L'UE est-elle suffisamment soudée ?
A l'occasion du 60e anniversaire du traité de Rome, les chefs d'Etat et de gouvernement des pays de l'UE - à l'exception de la Grande-Bretagne - ont souligné leur attachement à la cohésion et aux valeurs communes. La chancelière Angela Merkel a réitéré son appel à l'instauration d'une Europe à plusieurs vitesses. Cette idée, mise en œuvre plus tôt, aurait permis d'éviter le Brexit, jugent certains commentateurs. D'autres, en revanche, la rejettent en bloc.
Les atermoiements des dirigeants européens
Si les chefs d’Etat et de gouvernement avaient proposé l'Europe à plusieurs vitesses plus tôt, on aurait évité de nombreux écueils, croit savoir Postimees :
«Berlin et Paris, au titre d’axe majeur de l’UE, tentaient récemment encore d’imposer une intensification de l’intégration, alors que ce modèle suscitait une opposition croissante parmi les Etats membres. Or voilà que les dirigeants de l’UE viennent d’opter pour une Europe à plusieurs vitesses, censée réformer et renforcer l’Union. Tout cela est bien beau. Mais on est tenté de se demander ce qu’il se serait produit si ce changement de cap avait eu lieu quelques années auparavant. Il est bien possible, le cas échéant, que nous n’aurions pas été les témoins du Brexit ni de la vague nationaliste et populiste sous sa forme actuelle. Geert Wilders, Marine Le Pen et consorts auraient peut-être été marginalisés et ne seraient pas les poids-lourds qu’ils sont sur la scène politique aujourd’hui.»
Pire que le Brexit
L'Europe à plusieurs vitesses est une évolution funeste, met en garde To Vima :
«Les peuples d’Europe ferment les yeux, et c’est dramatique, sur les évolutions qui influenceront leur avenir - parce qu’ils ne les comprennent pas - ou ne veulent pas les comprendre. Comment sinon expliquer le silence glacial qui a suivi l’approbation par l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne d’un modèle qui n’a rien à voir avec une Europe unie ? ... Ceux qui avaient mis en garde contre les dangers du Brexit ont dû tomber des nues en entendant les dirigeants des quatre grands membres de l’UE évoquer le projet d'une Europe à plusieurs vitesses. Car c’est le contraire d’une poursuite de l’intégration. ... C’est la plus grande victoire de l’euroscepticisme jamais enregistrée au cours des 60 ans d’histoire de l’Union européenne.»
Les dirigeants européens doivent faire leur mea culpa
Au lieu d'accuser les partis europhobes d'être la cause de l'impopularité de l'UE, les dirigeants européens feraient mieux de reconnaître et d'assumer leurs erreurs, juge Le Quotidien :
«S’il faut trouver un 'coupable', il est à rechercher chez ceux qui ont exercé ou exercent actuellement le pouvoir. Ce ne sont pas les partis europhobes qui ont décidé de sauver les banques en 2008 et de perpétuer le système économique existant comme si de rien n’était. Ce ne sont pas les partis europhobes qui ont saigné à blanc le peuple grec. … Il serait peut-être temps pour les dirigeants européens de réaliser leur autocritique, d’admettre les erreurs qu’ils ont pu commettre – qui n’en commet pas ? – de faire une forme de mea-culpa. Et surtout de montrer que l’UE ne se résume pas aux clichés de l’austérité et d’un paradis pour lobbyistes de multinationales.»
A Paris et Berlin de rénover l'UE
L’avenir de l’UE est entre les mains de l’Allemagne et de la France, peut-on lire sur le portail Habertürk :
«On peut dire avec le recul que l’UE s’est bâtie le long de l’axe franco-allemand et qu'une forme de division du travail a prévalu entre les deux pays : la France a assuré le leadership politique jusqu’à la fin de la guerre froide, l’Allemagne payait les factures au titre de moteur économique de la communauté. … [Après la chute du mur] Berlin est devenue la capitale de la nouvelle Allemagne, mais aussi celle de l’Europe. En raison de son histoire, l’Allemagne était réticente à reprendre les rênes politico-stratégiques. La France a commencé à vaciller politiquement et la Grande-Bretagne est alors devenue le principal partenaire de l’Allemagne. … Le vote en faveur du Brexit a détruit cet équilibre. L’Allemagne est appelée à rénover l’UE avec la France. C’est pourquoi les présidentielles françaises seront déterminantes pour savoir si un nouveau départ est possible dans l’UE.»
