Réfugiés : un accord controversé avec Ankara
La Turquie propose de reprendre les migrants qui entreront sur le territoire grec et demande en contrepartie davantage d'argent pour la prise en charge des réfugiés, ainsi que l'intensification des négociations d'adhésion à l'UE. Paris et Vienne se déclarent aujourd'hui opposées à cet accord. L'UE va-t-elle donner suite à la proposition d'Ankara ?
Non à un accord abject !
Les maires de Barcelone, Lampedusa et Lesbos - Ada Colau, Giuseppina Nicolini et Spyros Galinos – lancent un appel dans le quotidien de centre-gauche El Periódico de Catalunya à l’adresse des Etats européens, leur demandant de ne pas souscrire à l’accord sur les réfugiés envisagé avec la Turquie :
«Nous appelons à ne pas ratifier l’accord avec la Turquie, car il est contraire à la législation internationale et aux droits fondamentaux. On n’a pas le droit de troquer des vies humaines comme s’il s’agissait de marchandises en contrepartie d’accords économiques et commerciaux. Le droit d’asile est un droit humain fondamental avec lequel on n’a pas le droit de marchander. … Il en va des valeurs fondamentales de l’Europe et les décisions qui seront prises maintenant sont décisives pour l’avenir de l’UE. C’est pourquoi nous demandons aux Etats de ne pas prendre en notre nom de décisions qui nous couvriraient de honte. Mais de soutenir les villes dans leur travail de réseau pour que la Méditerranée redevienne un pont de la civilisation.»
Une adhésion de la Turquie à l'UE serait néfaste
La Turquie est disposée à reprendre les migrants qui entreront clandestinement sur le territoire de l’UE, mais demande en contrepartie l’intensification des négociations d’adhésion à l’UE. Or une adhésion de la Turquie à l’UE apporterait toute une série de problèmes, relève le quotidien libéral Público :
«Ceux qui sont favorables à une adhésion de la Turquie à l’UE et qui espèrent en tirer des avantages stratégiques feraient bien de réfléchir à l’ensemble des répercussions qu’impliquerait une telle perspective. Car si la Turquie faisait déjà partie de l’UE, le problème relatif aux réfugiés syriens serait bien plus grave. Plus de 2,7 millions de réfugiés syriens se trouvent actuellement en Turquie ; des personnes qui se trouveraient dès lors automatiquement au sein de l’UE. On ne peut que s’imaginer l’effet qu’aurait pour l’Europe une telle extension de ses frontières : le funeste conflit syrien serait alors à ses portes.»
L'UE a vendu son âme à Orbán
Le possible accord entre l’UE et la Turquie ne fait que creuser le fossé qui divise déjà l’Europe, critique la blogueuse Adelina Marini :
«L’accord laisse en suspens de nombreuses questions d’ordre moral et juridique. … Le problème le plus significatif reste toutefois que l’accord aggrave les divisions européennes. On ne peut reprocher à la Turquie d’exploiter les faiblesses de l’Union dans son propre intérêt, quand on sait que les différents Etats membres se tirent eux-mêmes dans les pattes. Car si l’accord avec la Turquie était nécessaire au départ, c’est parce que l’UE a vendu son âme à Orbán. On ignore si la Turquie contiendra le flux de réfugiés. Ce qui est certain en revanche, c’est que l’'orbánisme' s’est imposé dans l’UE et qu’il divise le continent chaque jour un peu plus - au prétexte hypocrite de la démocratie directe et de la souveraineté.»
Injustice et colère en perspective
Si l'UE acceptait la proposition turque d’accueillir un réfugié syrien venu directement de Turquie pour chaque demandeur d’asile qu’Ankara reprendrait à la Grèce, des problèmes se profileraient, selon le quotidien conservateur Milliyet :
«Cette proposition va entraîner injustices et conflits. Des réfugiés qui ont risqué leur vie et atteint l’Europe au prix de tant de difficultés vont être contraints de repartir pour la Turquie. Parallèlement, le même nombre de Syriens qui attendent dans les centres d’accueil en Turquie vont pouvoir se rendre légalement en Europe. Est-ce un traitement humain et équitable ? Que se passera-t-il si les individus qui doivent être renvoyés s’y opposent ? Ou si les personnes que l’on fait venir en Europe sont contraintes à émigrer non pas vers le pays de leur choix, mais vers celui qui aura été sélectionné en fonction des quotas en vigueur ?»
