Orbán et Kaczyński fustigent l'UE
Lors d'un forum économique organisé à Krynica en Pologne, Jaroslaw Kaczyński, leader du parti au pouvoir en Pologne PiS, a appelé à une 'contre-révolution culturelle' pour sauver l'UE. Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán y a tenu des propos similaires. Pour certains éditorialistes, le Brexit donne raison aux critiques de l'Europe de l'Est à l'endroit de l'UE. D'autres récusent vigoureusement leur analyse de la situation.
L'avenir : une UE à deux vitesses
La critique adressée par les Etats de Visegrád à la structure actuelle de l’UE montre une fois de plus que l’Union ne peut pas survivre dans sa forme actuelle, écrit Financial Times :
«Les négociations sur le Brexit doivent être considérées comme une chance de créer une UE à deux niveaux qui tienne compte de ces réserves. Le premier niveau pourrait poursuivre l’intégration politique et l’objectif qui existe depuis longtemps d’une union plus étroite en Europe. Les pays du second niveau quant à eux se limiteraient à une adhésion au marché unique et à une coopération en matière de politique extérieure et de sécurité. … Il serait extrêmement salutaire que les dirigeants politiques européens reconnaissent qu’un certain nombres des doléances britanniques vis-à-vis l’UE sont largement partagées. Au lieu d’essayer à tout prix de conserver les structures actuelles, ils feraient mieux de créer une union à deux niveaux qui puisse satisfaire tout le monde.»
Une analyse perspicace
Au fond, les analyses critiques d'Orbán, Kaczyński et consorts par rapport à l'évolution de l'UE sont justes, estime The Times :
«Faut-il aborder le sujet du Brexit et, le échéant, comment faut-il s'y prendre ? L'Europe est divisée sur la question. Les Etats du Visegrád (Hongrie, Pologne, Slovaquie et République tchèque) veulent saisir cette occasion pour examiner en profondeur les raisons qui ont poussé la Grande-Bretagne à partir. La plupart des Etats de l'Ouest ne souhaitent pas que le Brexit figure à l'ordre du jour officiel du sommet européen prévu la semaine prochaine. Ils essaient de donner l'impression que l'UE est focalisée sur les sujets de la sécurité et de l'avenir. ... L'Europe n’a pas réussi à limiter l’immigration et à assurer une croissance économique continue, et c’est justement la raison pour laquelle les Britanniques se sont éloignés de l’Europe. Leurs préoccupations sont partagées sur tout le continent. Sans aucun doute, Orbán a fait les yeux doux à l’extrême droite xénophobe. Mais lorsqu’il déclare que des crises successives ont révélé que l’Europe de l’Ouest était 'riche et faible', on a du mal à le contredire.»
L'Est se rebiffe à juste titre
L’UE souffre d’un déséquilibre des pouvoirs, auquel Orbán et Kaczyński ont raison de vouloir remédier, se félicite Rzeczpospolita :
«L’Europe occidentale se défend depuis déjà longtemps contre ses voisins orientaux 'à la traîne'. En menant une lutte culturelle, la politique fait barrage à toute réelle influence de l’Est dans les processus décisionnels. La concentration du pouvoir au sein de l’UE est la première cause de la crise actuelle. Les grands Etats cherchent notamment à empêcher la moindre idée provenant de notre partie de l’Europe. C’est ce qui a fini par aboutir au Brexit. Car même la Grande-Bretagne est victime de cette politique centraliste.»
L'erreur de raisonnement d'Orbán et Kaczyński
Les idées de ces deux leaders sont contraires aux intérêts de la Pologne, fait pour sa part valoir Newsweek Polska :
«Depuis l’époque de de Gaulle, l’intégration n’a cessé d’avancer. Une monnaie commune a été créée et l’actuelle crise de l’euro contraint à une intégration économique. Le PiS veut tenter un rétropédalage. La conséquence en serait la suivante : comme les pays d’ores et déjà fortement intégrés n'inverseront pas ce processus, la Pologne sera encore plus marginalisée. Car ceci [les propositions de Kaczyński] confèrerait davantage d'importance à la collaboration internationale. Et l’influence des institutions de l’UE s’amenuiserait. … Le problème est que ce sont ces institutions mêmes qui garantissent l’équilibre au sein de l’UE, un équilibre qui protège ses Etats membres plus petits et plus faibles (car la Pologne n’est pas une puissance). … Fondamentalement, c’est grâce à ces institutions que la communauté n’est pas dominée par la France et par l’Allemagne.»