Faut-il se réjouir du relèvement de la note portugaise ?
Vendredi, l'agence de notation Standard & Poor’s (S&P) a remonté d'un cran la note souveraine du Portugal, qui sort de la catégorie très spéculative pour s'établir au niveau BBB-. Une annonce aussitôt suivie par une ruée sur les titres portugais. Les éditorialistes ne partagent pas tous cette euphorie.
Une décision qui arrive trop tard
La revalorisation de la note souveraine portugaise aurait dû se faire bien plus tôt, critique Jornal de Negócios :
«La décision de S&P aurait pu se justifier dès la fin du programme d'austérité en 2014, et plus encore à partir de 2016, lorsque [le Premier ministre] António Costa et [son ministre des Finances Mário Centeno] avaient clairement indiqué que le nouveau gouvernement de gauche appliquerait avec sérieux le contrôle du budget et la restructuration du système financier.»
La BCE ne doit pas étouffer la reprise
Le cas du Portugal vient confirmer que l'Europe se relève lentement de la crise financière, grâce notamment à la politique monétaire de la BCE, juge The Financial Times :
«Du point de vue de Francfort, il est souhaitable de maintenir la faiblesse des taux d'intérêt aussi longtemps que possible. Le marché du travail reste fragile, la dette publique élevée et il n'y a aucune garantie que l'environnement global demeure aussi favorable qu'il ne l'est actuellement. Par ailleurs, rien n'atteste la présence de pressions inflationnistes susceptibles d'inciter les décideurs à agir. ... Le sort de la zone euro a changé ces dernières années, grâce à l'action de la BCE. Mais sans l'apport d'un soutien prévoyant, il n'est pas certain que cette reprise se poursuive.»
Une bonne nouvelle au bon moment
Le relèvement de la note arrive à point nommé pour le gouvernement socialiste minoritaire, estime Público :
«La décision 'magnanime' de l'une des agences de notation les plus redoutées, S&P, qui fait sortir le Portugal de la catégorie 'très spéculative' dans laquelle il végétait depuis près de six ans, a été accueillie par un immense soupir de soulagement dans le pays. Le récent rapport du FMI, qui fait état d'un 'progrès notable', contribue à embellir le tableau. ... Ces bonnes nouvelles n'auraient pu tomber à un meilleur moment pour le gouvernement, en raison de la conjoncture pré-électorale [municipales le 1er octobre], ou encore de débats budgétaires avec les partenaires de gauche. Mais aussi parce qu'elles arrivent dans un contexte de regain des tensions sociales - la grève des infirmiers en étant l'exemple le plus patent.»
Pas encore tirés d'affaire
Le Portugal n'est pas encore complètement sorti de la zone à risque, prévient Neue Zürcher Zeitung :
«Le gouvernement lusitanien a du mal à ficeler le projet de budget 2018 et il n'a pas la marge de manœuvre nécessaire pour satisfaire toutes les demandes de financement. La dette publique, qui s'élève à 130 pour cent du PIB, reste également un risque. Le programme de rachat de titres de la BCE est certes un motif de soulagement ; mais si le Portugal a pu y participer, c'est parce que [l'agence de notation canadienne] DBRS a maintenu la note souveraine du pays au-dessus de la catégorie spéculative. Le sort du Portugal ne tient donc plus qu'à un fil, celui tendu par cette agence. Difficile de dire combien de temps ces rachats se poursuivront. Mais il est en tout cas trop tôt pour se réjouir.»
Les agences de notation, la lie du système
Diário de Notícias n'accorde aucune importance aux agences de notation et à leurs évaluations :
«L'excitation qu'a suscitée dans le pays la décision de S&P montre que nous n'avons tiré aucun enseignement de la grave crise financière de ces dernières années. ... Les agences de notation sont des entreprises de droit privé, financées par d'autres entreprises, banques ou Etats, auxquels elles attribuent ensuite des notes, comme à l'école. ... Ces notes dépendent de critères que personne ne connaît, mais qui sont prétendument liés à la 'viabilité des comptes' et au 'potentiel de croissance'. ... [Les agences] portent aux nues les pays qui les intéressent tandis qu'elles vouent aux gémonies ceux dont elles n'ont que faire - comme la Grèce ou le Portugal. Elles sont le rebut nauséabond d'un paradigme économique irrationnel, injuste et qui continue à faire des victimes partout dans le monde.»