la signature du contrat de coalition. ... Si l'AfD se porte candidate et qu'on ne l'autorise pas à participer à une coalition, alors ce seront 20 pour cent des bulletins de vote qui passeront à la poubelle. ... Si Merz, vainqueur des élections, doit accepter les recettes de gauche de ses partenaires du SPD pour former une coalition, on conçoit que les électeurs enragent de plus belle et soutiennent encore plus l'AfD.»

The Irish Times (IE) /

Des concessions de mauvais augure pour l'immigration

L'accord coche toutes les cases du compromis, écrit The Irish Times :

«Chaque parti y trouve son compte, les différences idéologiques sont gommées. La coalition promet d'abaisser le prix de l'énergie pour stimuler la compétitivité, de revaloriser le salaire minimum, réformer ce que la CDU considère comme un système social trop débonnaire, créer des incitations à l'achat de voitures électriques et abaisser les impôts sur les sociétés. ... Ce qui est plus inquiétant pour les voisins européens, ce sont les postures sur l'immigration : les deux partis cautionnent les restrictions de l'extrême droite nationaliste pour lui couper l'herbe sous le pied, enterrant définitivement la politique d'ouverture des frontières d'Angela Merkel.»

Süddeutsche Zeitung (DE) /

Le coeur de l'Europe bat à droite

Selon Süddeutsche Zeitung,

«l'Europe s'engage résolument dans une ère des Chrétiens-démocrates et des conservateurs : La majorité des chefs d'Etat et de gouvernement suivent cette tendance, de même que le Parlement européen et la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. La politique européenne va s'attacher, aujourd'hui plus qu'hier, à relancer l'économie et à véhiculer un sentiment général de sécurité, sur le Continent et en dehors de ses frontières. Cela se traduira par une politique migratoire encore plus restrictive. ... Grande reculade aussi s'agissant de la protection du climat, qui devra s'incliner devant les exigences de l'économie. Il y a de bonnes raisons de considérer ces deux tendances comme une régression. Mais le fait est que c'est ce que veut une majorité en Europe.»

Aargauer Zeitung (CH) /

Les vertus de la crise

La gravité de la situation a poussé la coalition à trouver un terrain d'entente, juge Aargauer Zeitung :

«Si les discussions ont été rapides et globalement harmonieuses, c'est en grande partie à mettre sur le compte de l'ambiance de crise omniprésente. ... Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la crise a donné un grand coup de pouce à Friedrich Merz. L'ont aidé sans le vouloir le président américain Donald Trump, dont les droits de douane pourraient revenir très cher à l'Allemagne, mais aussi l'AfD, qui a déjà rattrapé la CDU/CSU et serait le parti numéro un, selon les résultats d'un sondeur. Tout cela semble avoir fait souffler un vent de discipline sur les négociations. ... Il faut croire que les sociaux-démocrates ont eux-aussi compris qu'il fallait que certaines choses changent si l'on ne voulait pas que le pays devienne ingouvernable.»

La Repubblica (IT) /

Quel cap en politique étrangère ?

La Repubblica pointe l'absence de feuille de route dans un domaine crucial aujourd'hui :

«Aux côtés des dirigeants du SPD, le futur chancelier allemand a signé un document de 144 pages censé définir le cap à suivre ces quatre prochaines années, et la traversée promet d'être houleuse, tout particulièrement dans les eaux de la politique extérieure. Mais les pourparlers entre les deux partis de l'ancienne 'grande' coalition ont fait l'impasse sur la question.»

El País (ES) /

L'Allemagne peut à nouveau assumer un leadership

Pour El País, le futur chef de gouvernement peut entamer son mandat sur une base solide :

«Merz démarre avec un avantage de taille : la grande décision, déterminante pour son mandat, a déjà été prise il y a trois semaines, quand la révision de la Constitution a été votée par le Bundestag sortant, permettant à l'Allemagne de s'endetter. ... Cette réforme lui ménage une marge de manœuvre inhabituelle qui lui permet de relancer l'économie et de réarmer le pays. ... Le contrat de coalition ne refait pas le monde, mais ce n'est peut-être pas plus mal : le premier pays d'Europe en termes d'économie et de démographie peut pleinement jouer son rôle au sein de l'UE. Dans le monde de Donald Trump, Vladimir Poutine et Xi Jinping, c'est plus nécessaire que jamais.»

Zeit Online (DE) /

Un néolibéralisme version soft

Zeit Online salue des projets de réformes qu'il juge aller dans le bon sens :

«On peut probablement dire que la coalition a fait le choix d'un cap réformateur néolibéral version soft, adouci par de vastes programmes de dépenses publiques. C'est le compromis que les deux partis ont réussi à trouver. Vu la situation dans le pays et à l'étranger, ce compromis n'est pas mauvais. ... On peut ainsi tabler, à moins que le président américain Donald Trump ne perde complètement la boule, que le pays réussisse à sortir de la stagnation économique. Cela lui suffira-t-il pour pouvoir défendre son rang dans la concurrence internationale et enrayer l'essor des forces radicales ? Il est encore trop tôt pour le dire.»

The Spectator (GB) /

Un affront pour les électeurs conservateurs

Pour The Spectator, le compromis penche trop du côté du SPD :

«Quand des conservateurs mainstream trahissent leurs principes, bien loin de convertir leurs électeurs au progressisme, ils font d'eux des orphelins de la politique, les prédisposant à adhérer aux alternatives radicales. ... Friedrich Merz s'était posé en sauveur, il avait axé sa campagne sur la restauration du credo conservateur de son parti, après des années de dérive merkelienne. Il s'est révélé n'être qu'un politicien sans caractère parmi tant d'autres, prompt à sacrifier ses principes sur l'autel du pouvoir. Pour les électeurs allemands de centre-droit, la cérémonie de signature qui doit avoir lieu aujourd'hui n'est pas un accord de coalition comme un autre - c'est la mise en bière d'une famille politique qui n'est plus.»