Le 'noyau dur' de l'UE dompte les PECO
La crainte d’une Europe à deux vitesses rend les PECO plus flexibles, assure l'antenne roumaine de Deutsche Welle :
«Sur la question de la répartition des réfugiés, les Etats membres de l’UE n’avaient pas pu se mettre d’accord en raison de l’opposition des PECO. … Mais à partir de maintenant, le 'noyau dur' de l’Union prendra ses propres initiatives, que les Est-Européens ne pourront plus critiquer. … Les Etats occidentaux ont déjà suivi le principe d’une 'Europe à deux vitesses' pour administrer la zone euro. Un concept qui faisait aussi office de stratégie de négociation vis-à-vis des nouveaux venus, à l'image d'un patron qui essaye d’imposer des réformes à ses employés. Il est d'abord question de licenciements massifs, puis, suite aux protestations des syndicats, on se met d’accord pour préserver les emplois en contrepartie de coupes salariales. C’est ce qui s’est passé à Rome, où 'le compromis' présenté a été accepté par tous.»
L'Union ne survivra pas à ses divisions
La détérioration des relations entre les Etats membres laisse présager un avenir bien sombre pour l’UE, redoute Efimerida ton Syntakton :
«L’immense édifice européen semble ne pas être capable de tenir sur ses fondations. ... Même les Européens convaincus ont perdu espoir : à cause des inégalités trop importantes au sein de l’UE, des différentes vitesses, de l’arrogance de certains grands pays. Comment des Etats peuvent-ils coexister s'ils s'insultent mutuellement ? Comment une Union peut-elle exister sans cohésion entre ses Etats membres ? ... On nous dit qu’une Europe unie devrait être en mesure de défendre à tout moment chacun de ses membres se trouvant en situation difficile ou dangereuse, par exemple en cas d’attaque par un Etat hostile. Il est ridicule de parler de démocratie et de paix quand on se ferme les yeux sur la présence de troupes d’occupation turques à Chypre.»
Marius Ivaškevičius plus que jamais épris de l'Europe
Dans le quotidien Delfi, l’écrivain lituanien Marius Ivaškevičius parle de son amour pour l’Europe :
«A l’heure où l’Europe est prise à partie et rouée de coups de toutes parts, ma réaction est celle d’un amoureux : je place sur un plateau de la balance tous les défauts de cette Europe, et sur l'autre la question : pourrais-je vivre sans elle ? Et aucun de ses défauts, pas même tous les défauts mis ensemble, ne font le poids face à cette question. Je ne sais pas comment je pourrais vivre sans elle. C’est pourquoi je ne peux ni ne veux me joindre au chœur de ceux qui lui font la morale et l’accablent de conseils sur son comportement et son orientation. Devrait elle aller moins souvent en boîte et plus souvent à l'Eglise, adopter tel look et non un autre, dépenser son argent ou le mettre de côté, aimer les uns et ne pas aimer les autres ? Comme un véritable amoureux, ces questions ne me semblent pas essentielles aujourd'hui, d'autant plus que ceux qui les posent aiment finir la phrase ainsi : si l’Europe ne fait pas ce que je dis, elle est vouée à péricliter. Laissez tomber.»
La sénilité prend le pas sur la vitalité
A en croire l'hebdomadaire Expresso, il n'y vraiment pas de quoi se réjouir :
«L'UE fait davantage preuve de sénilité que de vitalité actuellement. L'Europe rêvée par Jean Monnet et Robert Schumann souffre de cinq maux : le fossé Nord/Sud, qui ne cesse de se creuser (comme le montrent les récentes déclarations de Dijsselbloem) ; le risque de désintégration, qui s'est considérablement accru avec le Brexit ; la dérive autoritaire, qui trouve un nombre croissant de partisans ; une guerre larvée [le terrorisme], qui fait des victimes au sein même de l'Union ; et, pour finir, l'incapacité à prendre des décisions économiques communes pour relancer la croissance et résoudre la crise de la dette. L'UE semble courir vers un irrésistible déclin. La seule façon de stopper cette évolution, c'est de prendre conscience que le monde de demain sera bien pire encore que le monde d'aujourd'hui.»
La confirmation de l'Europe à deux vitesses
"Nous agirons de concert, si nécessaire à des rythmes différents et avec une intensité différente, tout en avançant dans la même direction", peut-on lire dans la déclaration de Rome. Un principe contesté par le journal Gość Niedzielny :
«La déclaration de Rome n'est pas anodine - loin s'en faut. Elle impose la vision que la communauté est censée suivre, même si la voie menant au but n'est pas encore tracée. ... Ne nous méprenons-pas : cette déclaration fixe clairement le cap de l'UE. Il s'agit de l'Europe à deux vitesses, dont il est déjà tant question à l'Ouest. C'est une réalité qui existe déjà depuis des années. Mais la déclaration de Rome vient entériner l'aggravation de ce clivage.»