Les réfugiés, instruments de géopolitique
De nombreux dirigeants des pays européens voisins profitent de la crise des réfugiés pour asseoir leur pouvoir, estime le journal chrétien libéral Salzburger Nachrichten :
«Le despote libyen Mouammar Kadhafi était vu comme un tyran concoctant la bombe atomique, ce qui n’a pas empêché les pays de l’UE de lever les sanctions à son encontre. Parce que Kadhafi s’est servi des hommes comme armes politiques en promettant aux Européens de ne pas leur envoyer de réfugiés africains. ... Cette fois-ci, c'est la Turquie qui promet d’endiguer le flux de migrants en Europe. Beaucoup s’offusquent dans l'UE, car il s'agit d’un partenaire assez peu digne de confiance. En prenant la Turquie comme garde-frontière, nous montrons à quel point la migration est devenue un aspect crucial en géopolitique.»
Erdoğan veut islamiser l’Europe
En réclamant l’exemption de visa pour ses ressortissants, Erdoğan cherche à islamiser l’Europe, croit le quotidien Dnevnik :
«L’extension de la communauté musulmane, et tout particulièrement de la communauté turque en Europe : tel est l’un des objectifs à long terme du gouvernement islamique d’Ankara. Dans cette optique, l’exemption de visa pour faciliter l’entrée dans l’UE aux ressortissants turcs est un moyen particulièrement efficace. … Le régime sans visa que la Turquie a accordé aux citoyens de nombreux pays arabes a pratiquement ouvert les frontières et profondément ancré la Turquie dans la communauté du Proche-Orient. L’ouverture des frontières de l’UE aux Turcs signifie à présent ni plus ni moins la transformation de l’Europe et du Proche-Orient en une zone commune sans frontières. Quant au nombre de personnes qui rejoindront l’Europe suite à cette libéralisation du régime des visas, nous sommes réduits aux conjectures.»
Merkel guidée par la politique intérieure
La chancelière Angela Merkel a approuvé l'ébauche d'accord entre l’UE et la Turquie car elle redoute les élections régionales qui arrivent à grand pas, analyse le quotidien de centre-gauche De Volkskrant :
«L’année dernière, un million de réfugiés sont venus en Allemagne : le pays est sous tension, l’Union européenne s'étrille, les populistes de droite prospèrent et la Merkel chancelle. Dimanche, elle fera face à un test électoral dans le Bade-Wurtemberg, la Rhénanie-Palatinat et la Saxe-Anhalt, avec 12,7 millions d’électeurs au total. Merkel est sous pression et c’est ce qui dicte actuellement son action. ... Ses négociations avec la Turquie sont un exemple de realpolitik. Elle considère que la Turquie est indispensable pour trouver une solution à la crise des réfugiés. Pourtant, il s’agit d’un partenaire dont la réputation laisse à désirer. ... Normalement Merkel ne s'acoquine pas avec quelqu’un comme Erdoğan. Mais dans la situation actuelle, ce n'est pas possible. Elle a besoin de lui, et il en profite pour demander le prix fort.»
On est encore loin du compte
Si d’aucuns parlent d’une percée lors du sommet UE-Turquie, la prudence reste de mise, met en garde le quotidien de centre-gauche Irish Times :
«Le diable est dans les détails et de nombreux éléments de l’accord se heurtent à la farouche résistance d’Etats membres et probablement aussi des tribunaux. … Les PECO s’opposent notamment à des quotas de répartition des réfugiés et dans les rangs de la coalition favorable à un accueil, menée par l’Allemagne, on ne se bouscule pas au portillon. La France traîne des pieds sur la question du visa de travail pour les Turcs et Merkel a laissé entendre qu’une adhésion de la Turquie à l’UE n’était pas à l’ordre du jour.… Objection encore plus cruciale : le Haut commissaire de l’ONU aux réfugiés remet en cause la légalité d'un élément central de l’accord : le renvoi massif des réfugiés en Turquie serait une entrave au droit à la protection que leur garantit le droit international. … L'accord est encore loin d’être ficelé.»
