Vers une coalition droite/extrême droite en Autriche
Les Autrichiens sont appelés dimanche à élire un nouveau Parlement - un an plus tôt que prévu. Le parti conservateur ÖVP est en tête des sondages avec 33 pour cent des intentions de vote, suivi par la formation d'extrême droite FPÖ (27 pour cent) et les sociaux-démocrates du SPÖ (23 pour cent). Avec l'affaire des fausses pages Facebook, la campagne électorale se transforme en véritable foire d'empoigne. Qu'en pense donc l'Europe ?
Le terrible legs des grandes coalitions...
Les traditions de l'après-guerre sont mortes et l'extrême-droite danse sur leur tombe. Telle est la description que fait de la situation politique autrichienne le portail de Deutschlandfunk, radio publique allemande :
«A l'exception des années Kreisky [chancelier de 1970 à 1983] et de la coalition droite/extrême-droite conclue avec le FPÖ de Jörg Haider sous le chancelier Wolfgang Schüssel [en 2000], la grande coalition était le modèle politique privilégié en Autriche. Elle était garante de stabilité après la Seconde Guerre mondiale. ... Mais la grande coalition divisait aussi la république alpine en zones d'influence : rouge (sociaux-démocrates) ou noir (conservateurs), tel était le choix restreint de couleurs. Une véritable invitation au clientélisme et aux accords en sous-main. C'est cela qui a favorisé l'essor du FPÖ, et qui explique son importance actuelle. ... On peut s'attendre à un véritable virage à droite. Les Verts sont divisés, les libéraux trop faibles, les sociaux-démocrates à terre. Voilà le legs de la sempiternelle grande coalition. Sa place au Cimetière central de Vienne.»
Le FPÖ marque son territoire
Kurier se demande quelle influence le FPÖ exercerait sur la politique gouvernementale s'il entrait dans la coalition :
«Le chef de file du parti, Heinz-Christian Strache, exige le ministère de l'Intérieur et la tenue de référendums réguliers, y compris sur une sortie du pays de l'UE - perspective qu'il affirme ne pas désirer personnellement. Pas étonnant que le leader de l'ÖVP, Sebastian Kurz, se soit mis récemment à parler davantage de l'Europe - c'est un signal clair envoyé à l'Europe et à notre économie. Le FPÖ est neutre sur le plan de la politique étrangère, même vis-à-vis de la Russie, qui est engagée militairement en Ukraine. Ceci suscitera des discussions au sein de l'UE. Le FPÖ réclame des allègements fiscaux, à l'instar des autres partis. Et sur la question migratoire, il n'y a plus grand-chose qui sépare encore l'ÖVP du FPÖ. La seule inconnue qui subsiste, c'est de savoir dans quelle mesure Strache saura contenir l'aile la plus radicale de son parti.»
La transparence contre les campagnes de dénigrement
Dans le sillon du débat sur les fausses pages Facebook, la tête de liste de l'ÖVP Sebastian Kurz s’est déclaré en faveur de la création d’un nouveau chef d’accusation, le "dirty campaigning". Der Standard soutient cet appel pour sévir contre les campagnes de dénigrement :
«Il fut un temps où la distribution de bonbons dans le cadre de campagnes entraînait l’intervention de tribunaux d’arbitrage. Ce n’est certes pas les bonbons qui permettaient de remporter des élections. Le 'microtargeting' ou les 'dark ads' [annonces paraissant dans les réseaux sociaux destinées à certains groupes cibles], en revanche, sont des méthodes modernes permettant d’influencer les élections de manière ciblée. Il ne s’agit pas de se chaparder quelques voix isolées, la manipulation représente véritablement un péril pour la démocratie. ... Un tribunal d’arbitrage sur Internet, assuré par des experts indépendants, pourrait contrôler le travail de la politique. ... La transparence est une garantie de fair-play – pour ne pas s’exposer à d’éventuelles sanctions.»
Recycler les recettes du FPÖ, une stratégie payante
Vu l'avance de l'ÖVP dans les sondages, on peut penser que son chef de file Sebastian Kurz a trouvé la solution pour contrer le FPÖ, commente The Financial Times :
«Kurz, président de l'ÖVP depuis mai, a donne au parti une nouvelle identité de droite. La ligne dure qu'il applique face aux migrants et à l'islam ne diverge pas vraiment de celle du FPÖ. En sollicitant la fermeture des crèches musulmanes, susceptibles selon lui de créer une 'société parallèle' en Autriche, Kurz s'est attiré les quolibets des stratèges du FPÖ, qui l'accusent de s'accaparer leur fonds idéologique. ... Si Kurz devait remporter les élections le 15 octobre, d'autres partis de centre-droit en Europe en tireraient des enseignements.»
Chronique d'une victoire annoncée
Pour Neue Zürcher Zeitung en revanche, le parti d'extrême droite a déjà gagné les législatives :
«L'imperturbable position de force du FPÖ est la conséquence directe de la grande coalition, de la prétendue absence d'alternative à celle-ci et de son 'pouvoir absolu'. ... Depuis des années, le FPÖ accule les autres partis dans l'impasse. Sous l'effet de cette pression, le gouvernement, en fin de législature, a constamment durci le droit d'asile, érigé des barricades aux frontières, choisi d'interdire le voile intégral et remis en cause la liberté de circulation des personnes dans l'UE. Autant de mesures qui suscitent un large assentiment parmi la population. Les positions du FPÖ, autrefois qualifiées d'extrémistes, sont depuis un certain temps maintenant jugées 'centristes'.»