Les anti-européens sont majoritaires
Dans un entretien accordé à Le Figaro, Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères socialiste de 1997 à 2002, souligne que les déçus de l'UE forment une majorité :
«Le plus grand danger pour le projet européen est interne : les peuples européens décrochent. Même si on ne tient pas compte des vrais anti-européens comme en France le Front national ou l’extrême gauche, mais seulement des indifférents (60 pour cent d’abstentionnistes aux élections européennes), des simples sceptiques, des déçus, des allergiques à la réglementation à outrance, intrusive et exaspérante, ceux-ci forment au total, dans presque tous les pays de l’Union, une majorité. C’est beaucoup plus grave et vital que l’afflux des demandeurs d’asile et de migrants, que les provocations de Poutine, que les insultes ou les tocades de Trump. Curieusement ce diagnostic, pourtant évident, n’est pas encore partagé par tous, et même ceux qui l’admettent n’en tirent pas les mêmes conséquences.»
Pas étonnant que les Britanniques aient choisi le Brexit
L'intégration européenne est devenue un processus plus coûteux que profitable, déplore pour sa part The Daily Telegraph :
«L'euro a contribué à détruire les économies nationales. L'approche complexe et contradictoire vis-à-vis de l'immigration a rendu la gestion de la crise des réfugiés extrêmement délicate. ... Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a qualifié de 'tragique' le départ du Royaume-Uni de l'UE, fustigeant, comme on pouvait s'y attendre, la prétendue tendance des Britanniques à imputer à Bruxelles la responsabilité de tous les maux. Or il s'agit-là d'une lecture erronée de la politique britannique - il ferait mieux de se demander pourquoi l'euroscepticisme est devenu un avis majoritaire. Les électeurs britanniques ne sont pas irrationnels. Ils ont pris le temps de s'interroger sur les coûts du projet européen et le cap emprunté - et décidé qu'ils ne désiraient plus y souscrire.»
La jeunesse ne veut pas d'un retour à l'Etat-nation
Die Presse porte un regard optimiste sur l'avenir de l'Europe :
«L'UE existera-t-elle encore dans 60 ans ? Il paraît difficile de répondre sérieusement à cette question, mais il y a de l'espoir - et celui-ci repose essentiellement sur la jeune génération. Comme le montrent la plupart des sondages menés dans les différents pays, l'euroscepticisme tend à être le fait des plus âgés. On l'a vu notamment dans le vote sur le Brexit en Grande-Bretagne, où la majorité des plus jeunes ont voté pour le maintien du pays dans l'UE. Dans les PECO également, marqués par un fort ressentiment europhobe, c'est la jeune génération qui est la plus européenne. La plupart des membres de cette génération ont grandi à une époque où l'on pouvait voyager sans entraves par-delà les frontières ; ils ont pu étudier ou chercher du travail librement dans tel ou tel pays européen. ... Cette génération, qui a aussi de plus en plus son mot à dire, ne veut pas se laisser déposséder de ces libertés par des nationalistes bornés.»
Le lancement de la 'vraie UE'
S’il n’y a rien de concret dans la déclaration relative au 60e anniversaire du traité de Rome, ce texte pourrait toutefois constituer un tournant dans l’histoire de l’UE, peut-on lire dans Der Standard :
«Il n’est plus question de la foi naïve dans le progrès qui existait en 1957. Il y a rarement eu dans un document important autant de réflexion et de compréhension réaliste du fait que les choses ne peuvent continuer ainsi. Rome se veut l’amorce d’une autre Europe, d’une véritable Union d’Etats. Les Britanniques en sont déjà partis, d’autres pourraient suivre. La Turquie en restera exclue. Mais un noyau de pays qui entendent mener une politique budgétaire, économique et sociale commune devrait pourtant voir le jour d’ici 2027. Cela prendra du temps ; la chose est complexe. Mais si l’on tient compte de la situation actuelle et de la paralysie de l’Europe, de l’évolution des Etats-Unis du président Donald Trump et du développement économique mondial (impulsé par la Chine), il est évident que l’Union n’a pas d’autre choix.»