Erdoğan profite de l’échec occidental
Si l’Occident est prêt à faire des concessions à la Turquie, c'est en raison de son échec en Syrie, analyse le journal économique libéral Il Sole 24 Ore :
«Si l’Europe et les Etats-Unis font preuve d’une telle complicité, c’est qu’ils ont subi l’une de leurs plus grandes défaites au Moyen-Orient : Bachar el-Assad est resté au pouvoir, l’échec le plus cinglant de la politique étrangère ces années passées. ... Certains pays européens comme la France misaient sur la chute d’Assad et ont fermé les yeux sur l’autoritarisme d’Erdoğan. Le président turc n’est certainement pas un saint, mais il a beaucoup à dire aux dirigeants européens, qui ne sauraient désormais feindre leur stupeur.»
La Turquie n’est pas un partenaire de confiance
Il est absurde de négocier avec la Turquie pour résoudre la question des réfugiés et de la considérer comme un Etat tiers sûr, estime le journal économique conservateur Naftemporiki :
«D'autant plus que ce pays a sa part de responsabilité dans la situation en Syrie, en s’ingérant dans la guerre de façon manifeste (en bombardant les Kurdes) et indirecte (en apportant son soutien à l’Etat islamique). Mis à part ce fait, on n’aurait pas besoin de bateaux de l’OTAN pour assurer qu’un Etat bien policé tel que la Turquie puisse faire son travail et lutter contre le trafic des passeurs, qui boome depuis des années. … En Turquie, de nombreux réfugiés continuent à vivre dans des conditions pitoyables. Certains d’entre eux ont été expulsés vers la Syrie, tandis que des forces de sécurité ont tiré sur des Syriens tentant de franchir la frontière. … Le sommet européen confirme l’existence d’une Europe profondément divisée qui applique une politique de donnant-donnant au lieu de rechercher une solution commune de la question des réfugiés.»
Les droits humains n’intéressent pas l’UE
Le deal entre l’UE et la Turquie visant à lutter contre la crise des migrants est pitoyable, s’indigne le journal libéral en ligne T24 :
«L’Europe toute entière, avec l’Allemagne en tête, cherche à se débarrasser des réfugiés et la Turquie est sa seule bouée de sauvetage. Dans cette ambiance d’entente cordiale, l’Europe est prête à cautionner n'importe quoi, que ce soit l’état des libertés et des droits de la personne ou le régime autoritaire en Turquie. Et elle va même jusqu’à l’avouer ouvertement en concédant qu’'elle ne voit pas d’autre alternative'. Tant que la Turquie garde les réfugiés sur son territoire, elle peut faire ce qu’elle veut dans ses affaires intérieures. L’UE n’écrira pas de rapports annuels, et ne lui demandera pas de comptes. Et même si elle relève certaines choses, elle les gardera secrètes jusqu’au printemps prochain. Cette ignorance volontaire arrange pas mal notre gouvernement.»
Contrôler de près la Turquie
Après son accord passé avec la Turquie, l’UE doit endosser ses responsabilités, et vérifier que le pays utilise correctement les fonds qui lui sont accordés, met en garde le quotidien conservateur El Mundo :
«L’UE doit surveiller de près les engagements de la Turquie sur la question des réfugies et s’assurer qu’Ankara se sert des fonds alloués pour satisfaire les besoins élémentaires des réfugiés et lutter activement contre les groupes de passeurs qui agissent en toute impunité sur son territoire. Même si à compter d’aujourd’hui, la route des Balkans était réellement fermée, il est fort probable que ces passeurs sans scrupules trouvent de nouvelles voies pour continuer leurs affaires lucratives. Etant donné que l’accord comprend également l’admission sans visa des ressortissants turcs en Europe et la reprise des négociations sur l’adhésion de la Turquie à l’UE, Bruxelles doit obliger le gouvernement d’Ankara d’engager des réformes afin de renforcer la démocratie dans le pays.»
Sévir enfin contre les passeurs
Pour le quotidien Expressen, un accord avec la Turquie irait dans le bon sens :
«L’UE ne doit pas oublier avec qui elle négocie. C’est pourquoi il est rassurant de voir que beaucoup de grands chefs d’Etats européens ont condamné la prise de contrôle par le régime turc de Zaman, le premier journal d’opposition. Et pourtant, ces négociations vont dans le bon sens. … Certains détails sont peut-être à revoir, mais la tendance générale est louable. Il faut mettre fin au trafic de réfugiés illégal et chaotique dans l’UE. Ceci entraîne des tombereaux de victimes en Méditerranée et profite à des organisations criminelles. En outre, il en va de la survie même de l’UE. Une UE en désintégration qui, de plus en plus affaiblie et divisée, fait le lit de l'émergence des nationalismes, n’avancera personne, et encore moins les pauvres de ce monde.»
