La Hongrie après le référendum sur les réfugiés
Un mois après le référendum sur la répartition des réfugiés dans l'UE, la question a quasiment disparu du débat public en Hongrie. Le 2 octobre, 98 pour cent des votants avaient rejeté la solution européenne de quotas. Le vote avait toutefois été invalidé en raison d'une participation inférieure à 50 pour cent. Est-ce un échec pour Viktor Orbán ?
Les réfugiés ne sont plus à l'ordre du jour
Les réfugiés ont subitement disparu du débat public hongrois après le référendum du 2 octobre, commente le blogueur Zsolt Gréczy :
«Je ne suis pas le seul à avoir remarqué que depuis l'échec du référendum de Viktor Orbán, les migrants ont soudainement disparu. On ne les voit pas dans les pseudo-reportages de la télévision d'Etat, qui les montrent habituellement désireux de franchir la frontière, agressifs et impatients. D'un seul coup, ils ne veulent plus violer nos filles et nos femmes, de même qu'ils ne veulent plus, pour des motifs obscurs, voler nos emplois et détruire notre culture. On ne parle plus des réfugiés, allez savoir pourquoi... Depuis qu'Orbán a perdu son référendum qui avait coûté des millions, c'en est fini de l'alarmisme. Comme c'est étrange !»
Les jours du Premier ministre sont comptés
Pour le politologue Valentin Naumescu, le référendum marque le début de la fin politique de Viktor Orbán, comme il l’explique sur le portail Contributors :
«Pour Orbán, le compte à rebours a commencé. Dès aujourd’hui, d’aucuns l’appellent à tirer les conclusions de l’échec du référendum et à démissionner. … Il va de soi qu'Orbán ne quittera pas la scène pour autant, mais ce n’est que le commencement. En 2002 (alors qu’Orbán avait perdu les élections), la participation aux élections en Hongrie était de 70,52 pour cent. En 2014, elle était de 61,84 pour cent. A présent 40 pour cent des inscrits seulement se sont rendus aux urnes. C’est un indicateur du sérieux que les électeurs accordent à l’initiative d’Orbán. L’échec du 2 octobre déclenchera une critique interne contre lui (peut-être même au sein de son propre parti) et amorcera le début de son déclin politique. Trop briguer la popularité et chasser les pourcentages finit par corrompre, par effet boomerang.»
L'opposition absente à l'appel
La journaliste Eva Galambos a une autre vision des choses, qu’elle expose dans Adevărul :
«Même si certains croient que ce revers annonce la chute prochaine du Premier ministre, pour ma part, j’ai quelques doutes. Orbán a toujours fait preuve d’une grande inventivité quand il s’agissait de trouver des mots d’ordre et des mesures populistes qui aillent droit au cœur de la majorité de la population. Je ne crois pas qu’il soit à court d’idées. Pour inverser la tendance des prévisions pour les législatives [du printemps 2018], il faudrait que la gauche se dote d’un souffle nouveau, de la volonté de faire front commun et de fonder une plate-forme qui semble au moins aussi crédible que le parti Fidesz, voire plus crédible encore. Hélas, je ne vois personne qui soit en mesure de le faire.»
Les Hongrois ne se laissent pas berner
La paranoïa d’Orbàn envers les réfugiés semble se heurter à ses limites, juge Novi list :
«Tout porte à croire que la majorité des huit millions d’électeurs hongrois ne s’est pas laissée leurrer par la propagande à la Goebbels. Car les 2 000 réfugiés que la Hongrie devrait accueillir conformément aux quotas de l’UE ne pourraient que difficilement souffler aux Hongrois les emplois convoités. Peut-être certains Hongrois raisonnables se sont-ils demandé pourquoi Orbàn dépensait 40 millions d’euros pour des messages vides de sens et un référendum dénué de toute validité juridique. Avec un budget pareil, on aurait pu créer des emplois pour les réfugiés mais aussi pour tous ceux qui ont peur de perdre leur travail actuel à cause des réfugiés.»
Un Premier ministre bien en place
A l’issue du référendum, les deux camps revendiquent la victoire, fait remarquer Právo, qui explique pourquoi, bien que le quorum n’ait pas été atteint, le Premier ministre Orbàn a tout de même de quoi être satisfait :
«Orbàn voit le moment venu de modifier la Constitution et de faire un bras d’honneur à Bruxelles. L’opposition hongroise se proclame elle aussi victorieuse, relayée par Bruxelles, où l’on parle d’une merveilleuse réussite de la 'résistance passive' à Orbán. … Même si le Premier ministre n’a pas obtenu la majorité, s’il conserve le soutien des trois quarts de ceux qui ont voté non au référendum, il n’a rien à craindre des prochaines élections. De plus, sa minorité au référendum était bien plus grande que la 'majorité' à laquelle les députés du Parlement européen ont été élus. Et les électeurs ont été plus nombreux à dire non aux quotas qu’ils ne l’avaient été il y a 13 ans à dire oui à l’adhésion de la Hongrie à l’UE.»
La ligne d'Orbán a déteint sur la politique migratoire de l'UE
Bien que son référendum ait échoué, Orbán a apposé sa griffe caractéristique à la politique européenne en matière de réfugiés, analyse Der Standard :
«Le Premier ministre hongrois avait déjà été le premier à l’époque à insister avec véhémence sur la nécessité d'adopter de strictes 'mesures de défense' à la frontière extérieure de l’UE avec la Serbie ; le premier à annoncer sans plus d’ambages aux autres chefs de gouvernements, lors du sommet européen de juin 2015, son intention d’ériger une clôture élevée pour arrêter les réfugiés sur la route des Balkans. … Le discours de Viktor Orbàn, selon lequel il importe avant tout de se défendre contre les étrangers et non pas des les intégrer, est une graine qui a germé. Il a imprimé sa marque. Le référendum est pour lui une défaite indiscutable en politique intérieure, mais qu’on ne s’y méprenne pas : pour l'heure, la politique de l’UE est pleinement axée sur le refoulement des migrants, et non pas sur leur accueil – au grand dam des réfugiés.»
La haine restera
La haine attisée par le gouvernement hongrois perdurera sûrement après le référendum, redoute Mandiner :
«Un climat de fin du monde s'est effectivement installé dans de vastes pans de la population. De nombreuses personnes croyaient réellement que le sort du pays, voire même de l'Europe, dépendait du référendum. ... Les gens ont été aiguillonnés à l'extrême par le gouvernement, et cela ne peut déboucher sur une issue positive. ... Malheureusement, force est de constater que la campagne de dénigrement des 'migrants' n'est pas l'apogée définitive de ce phénomène. Depuis de nombreuses années déjà, la xénophobie bat son plein au sein de la société dominante hongroise, sans parler de la haine immémoriale vouée aux Roms. ... Il est exclu que la haine accumulée ces dernières semaines ne se dissipe d'elle-même après le référendum.»