Le gouvernement May voué à l'échec ?
Aux législatives anticipées en Grande-Bretagne, le calcul de la Première ministre Theresa May n'a pas fonctionné. Au lieu de conforter leur majorité avant le début des négociations sur le Brexit avec l'UE, les Tories ont en effet perdu leur majorité absolue au Parlement. Les jours de May semblent être comptés, jugent les éditorialistes.
Une Première ministre sur le départ
Seules de nouvelles élections anticipées permettront de sortir de l'impasse, juge Handelsblatt :
«Ces prochains mois, May ne sera que l'administratrice en difficulté d'un pays plongé dans un chaos dont elle est elle-même responsable. Elle occupera cette position jusqu'à ce que les Tories se trouvent un nouveau chef de file, qui organisera des élections dès que se sera effondrée la fragile construction que May considère comme un gouvernement. Ceci devrait être une question de mois - une année tout au plus. Le plus tôt sera le mieux. Car le temps presse, en raison de la demande officielle de sortie de l'UE formulée fin mars par May. La Grande-Bretagne devra avoir réglé au plus tard d'ici le printemps 2019 son départ de l'UE et déterminé la nature des relations commerciales qu'elle entretiendra avec celle-ci.»
Les régicides déjà à l'affût
Cette victoire à la Pyrrhus restera dans les annales, assure le chroniqueur Ahto Lobjakas dans Postimees :
«May incarne l'échec, et dans la culture politique britannique, marquée par la concurrence, cela ne pardonne pas. Même si elle ne démissionnait pas sur le champ, les Tories ne la laisseront pas se représenter aux prochaines élections. Le Parti conservateur est 'une monarchie absolue dirigée par des régicides', a écrit un ex-ministre sur Twitter. Ce qu'il veut dire, c'est que le prochain prétendant ne tardera pas à venir braver May. La décision de Cameron d'organiser un référendum sur l'adhésion à l'UE était stupide mais nécessaire. Or May n'était absolument pas tenue d'organiser des élections ; il s'agissait d'un calcul cynique.»
De mauvais augure pour les négociations
Le succès travailliste ne profitera malheureusement pas aux négociations sur le Brexit, déplore La Repubblica :
«Si la Grande-Bretagne était encore dans l'UE, la défaite politique de May aurait été une belle victoire pour l'Europe. Mais comme du point de vue de Bruxelles, Londres n'est plus qu'un partenaire avec lequel il est difficile de négocier, la perspective d'un 'hung parliament', dans lequel aucun parti ne dispose d'une majorité claire, ne fait qu'augmenter la perspective d'échec qui planait déjà au-dessus des négociations sur le Brexit. Une victoire claire du labour de Corbyn, donnant le contrôle de la Chambre basse aux travaillistes, aurait rebattu les cartes et permis de négocier une sortie 'soft'. Mais ce n'est pas le cas. Si le succès du Labour montre que la phase de populisme europhobe tend à être terminée, il risque de priver l'Europe d'interlocuteur fiable.»
Un saut dans l'inconnu
L'issue du scrutin ne fait qu'amplifier le drame du Brexit, constate Aftonbladet :
«La question est de savoir si les négociations avec l'UE pourront débuter, dans une bonne semaine, avec dans le meilleur des cas un gouvernement britannique minoritaire. … Il est difficile d'imaginer à quoi pourrait ressembler le futur gouvernement de coalition. … Afin de ne pas commettre de suicide politique, le Labour de Corbyn n'acceptera jamais de gouverner avec les conservateurs, comme le font les sociaux-démocrates allemands avec Merkel. … Les deux partis avec lesquels May est en mesure de former un gouvernement minoritaire sont résolument opposés au Brexit. … La stabilité dont a besoin le pays, comme l'a formulé Theresa May au soir des élections, est difficile à discerner à l'horizon.»
Corbyn ramène le Labour à gauche
Quelle que soit la future coalition gouvernementale, Corbyn sort renforcé du scrutin, juge eldiario.es :
«Le vétéran politique britannique entrera dans l'histoire du Parti travailliste comme celui qui, suite au virage à droite impulsé par Tony Blair, a su redonné à sa formation son âme social-démocrate. Confirmé à son poste à deux reprises par la base du parti - la première fois en septembre 2015 et la seconde en 2016 - Corbyn, âgé de 68 ans, a su imposer son idéologie socialiste traditionnelle en dépit des résistances opposées par une majeure partie de son groupe parlementaire et de la toute-puissance de la presse conservatrice. ... Sa proximité des citoyens faisant sa force, Corbyn a retrouvé des couleurs au cours de la campagne électorale, après avoir été raillé par la presse pendant un an et demi, et alors que ses camarades de parti ont tenté à maintes reprises de le renverser au Parlement.»
La démocratie britannique ravivée
Le résultat montre qu'en Grande-Bretagne aussi, les schémas politiques traditionnels n'ont plus cours, analyse The Daily Telegraph :
«Il n'est plus désastreux au plan électoral de promouvoir des nationalisations, de négocier avec des terroristes, de mettre en garde contre les dangers d'une politique étrangère interventionniste ou bien de proposer l'imposition des riches. C'est révoltant du point de vue conservateur, mais c'est une bonne nouvelle pour les démocrates. Cela signifie que tout est possible. N'était-ce pas exactement le message du vote sur le Brexit, de l'élection de Donald Trump et d'Emmanuel Macron ? Aucune de ces décisions d'orientation n'a été l'indice d'un mouvement électoral global de gauche ou de droite. Elles ont surtout montré que tout est en mouvement.»