Le groupe Viségrad impose son agenda
Dans la crise des réfugiés, l’Europe glisse toujours plus vers la droite, regrette le journal en ligne de centre-gauche Mediapart :
«L’échec des dirigeants européens est d’autant plus flagrant qu’il est en opposition complète avec la mobilisation des citoyens du continent qui, par dizaines de milliers, n’ont cessé depuis cet été d’apporter aide, humanité et secours aux migrants. … Plutôt que d’écouter cet élan de solidarité, la plupart des dirigeants ont préféré faire le choix de la fermeture, tandis que le positionnement égoïste et rétrograde des pays du groupe de Visegrad … , auparavant minoritaire à Bruxelles, a gagné du terrain. L’Europe centrale semble aujourd’hui imposer son agenda. Avec chaque fois le même scénario : lorsqu’un parti au pouvoir tient un discours hostile aux migrants, il se voit dépassé sur sa droite aux élections qui suivent. Ce fut le cas en octobre en Pologne, avec le retour de la droite ultraconservatrice à l’exécutif ; ce fut le cas ce week-end en Slovaquieavec la percée de l'extrême droite au parlement.»
Des accords avec Ankara pour défendre les intérêts européens
En dépit de la récente répression de médias d’opposition, il est important de négocier avec la Turquie, estime le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung :
«Ce n’est pas un bilan immaculé au chapitre des droits de l’homme qui fait de la Turquie un pays clé, mais tout simplement sa position géographique (et son importance géopolitique). … Cela ne saurait signifier que l’on cède au chantage des dirigeants turcs, que l’on est prêt à tout sacrifier sur l’autel de la realpolitik. … Les leviers d’action dont dispose l’UE ne sont pas dérisoires. L’adhésion de la Turquie à l’UE, en revanche, est encore de la science-fiction – elle dépend du président Erdoğan, qui s’éloigne systématiquement des valeurs fondamentales de l’UE. Personne ne ferme les yeux sur ce point. Mais quand on reproche aux négociations d'accord avec Erdoğan en matière de politique migratoire de trahir nos propres valeurs, on perd la mesure de la réalité et des intérêts européens.»
L’UE obligée de transiger
L’UE n’a pas perdu la face à ce sommet, écrit le quotidien libéral La Stampa non sans soulagement :
«Au nom de la solidarité, les dirigeants ont fait preuve de cohésion, malgré des circonstances adverses. Il ne s’agit pas de solidarité avec les migrants et les réfugiés, mais de la solidarité entre les pays d’arrivée, de transit et de destination, entre la Grèce et la Turquie, entre la Macédoine et la Grèce. … De plus, Bruxelles a payé un prix politique en accueillant à bras ouverts hier [le Premier ministre turc] Ahmet Davutoğlu au lendemain de la fermeture d'autorité du plus gros tirage de la presse turque. Oubliés les droits de l’homme, qui paralysent les relations entre l’UE et Ankara depuis des années. Realpolitik oui, mais pas uniquement. La Jordanie et le Liban, qui comptent presque autant de réfugiés que d’habitants, ont le sourire amer face à l’inconsistance européenne. Mais chez nous, l’immigration a touché une corde sensible et face au danger, l’UE a été obligée de se mettre rapidement en quête d’un remède.»
L'Europe mange dans la main du dictateur Erdoğan
C'est comme si Erdoğan tenait l'UE en laisse, s’indigne le quotidien libéral De Standaard :
«Impuissante et divisée, l’Europe est à la merci du régime autocratique de la Turquie. Un bloc politique de 28 pays comptant au total un demi-milliard d’habitants, le premier acteur économique au monde, mange dans la main du dictateur Recep Tayyip Erdoğan et c’est une honte. … Cette Europe divisée est-elle encore capable de dire non ? Ou se contente-t-elle de constater les faits accomplis ? Pendant combien de temps ses dirigeants vont-ils encore se laisser insulter et ridiculiser ? Que le gouvernement turc ait osé, deux jours avant un important sommet avec des dirigeants européens, prendre le contrôle du plus grand journal d’opposition, c’est la cerise sur le gâteau.… Si la Turquie ne tire pas l’Europe d’affaires, elle se disloquera. Tel est le froid calcul.»
