Une aide publique pour Deutsche Bank ?
John Cryan, président du directoire de Deutsche Bank, a rejeté les allégations selon lesquelles l'établissement financier avait sollicité l'aide du gouvernement allemand. Le ministère de la Justice américain avait récemment réclamé 14 milliards de dollars d'amende à la première banque allemande, accusée de titrisation sur le marché immobilier américain. Les commentateurs laissent toutefois entendre que le contribuable pourrait bien être appelé à mettre la main au porte-monnaie, et que l’inflexibilité du gouvernement allemand envers ses partenaires pendant la crise financière puisse lui retomber dessus.
L'ironie du sort
Les banques allemandes ne semblent plus être le havre de stabilité au sein de l'Europe, estime Jornal de Negócios :
«C'est une tragique ironie du sort de voir que la plus grande menace pour la stabilité du système financier européen vient justement d'Allemagne - ce pays qui affectionne tant le rôle de donneur de leçons en matière de stabilité et de solidité vis-à-vis de ses partenaires européens. Deutsche Bank, forte d'un bilan de quelque 1,6 billion d'euro, est un mastodonte de la haute finance mondiale. ... Son président du directoire [John Cryan] affirme que la banque est solide comme un roc et peut se passer de tout soutien politique. Les Portugais sont bien placés pour savoir déceler les signes avant-coureurs de telles affirmations officielles. ... Et si jamais une intervention de l'Etat s'avérait nécessaire, il serait intéressant de voir comment la chancelière et son ministre des Finances échapperont à leur propre orthodoxie dans l'application des règles de sauvetage qu'ils imposent à d'autres pays.»
Merkel s'est tirée une balle dans le pied
Les règles rigides dont s'est dotée la zone euro contribuent à l'enlisement du secteur financier européen, déplore Daily Mail :
«La raison fondamentale de la faiblesse de Deutsche Bank et de la plupart des autres banques du continent est l'échec de la zone euro à suivre l'exemple douloureux du Royaume-Uni, qui a su sauver et recapitaliser son secteur financier suite au resserrement du crédit. C'est une ironie amère pour Angela Merkel : tout d'abord, elle a refusé aux gouvernements grec et italien tout sauvetage de leurs banques et toute restructuration de leurs dettes. De crainte de voir l'euro miné, projet sacro-saint s'il en est - qui n'admet aucune exception. Une décision qui la paralyse maintenant dans le sauvetage de son propre secteur financier. Voilà une bonne illustration de la malédiction qui frappe l'UE. Lorsque des pays ne sont pas autorisés à agir dans leur intérêt national, ils sont confrontés à une stagnation, ce dont pâtit tout le monde.»
Le gouvernement allemand nuit aux banques
La crise de Deutsche Bank est avant tout imputable à la mauvaise politique bancaire du gouvernement allemand, critique La Tribune :
«Les politiques allemands se paient de mots en vantant la santé des banques mutualistes et des caisses d'épargne qui financent les PME, le Mittelstand, car ce financement est trop faible et laisse un excès d'épargne qui remonte vers les 'grandes banques' et vient créer les soucis que l'on connaît. Guérir le système bancaire allemand, c'est avant tout en finir avec ce comportement par la relance massive de l'investissement, notamment public. Si le gouvernement fédéral allemand ne change pas d'attitude et reste sur son option mercantile, il sera toujours confronté à ce risque bancaire. Autant dire que le problème de Deutsche Bank n'est pas, contrairement à ce qu'affirment les dirigeants allemands, un problème 'propre' à cette banque. C'est un problème politique.»
L'aide du contribuable ne doit pas être gratuite
Si Deutsche Bank était réellement menacée de faillite, l'Etat allemand devrait aller à sa rescousse, mais à une seule condition, estime le quotidien taz :
«Même si en fin de compte, Deutsche Bank devra certainement payer nettement moins de 14 milliards, le différend qui l'oppose aux Américains montre de nouveau que le premier établissement financier d'Allemagne est en piteux état. Même s'il n'est pas au bord de la faillite, à titre préventif, il serait important d'envisager dès maintenant le pire scénario, à savoir le dépôt de bilan. ... La faillite de Lehman Brothers est un avertissement : l'effondrement de cette petite banque d'investissement a laissé en 2008 un grand chaos qui a déclenché une grave crise de l'économie mondiale. L'Etat devrait donc intervenir si jamais Deutsche Bank devait se trouver dans une situation critique. A cette différence près que cette fois-ci, l'aide ne doit pas être gratuite, mais rémunérée en actions. L'Etat deviendra alors propriétaire de la banque et aura alors tout son temps pour la liquider.»
Le moteur du miracle allemand fait des ratés
En fin de compte, le contribuable va devoir payer les pots cassés, craint De Volkskrant :
«Comment pourrait-on sauver cette banque zombie ? Le monde politique et les médias sont depuis longtemps d'accord pour dire que Deutsche Bank doit redevenir allemande : ennuyeuse et de bon aloi. Une banque qui fournit des crédits au champion des exports. ... L'Etat doit-il réellement venir en aide à l'établissement financier ? ... On n'en arrivera pas forcément là. 2016 n'est pas 2008 : l'économie se porte bien mieux. Deutsche Bank peut peut-être rembourrer son coussin de fonds propres en vendant des parts de ses sociétés. Mais si cette stratégie ne fonctionne pas, il ne faut pas se fier à l'assertion du gouvernement allemand qu'un bail-out est exclu. ... On ne va pas sacrifier l'économie allemande à des banques d'affaires anglo-saxonnes. Berlin réfléchira à deux fois avant de sacrifier le moteur financier de la 'SARL Allemagne'. Quant au contribuable, il doit s'attendre au pire.»
La banque a besoin d'un nouveau modèle commercial
La demande faite par le ministère de la Justice américain pourrait entraîner des risques inopinés, met en garde Delo :
«Il est difficile de prédire quelles conséquences les demandes américaines vis-à-vis de Deutsche Bank auront pour l'économie allemande et celle d'autres pays. Le Fonds monétaire international craint déjà des risques systémiques. La CDU de la chancelière Merkel rappelle que l'Allemagne doit conserver une banque à fonctionnement international qui fasse office d'interface pour les entreprises allemandes actives dans le monde entier. On continue à espérer que Deutsche Bank réussira une transformation à la Daimler, à savoir la construction d'un nouveau modèle commercial sur les ruines de l'ancien. En cas d'échec, tous les paris sont ouverts.»