L'Europe à deux vitesses menace la cohésion
Pour le journal Diena, les festivités des 60 ans du traité de Rome sont quelque peu ternies par la reprise du débat sur l’Europe à plusieurs vitesses :
«On s’attendait au départ à ce que soit adoptée à cette occasion une déclaration spéciale confirmant l’engagement de tous les Etats membres de l’Union en faveur des idéaux européens. Mais à la veille du sommet, on constate un certain nombre d'antagonismes entre les pays de l’UE et la voie menant à un avenir meilleur ne paraît plus aussi rectiligne. … Il semblerait malheureusement que la soi-disant vieille Europe et les Etats du Nord ne veuillent plus vivre au sein d’une UE qui clame son unité. Dans le même temps, les pays les plus pauvres de l’alliance - une partie de l’Europe méridionale, l’Europe de l’Est et les Etats baltes - refusent catégoriquement, pour la plupart, d’être considérés comme des Européens de seconde zone. Si l’on ne trouve pas une solution un tant soit peu acceptable à cette contradiction, celle-ci pourrait devenir un facteur de désintégration de l’UE.»
Le sort de l'Europe dépend aussi de l'Afrique
De Standaard énumère les gigantesques problèmes auxquels, pendant encore longtemps, l’Europe sera confrontée :
«La Grèce, appauvrie, est vouée au marasme pendant des décennies encore. En Italie, le risque d’implosion n’est toujours pas écarté. En Espagne et au Portugal, des générations de jeunes sont sur la touche. La cure administrée a laissé derrière elle une profonde amertume… Mais il y a aussi une autre crise fondamentale qui est restée irrésolue. Le verrouillage de la route des Balkans et l’accord infâme conclu avec le bien peu fiable président turc Erdoğan n’ont fait que masquer le problème. ... La puissance financière de l’Allemagne et de ses satellites ne cesse d’augmenter. Si les lignes ne bougent pas, les failles qui lézardent l’Union monétaire s’élargiront encore et l’euro n’y survivra pas. De même, la différence colossale en termes de perspectives d’avenir sur les deux continents entraînera inexorablement des mouvements de population d’Afrique vers l’Europe. La seule chance de préserver la stabilité est de réduire l’abîme, par tous les moyens.»
La nécessite d'un nouvel axe franco-allemand
Si la France et l’Allemagne décidaient de retrouver une orientation commune, elles pourraient tirer l’Europe de la crise, affirme The Financial Times :
«L’affaiblissement de la France a laissé l’Allemagne occuper seule le devant de la scène et a déséquilibré l’UE. Par défaut, Angela Merkel est devenue à la fois le leader réticent du Vieux Continent et son principal 'méchant'. … Il n’existe pas de formule magique qui permette de colmater les brèches d’une Union divisée. La traction de la locomotive franco-allemande est moins importante en effet dans une Union à 27 que dans une CEE à 6. Mais le rétablissement des relations entre Berlin et Paris serait une source de confiance non négligeable. Il marquerait aussi l’avènement d’un nouveau 'noyau européen', désireux et capable d’intensifier la coopération. S’il est difficile d’être optimiste quant à l’avenir de l’Europe, il est temps cependant de modérer quelque peu le catastrophisme.»
Que l'Europe devienne notre patrie
Si les citoyens d’Europe se sentaient un jour à la fois chez eux et en sécurité, l'UE pourrait accomplir sa vocation, assure le politologue Antonio Polito dans Corriere della Sera :
«On est en train de créer ce qui avait toujours fait défaut : une sphère publique commune, l'amorce d’un démos européen, une arène politique dans laquelle chaque pays discute de la même chose. Dans toute l’Europe en effet, on parle de l’Europe. Pour la première fois peut-être, ce qui avait été conçu comme l'idée de quelques illuminés et qui était devenu le joujou des bureaucrates est entré dans les discussions des familles et des bistrots, souvent pour être maudit, mais tout aussi souvent pour être invoqué. … Que faire, donc ? Il est probable que 60 années de plus ne suffisent pas pour que les peuples européens considèrent l’Europe comme leur véritable patrie. Mais comme on peut seulement espérer que les frontières intérieures disparaîtront réellement, avec leur lot historique et sacré de sang, d’identité, de langues et de préjugés, il faut commencer à les remplacer par de nouvelles frontières extérieures. … Des frontières physiques et culturelles - ouvertes, certes, mais sécurisées et surveillées.»
Comment l'Europe est devenue française
A la suite de la crise financière et économique, l'Europe n'a eu de cesse de reprendre à son compte et de mettre en œuvre des idées françaises. C'est en tout cas ce qu'affirme l'éditorialiste Arnaud Leparmentier dans Le Monde :
«En dix ans de crise, l’Europe est devenue méconnaissable : la 'dégermanisation' et 'désanglosaxonisation' sont à l’œuvre. Nous avons vu émerger une BCE politisée, qui fait marcher la planche à billets, une zone euro solidaire financièrement, le maintien de la Grèce dans l’union monétaire, l’avènement du chrétien-social Juncker à la tête de la Commission, la fin de l’austérité budgétaire, une politique de la concurrence agressive qui force Apple à payer des impôts en Irlande, la relance de l’Europe de la défense sur fond de désengagement américain… Autant de ruptures prises sous l’impulsion de François Hollande, parfois engagées sous Nicolas Sarkozy. Les idées françaises, bonnes ou illusoires, sont de retour.»