Juguler la crise des réfugiés dans la décence
Le quotidien libéral Dagens Nyheter s’insurge de ce que l’UE traite avec le gouvernement turc, régime qui réprime durement toute critique :
«Si le ministre des Affaires étrangères français a qualifié d’inacceptable la situation actuelle du journal Zaman, d’autres politiques ont toutefois tenu un tout autre discours, et l’Allemagne est restée très discrète. Des paroles trop dures pourraient nuire à la disposition d’Erdoğan à coopérer. … L’UE doit juguler la crise des réfugiés, mais de manière décente. Qui dit collaboration européenne dit solidarité. Et celle-ci devrait reposer sur une défense inconditionnelle de la liberté d’expression.»
La Turquie profite habilement de la faiblesse de l'UE
Ankara a initié une offensive astucieuse dans les discussions qu'elle mène depuis une dizaine d'années avec l'UE, insiste le quotidien Jutarnji list:
«On ne peut pas dire que les relations entre l'Union et la Turquie se soient caractérisées par la bonne foi ces dix dernières années. C'est avant tout l'UE qui n'a rien fait pour, en alléguant d'un côté négocier avec la Turquie sur son adhésion, et en se dotant de l'autre d'hommes politiques qui ne cessent de marteler que le pays ne fera jamais partie de l'Union. ... Aujourd'hui, c'est manifestement la Turquie qui tire les ficelles et elle utilise la crise des réfugiés à son avantage. Certains dirigeants de l'UE ont pu constater hier qu'elle agissait selon sa guise et que leur marge de manœuvre était assez faible dans les négociations ! Pour que l'UE puisse donner une réponse claire à cette question, il faudrait que les 28 chefs d'Etat et de gouvernement se mettent d'accord, ce qui semble quasi impossible pour tout ce qui a trait à la crise des réfugiés, l'argent, la fin du visa obligatoire pour la Turquie, ou encore l'ouverture d'un nouveau chapitre dans les négociations sur son adhésion.»
La fermeture de la route des Balkans serait primordiale
Le fait que la route des Balkans n’ait pas été officiellement déclarée comme fermée est extrêmement regrettable pour le quotidien conservateur The Times :
«Dire haut et fort que la route qui traverse les Balkans occidentaux est fermée serait un signal fort et dissuasif à l'attention d’éventuels candidats à l’immigration. Par ailleurs, ceci reflète la réalité. … Si les réfugiés réfléchissaient à deux fois avant de quitter un camp turc pour entreprendre ce voyage, l’objectif serait déjà atteint. En revanche, leur laisser entendre que la mer Égée ou certains tronçons de la route des Balkans restent ouverts, c’est une duperie inhumaine. … Il a fallu presque six mois à l’Europe pour comprendre collectivement que souhaiter la bienvenue aux migrants sans la moindre restriction était la pire des réponses que l’on puisse apporter à la crise des réfugiés syriens. En cédant à un réflexe humain et en ouvrant ses frontières, Angela Merkel n’a fait qu’aggraver la crise.»
Personne ne veut aider la Grèce
La route des Balkans n'est plus une option pour rejoindre l'Europe : tel est le signal que le sommet européen doit émettre à l'attention des réfugiés, constate le quotidien libéral-conservateur Corriere della Sera, qui désigne qui sera la première victime de cette politique :
«Selon le projet de la déclaration finale, la route des Balkans est désormais fermée. ... Le sommet rappellera aussi que l'OTAN continuera à intervenir dans la mer Egée à l'encontre des passeurs. Il ne manquera certainement pas de confirmer son soutien à la Grèce. Mais revenons-en aux faits : jusqu'à présent, le gouvernement d'Athènes n'a pas réussi à se mettre d'accord avec les créanciers de l'UE et du FMI au sujet des coupes drastiques dans les retraites. C'est la raison pour laquelle le pays est menacé d'une nouvelle faillite au mois de juillet. ... En attendant, le pays pourrait être inondé par la vague des migrants. De toute évidence, le projet d'exclure la Grèce est toujours à l'ordre du jour.»
Appâter Ankara par des concessions
Pour maîtriser la crise des réfugiés, l'UE doit se montrer conciliante avec la Turquie, estime le quotidien de centre-gauche Népszabadság :
«Lors du sommet organisé lundi, l'UE devra faire de sérieuses concessions à la Turquie. Tout d'abord, elle devra s'engager à augmenter son aide financière à Ankara si elle veut atteindre son objectif : stopper l'afflux de réfugiés vers l'Europe de l'Ouest. Malmené par plusieurs crises, Erdoğan a besoin de réussites, de toute urgence. Si on lui assurait plus de soutien, il serait plus enclin à coopérer. C'est pourquoi il serait utile d'aborder de nouveaux volets dans les négociations sur l'adhésion de la Turquie à l'UE. ... Un autre signal important en direction d'Ankara serait la dispense de visas pour les ressortissants turcs désireux d'entrer dans l'UE.»
