Idomeni instrumentalisé par les artistes
De plus en plus de politiques, d’intellectuels et d’artistes vont visiter le campement de fortune établi par les migrants à Idomeni, ce que critique le quotidien conservateur Kathimerini :
«Idomeni est devenu la destination privilégiée des photographes de presse, des réalisateurs, des voyageurs, des activistes de tout poil et des représentants de l’Etat. Or comme toujours dans de tels cas, cela fausse la couverture médiatique. … Idomeni est devenu un lieu idéal pour créer des occasions photogéniques. L’artiste chinois réputé Ai Weiwei - entre autres - a décidé d’exporter son activisme. Il a fait amener un piano, sur lequel a joué une jeune syrienne, tandis que les caméras et les téléphones portables immortalisaient l’instant. De tels évènements nécessitent une présence sur place. Si l’on veut avoir des followers et des likes, il faut faire des choses extrêmes in situ, se lamenter fort et annoncer des catastrophes.»
Les réfugiés d'Idomeni traités avec cynisme
Un millier de réfugiés provenant d’Idomeni ont essayé lundi de franchir la frontière entre la Grèce et la Macédoine en traversant une rivière. Il semblerait qu’ils aient été incités à le faire par des tracts distribués dans le camp. Le quotidien de centre-gauche taz dénonce un acte aussi irréfléchi que cruel :
«Il n’est que cynique et inhumain d’éveiller chez des personnes l’espoir de voir leur rêve se réaliser et de les mettre en péril alors qu’il était prévisible que ces attentes seraient déçues. La brutalité des gardes-frontières macédoniens offre un tableau aussi accablant que les images de réfugiés qui traversent un torrent. Dans cet épisode, des personnes ont été transformées en objets d’une action politique ratée.»
Athènes instrumentalise la détresse des réfugiés
Suite à l’épisode des tracts à Idomeni et à la tentative de faire franchir la frontière aux réfugiés, il apparaît clairement que la Grèce n’a pas de plan de route pour gérer la crise des réfugiés, estime le journal libéral en ligne To Vima :
«Quels qu’aient pu être les instigateurs de cette initiative, le tableau qu’il a été donné au monde entier de voir révèle l’absence de plan d'action et la faiblesse patente de l’administration publique. Il était tout à fait prévisible que ce chaos et l’absence de l’Etat entraîneraient tôt ou tard des situations incontrôlées et dangereuses. Mais tout porte à croire que le gouvernement a délibérément choisi de ne pas intervenir pour se servir de cet épisode comme d'un moyen de pression.»
Les réfugiés bientôt appelés à transiter par la Russie ?
Les Lettons auraient tort de se réjouir de la fermeture de la route des Balkans, écrit le quotidien conservateur Neatkarīgā, qui n’exclue pas que les passeurs sévissent prochainement à la frontière lettone avec la Russie :
«Après la fermeture de la route des Balkans, les réfugiés cherchent d’autres voies pour rejoindre leur destination. On dit que leur route pourrait passer par la Russie, puis par la Lettonie. ... La Lettonie disposera-t-elle des moyens financiers nécessaires dans son budget pour renforcer sa frontière orientale ? Il s’agit peut-être moins d’une question de budget que de l’honnêteté des personnes vivant à la frontière. Tout le monde sait qu’à la frontière orientale, la pauvreté pousse les habitants à pratiquer la contrebande pour gagner de l’argent. Désormais, ils pourront tenter leur chance avec d’autres 'activités' lucratives.»
Pourquoi Merkel n’aide pas cette fois-ci
Le quotidien libéral-conservateur Tagesspiegel analyse l’évolution de la situation actuelle par rapport à septembre 2015, où les réfugiés en provenance de Hongrie avaient pu entrer par milliers en Allemagne :
«Le refus de Merkel d’accueillir à nouveau en Allemagne un nombre important de réfugiés, notamment pour prévenir une aggravation de la déstabilisation de la Grèce, est accepté sans la moindre protestation. Pas de mobilisation. … Nous entrons dans une nouvelle période, caractérisée par une dureté inhabituelle à supporter de terribles images, par des restrictions du droit d’asile, des contrôles voire des fermetures aux frontières et la conclusion, mi-résignée, mi-réaliste, que nous n’y arrivons plus. La politique des réfugiés de Merkel a été, pour elle comme pour le pays, un cours intensif visant à sonder les possibilités et les limites de l’amour du prochain dans la pratique.»
La crise des réfugiés, une aubaine pour l’économie grecque
Les 36.000 migrants actuellement coincés en Grèce peuvent être une manne pour le pays mis à mal par la crise, fait valoir le portail libéral sur Internet Protagon :
«L’ouverture et l’exploitation de camps de réfugiés peuvent engendrer la croissance et insuffler au corps inerte de l’économie grecque une nouvelle énergie. Mais pour que cela se produise, on a besoin d’une nouvelle perspective politique. Les dirigeants et l’opinion publique ressentent la crise des réfugiés comme une catastrophe naturelle. En tout état de cause, l’heure est venue de l’appréhender avec réalisme - comme quelque chose que l’on peut transformer en opportunité. … L’objectif national devrait désormais être clair et cynique : l’argent. Beaucoup d’argent pour le développement et l’exploitation des infrastructures.»
Un marché de dupe ?