Seuls, les Etats européens n'ont aucune chance
Les dangers du contexte international actuel devraient inciter l’Europe à resserrer les rangs, souligne le journal Wiener Zeitung :
«Le nouveau locataire de la Maison-Blanche, Donald Trump, n’a que faire de l’Union européenne - il ne la comprend pas ou ne veut pas la comprendre. L’homme fort du Kremlin, le président russe Vladimir Poutine, veut anéantir l’UE et soutient ouvertement les forces politiques qui l’aideront à réaliser ce dessein. Enfin, le président du palais mégalomane d’Ankara, le président turc Recep Tayyip Erdoğan, est désormais complètement déconnecté de la réalité. L’UE doit constituer un pôle de résistance à la menace que représente un tel environnement géopolitique. Un contrepoids que des Etats isolés ne pourront jamais former - seule l’Europe unie peut y parvenir. De nombreux citoyens l’ont compris. C’est pourquoi l’avancée de l’extrême droite, qui paraissait inexorable, est en passe d'être contenue.»
Certains Etats membres iront de l'avant
L’UE devra repenser sa coopération si elle veut rester viable, explique la blogueuse Adelina Marini :
«'Tout le monde va dans la même direction mais certains ne suivent pas' - ce concept, prédominant jusque-là, va être renversé. On ne cherchera plus l’unité à tout prix. Le 'droit de non-participation' affaiblira le 'droit de participation'. Personne n’étant disposé actuellement à modifier les traités européens, les législateurs européens auront de plus en plus souvent recours à l’instrument de la 'coopération accrue'. … Ceci donnera la possibilité aux Etats membres les plus zélés de continuer à aller de l’avant sans avoir à attendre l’élargissement des traités européens pour pouvoir effectuer les changements nécessaires. Cette période transitoire au sein de l’UE sera marquée par de sérieux bouleversements qui ne seront pas immédiatement perceptibles, mais qui formeront la base de nouvelles discussions sur l’avenir de l’UE - à l’occasion, peut-être, de son 70e anniversaire.»
Pas de solidarité dans la détresse
Si la volonté d’intégration européenne est au point mort, ceci n’est pas exclusivement lié à l’Europe de l’Est, écrit Radu Crăciun sur le portail de blogs Republica :
«Les PECO ne sont pas les seuls à avoir des problèmes d’identité et d’intégration. On retrouve aussi le scepticisme vis-à-vis de l'intégration au sein de la population des Etats d’Europe occidentale. … L’essor du nationalisme en Europe centrale a été alimenté par ce scepticisme, mais aussi par le fait que la classe politique n’est pas parvenue, au cours de toutes ces décennies, à bâtir une identité européenne susceptible d’affaiblir les fortes identités nationales qui existent encore en Europe aujourd’hui. Avec le temps, l’enthousiasme des Européens vis-à-vis de l’intégration s’est essoufflé, tandis que l’imprévoyance des politiques est restée constante. … Cela passait inaperçu tant que l’Europe prospérait. Les divergences nationales se sont renforcées avec la crise. La solidarité, qui existe encore quand tout va bien, disparaît en période de vaches maigres.»
L'Europe pourrait sombrer dans la guerre
Les disparités extrêmes dans les systèmes de valeurs en Europe ne laissent rien présager de bon pour l’avenir de l’UE, écrit dans une logique pessimiste l’économiste László Árva, du quotidien Magyar Nemzet :
«On trouve actuellement en Europe quatre grands systèmes de valeur diamétralement opposés les uns aux autres. A ceci s’ajoute cette caste de politiques dont le seul souci est de s’enrichir, eux et leur famille, et qui louvoient entre les différents systèmes de valeur. ... L’antagonisme de ces différents systèmes s’accentue sous l’effet des crises économiques qui transforment le monde depuis les années 1970 et qui sont aussi communément connues sous le nom de mondialisation. ... Les dilemmes qui divisent aujourd’hui l’UE seront extrêmement difficiles à résoudre de manière pacifique. Les Etats-Unis n’ont pas su eux non plus éviter un bain de sang en 1861-65 [Guerre de Sécession]. L’histoire nous enseigne que jusqu’à ce jour, il n’a jamais été possible de créer et de maintenir une organisation supranationale par des moyens pacifiques.»