La Turquie doit respecter l’Etat de droit
Suite à la prise d’assaut du siège du journal Zaman, l’UE ne doit pas faire de concessions à Ankara lors de leur sommet commun portant sur la question des réfugiés, demande le quotidien libéral économique Handelsblatt :
«Le sujet des réfugiés et celui de l'Etat de droit sont liés. Davutoğlu a lui-même créé cette interdépendance lorsqu’en amont du sommet, il a exigé que soit mis à l’ordre du jour des discussions lundi à Bruxelles non seulement la question des réfugiés, mais également celle de la perspective européenne de son pays. ... Mais ce que Davutoğlu et Erdoğan ne semblent pas avoir bien compris, c’est qu’un rapprochement de l’UE n’est envisageable qu’à condition qu’Ankara respecte et applique les critères de Copenhague décidés en 1993 pour les candidats potentiels pour l’adhésion à l’UE. Et la liberté d’expression et la séparation des pouvoirs en font partie. Aucune concession ne peut être accordée à Ankara sur ces deux thèmes, quelle que soit la pression exercée dans le cadre de la crise des migrants.»
Des avancées à pas de fourmis en perspective
Le quotidien de centre gauche Der Standard s'attend à ce que le sommet aboutisse non pas à un très grand coup, mais à un rapprochement laborieux - autrement dit à une "solution européenne typique" :
«La tournée du président du Conseil européen Donald Tusk, de Vienne à Ankara en passant par les Balkans et Athènes, donne un avant-goût de ce qui va suivre : les barricades sur la route des Balkans sont appelées à disparaître et la mer Egée à devenir le grand obstacle. Il est prévu que les migrants économiques soient refoulés vers la Turquie, que les réfugiés soient retenus en Grèce, financés par d'importants fonds européens, avant d'être progressivement acheminés vers d’autres pays européens. Le sommet exceptionnel pourrait amorcer un pareil train de mesures si au moins un groupe d’Etats déclarait vouloir commencer en douceur la réinstallation des réfugiés. Ceux qui ne désirent pas s'y associer peuvent s'en affranchir par des versements dans un fonds européen. L’inconvénient de ce programme en vue de réduire l’afflux de migrants est qu'il ne saurait remplacer une véritable politique européenne en matière de réfugiés.»
L'Europe tourne en rond
En amont du sommet sur les réfugiés, le gouvernement néerlandais a émis une idée : un pont aérien qui acheminerait quotidiennement 400 réfugiés de la Turquie vers l’UE. Si la proposition vaut la peine d’être examinée, ce n’est pas l’ultime solution, souligne le quotidien de centre-gauche De Volkskrant :
«Encore un nouveau plan, ce qui montre la rapidité à laquelle l’Europe va à vau l’eau, dès que le principe du chacun pour soi entre en vigueur. … Les dirigeants européens donnent l’impression que la clôture à la frontière macédonienne ne les incommode pas outre mesure : car bloqués en Macédoine, les migrants n’arriveront pas en Europe occidentale. Au fond, ce que font les Macédoniens correspond exactement à la volonté d’une grande partie de l’opinion publique européenne. En même temps, les capitales prennent de plus en plus conscience que cela ne peut être une solution structurelle, ne serait-ce que parce qu’on ne peut pas abandonner la Grèce à son sort. C’est pourquoi Bruxelles recycle une piste vieille de plusieurs mois : amener la Turquie à effectuer une véritable surveillance de ses côtes.»
L'UE n'a rien à offrir à la Turquie
L’accord sur les réfugiés projeté par l’UE et la Turquie n'est ni réaliste ni humain, fustige le quotidien proche du gouvernement Star :
«L’accord prévoit que les réfugiés soient sélectionnés dans les camps en Turquie avant d’être acheminés en Europe. Tel un marché d'esclaves moderne, les candidats sélectionnés seront vraisemblablement ceux qui paraissent les plus utiles, c’est-à-dire des hommes en groupes de quelques personnes. Il convient par ailleurs de préciser que tous les pays européens ne cautionnent pas cette proposition. Cette aide ne serait qu’une goutte d’eau dans l’océan et on peut par ailleurs douter de sa mise en œuvre. … Si la Turquie devait assumer un fardeau supplémentaire, il faudrait qu'elle voie les contreparties qu’elle obtiendrait concrètement. Tant que l’aide européenne restera à l’état de promesse, cela contribuera à éloigner la Turquie et l’UE l’une de l’autre, et non à les rapprocher.»
