La République tchèque et le génocide des Roms
Cela faisait 18 ans que les gouvernement tchèques successifs étaient sommés de fermer un élevage industriel de porcs situé à Lety, en Bohème méridionale, à l'emplacement d'un ancien camp de concentration pour Roms. Cette exploitation, ouverte dans les années 70, empêchait jusque-là toute commémoration digne des victimes. Lundi, le gouvernement a finalement décidé de financer le rachat et la relocalisation de l'entreprise. Les commentateurs font part de leur soulagement.
La carte anti-roms ne fonctionne plus
Si l'on refusait jusque-là de fermer l'élevage porcin et donc de permettre une commémoration digne du génocide contre les Roms, c'était pour des raisons politiques et non financières, souligne Lidové noviny :
«Lety était une marque d’infamie pour la politique tchèque. Ce qu'il avait été impossible de faire pendant près de vingt ans est subitement devenu possible aujourd'hui. Le problème, ce n'était pas l'argent nécessaire au rachat de l'exploitation, car celui-ci n'aurait pas grévé le budget de l'Etat. Pendant deux décennies, les gouvernements successifs avaient peur de prendre une décision favorable aux Roms et de se voir rabroués par l'opposition. La situation a changé. L'opposition - à l'exception des communistes - s'est cultivée. Globalement, les politiques ont compris que dans un lieu où l'on tuait des enfants seulement parce que ceux-ci étaient basanés, on ne pouvait plus se permettre de jouer la carte anti-tziganes traditionnelle.»
Babiš devra rentrer dans le rang
Quelques semaines avant la décision du gouvernement, le vice-Premier ministre et ministre des Finances Andrej Babiš avait provoqué un tollé, en qualifiant le camp de concentration de Lety de 'simple camp de travail'. Au bout du compte, cette déclaration négationniste a contribué à ce que l'on mène une véritable réflexion sur la question, commente Hospodářské noviny :
«Cela fait 18 ans que l'on discute de la fin de l'exploitation porcine de Lety, et il semblerait qu'une solution soit enfin en vue. Mais on n'en est pas encore là. A l'emplacement de l'ancien camp de concentration, qu'il faut doter d'un mémorial digne de ce nom, on continue d'élever des cochons. Or voilà que le gouvernement effectue une étude précisant les coûts du rachat de l'exploitation. Il est incroyable qu'il ait fallu autant de temps pour le faire. ... Paradoxalement, ce sont les propos aberrants de Babiš qui ont le plus contribué à l'élaboration d'une solution. Il pourra difficilement refuser de verser l'argent s'il ne veut pas passer pour un négationniste du génocide contre les Roms.»