On demande à la Macédoine de protéger l'UE de l'afflux des migrants, sans pour autant l'accueillir au sein de l'UE, critique Zoran Ilievski, conseiller du président macédonien, dans un entretien accordé au quotidien Sega :
«C'est une situation paradoxale : les réfugiés arrivent de Grèce, pays membre de l'UE, et l'UE demande que nous protégions les frontières. ... Bien que nous ne soyons ni dans l'UE, ni dans l'espace Schengen, on attend de nous que nous protégions les Etats occidentaux de l'espace Schengen contre une vague de réfugiés qui entrent en passant par la Grèce, laquelle fait partie de l'espace Schengen. Les citoyens macédoniens se posent la question suivante : pour quelle raison devrions-nous dépenser des millions d'euros pour protéger nos frontières alors que nous ne bénéficions pas des avantages d'une adhésion à l'UE ? Nous enregistrons les migrants, mais nous ne pouvons pas transmettre les données recueillies, parce que nous n'avons pas accès au système d'information de Schengen. Est-ce que cela veut dire que nous faisons l'affaire pour surveiller la maison de l'UE, mais ne remplissons pas les critères pour y habiter ?»
C'est toujours la Grèce qui trinque
L’UE laisse la Grèce courir à la catastrophe, déplore l’hebdomadaire Kapital :
«C’est la Grèce qui ressent toujours le plus nettement l’échec de l’UE. Les carences de la zone euro, combinées à l’irresponsabilité des politiques grecs, ont condamné le pays à une récession durable. Aujourd’hui, l’incapacité de l’UE à gérer la crise des réfugiés menace de plonger le pays dans une catastrophe humanitaire. Les observateurs soulignent que l’on n'aurait pas dû laisser la situation se dégrader autant. 'Croyez-vous vraiment que les Etats de l’euro se sont battus l’année dernière pour maintenir la Grèce dans la zone euro pour finalement la laisser sombrer dans le chaos un an plus tard ?' Telle est la question posée par Merkel dans une émission de la chaîne allemande ARD. … Or pour le moment, on a surtout l'impression que l’UE abandonne les Grecs à leur sort. … Il y aura bientôt 70 000 réfugiés bloqués en Grèce.»
L'aide annoncée est insuffisante
Les fonds débloqués par l'UE sont dérisoires, souligne le journal économique libéral L'Opinion :
«Cela ne suffira pas, si ce n’est pour installer au bord de la mer Egée les mêmes 'jungles' que l’on voit sur le rivage de la mer du Nord. Car le flux ne va pas se tarir. … Même si les choses se calment en Syrie, ce sont sans doute des centaines de milliers de personnes qui tenteront leur chance cette année. Pour la deuxième année consécutive, la Grèce se retrouve ainsi au cœur d’une grave crise européenne, mais cette fois-ci, elle est la victime de sa position géographique et pas seulement de l’incurie de ses dirigeants. Pas plus que quiconque en Europe, la Grèce ne peut gérer cette situation seule. Jadis présentée comme la mère fouettarde de la zone euro, Angela Merkel en appelle aujourd’hui à la solidarité avec Athènes, pour éviter que les Etats européens ne se barricadent chez eux. Elle n’a pas tort.»
La résurrection de l'Empire d'Autriche-Hongrie ?
Le programme d'aide de la Commission n'empêchera pas la catastrophe, déplore le journal économique libéral Il Sole 24 Ore :
«En plus du plafonnement illégal des entrées quotidiennes de demandeurs d’asile, il est déconcertant d’assister à la réactivation soudaine de l’Empire austro-hongrois sous l’impulsion du chancelier autrichien, le social-démocrate Werner Faymann, qui convoque un sommet unilatéral pour négocier directement avec les Etats des Balkans (sans en notifier ni Athènes ni les partenaires européens), et clôturer définitivement la frontière gréco-macédonienne. Dans l’espoir d’estomper quelque peu des divisions intra-européennes de plus en plus visibles, la Commission Juncker annonce un plan d’aide de 700 millions d’euros sur trois ans : c’est mieux que rien, mais c’est dérisoire. Pour éviter un désastre humanitaire à la frontière avec la Macédoine, la Grèce réclame à elle seule 480 millions d’euros immédiatement.»
L'UE ne doit pas laisser tomber la Grèce
Les autres Etats européens doivent impérativement venir en aide à la Grèce, exhorte le quotidien libéral Gazeta Wyborcza :
«Le Premier ministre grec Alexis Tsipras se retrouve dos au mur. D’un côté, il est tenu de maintenir le cap de l’austérité. De l’autre, il ne peut s’attendre à de nouvelles aides financières européennes sur la question des réfugiés. Des pays comme l’Autriche, la Hongrie et la Macédoine ont déjà tourné le dos à la Grèce et lui reprochent de ne pas être en mesure de gérer la crise et de protéger ses frontières. Un reproche tout à fait absurde. Que pourrait-elle bien faire ? … Si les autres Etats ne décident pas d’alléger enfin le fardeau des Grecs et d’accueillir aussi des réfugiés, c’est toute l’Europe qui en fera les frais. Et alors, il n’est pas à exclure que l’Europe se désintègre progressivement.»
Le tourisme grec menacé
En raison de la crise des réfugiés, le secteur du tourisme grec enregistre un recul des réservations et l’annulation de voyages prévus pour la saison estivale. Le journal économique Imerisia tire la sonnette d’alarme :
«Il s’agit certainement de la pire publicité possible pour le tourisme grec de voir les journaux télévisés en Europe et aux Etats-Unis s'ouvrir sur la crise des réfugiés. Le gouvernement, et particulièrement le ministère du Tourisme, devront déployer d’énormes efforts pour protéger le secteur. Car une régression dans le domaine du tourisme générerait une nouvelle récession et menacerait les espoirs d’équilibre budgétaire. … Si les touristes désertent la Grèce cette année par crainte de la situation dans le pays, il y aura moins de rentrées d’argent. Le chômage augmentera et des milliers de PME en pâtiront dans le secteur du tourisme.»