Le Grexit était bien moins grave
L’UE avait fait preuve de bien plus de dynamisme et de détermination pour maîtriser la crise de la Grèce qu’elle ne le fait actuellement face à la crise des réfugiés, fait remarquer dans le journal Lietuvos žinios le politologue Saulius Spurga, déconcerté :
«L’UE est une région riche, la première économie mondiale. Elle devrait exploiter toutes les ressources possibles et imaginables pour stabiliser la situation et se protéger elle-même. Quand la Grèce avait connu des difficultés financières en 2010, elle avait bénéficié d'une décote de 100 milliards d’euros et de nouveaux crédits de plus de 300 milliards d’euros. La pire menace à l’époque était le risque de banqueroute de la Grèce et sa sortie de la zone euro. Même si le pire des scénarios s’était réalisé, nous aurions oublié cette crise aujourd’hui. La crise des réfugiés nous cause bien plus de souci et la menace qu’elle représente est sans commune mesure avec la précédente. Mais pour une raison mystérieuse, on lui porte infiniment moins d’attention que celle qu'on avait témoignée à la Grèce en proie à la crise financière.»
L'infamie européenne
Avant le sommet, le quotidien libéral Sydsvenskan se montre particulièrement pessimiste :
«Tout le monde espère que le sommet qui réunira la semaine prochaine à Bruxelles les représentants de tous les pays de l’UE et ceux de la Turquie aboutira à un accord. Pour amadouer le pays, on lui fait miroiter une réactivation des négociations d’adhésion à l’Union. L’Allemagne et les Pays-Bas tentent également d’inciter les autres Etats membres à accueillir les réfugiés actuellement pris en charge par la Turquie. Or il est peu probable que les dirigeants européens se mettront d'accord sur une solution durable de gestion de crise. Tant que les Etats membres ne parviendront pas à s’entendre sur une répartition équitable des demandeurs d’asile, Bruxelles devra se contenter d’annoncer de nouvelles solutions provisoires, telles que la mise en place de camps de réfugiés et la fermeture des frontières. Si l’afflux de réfugiés s’intensifie, l’infamie européenne prend elle aussi des proportions alarmantes.»
La sournoiserie envers Ankara
Toute critique à l’adresse d’Ankara avant le sommet UE-Turquie est déplacée, estime le quotidien libéral Sme :
«Montrer du doigt la Turquie en disant qu’elle ne fait toujours pas assez contre les passeurs est hypocrite quand on sait que dix Etats refusent de participer aux trois milliards d’euros qu’Angela Merkel avait promis à Ankara. … Tel Atlas, Merkel porte sur ses épaules tout le poids de Schengen. Elle ne ferme pas la frontière et bien qu’à Munich, [le ministre-président bavarois Horst] Seehofer menace de porter plainte devant la Cour constitutionnelle et de rompre la coalition [CDU-CSU-SPD], elle lance avant le sommet un appel désespéré à tous les Etats membres, les enjoignant d’honorer leurs responsabilités pour sauver Schengen. Il est bien tard. Mais peut-être y-a-t-il encore de l’espoir.»
La crise des réfugiés, une opportunité
Dans le journal en ligne Slate, le journaliste politique américain Christian Caryl évoque l’opportunité que représente l’afflux des réfugiés pour l’Union européenne :
«Bruxelles a la possibilité de s’attaquer au problème. En fait, le défi que posent les réfugiés pourrait bien donner à l’Europe un élan positif qui la pousserait à rattraper son retard sur les devoirs qu’elle a négligés depuis longtemps : renforcer les contrôles sur ses frontières extérieures, approfondir l’intégration politique et amorcer sérieusement une politique étrangère et de sécurité commune. Si c’est fait comme il faut - aux yeux des électeurs - alors ces étapes pourraient donner à l’idée européenne un nouveau souffle et même stimuler la croissance ; réfugiés et migrants pourraient contribuer à compenser le vieillissement des sociétés européennes et le recul de l’entreprenariat.»
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