Pologne : des chaînes indépendantes sanctionnées
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel polonais a infligé une amende près de 1,5 millions de złoty (environ 350 000 euros) à la chaîne indépendante TVN24. Il lui reproche d'avoir enfreint la déontologie médiatique dans un reportage diffusé lors de la crise au Sejm en décembre 2016, sur fond de réforme des médias. La semaine dernière, un commentateur proche du PiS avait déjà appelé à 'combattre' les médias critiques du gouvernement. Les médias polonais indépendants tirent la sonnette d'alarme.
La censure est de retour
Leszek Jażdżewski, rédacteur en chef du magazine libéral Liberté, écrit sur son blog hébergé par Polityka que les amendes sonnent le glas de la liberté de la presse :
«Nous assistons au retour de la censure politique en Pologne, pays que l'on croyait libre. Nous n'en sommes pas encore à une censure de nature préventive, mais elle peut le devenir. Dorénavant, il appartiendra à un cadre du parti de décider si telle ou telle couverture est autorisée. ... L'article 14 de la Constitution stipule, en théorie, la liberté de la presse en Pologne : 'La République de Pologne garantit à la presse ainsi qu'aux autres médias la liberté d'expression.' C'est une page tournée. »
Ne pas se laisser museler
Jarosław Kurski, rédacteur en chef de Gazeta Wyborcza, appelle les journalistes à défendre la liberté de la presse :
«A peine son offensive contre les tribunaux indépendants achevée, voilà que le gouvernment s'en prend désormais aux médias. ... A une époque où les médias soi-disant nationaux [c'est-à-dire d'Etat] et les médias proches du gouvernement fixent les normes journalistiques, des principes tout à fait normaux comme l'objectivité et l'exhaustivité sont automatiquement considérés comme un crime répréhensible par ceux qui nous gouvernent. ... Le milieu des journalistes est divisé, pour des raisons évidentes. ... Mais une chose devrait primer sur les clivages : la liberté d'opinion et des médias garantie par la Constitution. Nous devons refuser de nous laisser museler. Si nous le permettons, nous ne sommes pas dignes d'être des journalistes.»
Les médias traîtres doivent disparaître
Le gouvernement polonais doit enfin sévir contre les médias d'opposition, réclame le comédien et auteur Ryszard Makowski sur le portail wPolityce :
«Les 'fake media' sont la garantie du maintien d'une opposition totale. ... Il faut espérer que le gouvernement interviendra contre les médias dès que les réformes de la justice et du droit électoral seront prêtes. Les médias doivent certes être pluralistes, mais il est inacceptable qu'ils promeuvent tranquillement des intérêts étrangers sans vergogne aucune, sans même chercher à dissimuler ce dessein. Nous pousserons tous un ouf de soulagement quand ce conglomérat de traîtres aura disparu une bonne fois pour toutes.»
Une proposition qui plaira à Kaczyński
L'appel lancé au gouvernement polonais pourrait être entendu, redoute Gazeta Wyborcza :
«Le ministère de la culture a fait savoir que le projet de loi sur la 'repolonisation' et la déconcentration des médias privés était ficelé, mais qu'il n'y avait pas de décision politique de le soumettre au parlement (comprendre : pas d'ordre venant du président du parti Jarosław Kaczyński). Makowski appelle donc Kaczyński à 'charger le gouvernement de s'occuper des médias'. ... Autrement dit, sur un média proche du PiS, Makowski, fervent admirateur du PiS, appelle le gouvernement à régler leur compte aux médias indépendants et à l'opposition. Il appelle pour ainsi dire le PiS à faire d'une pierre deux coups et à se débarrasser de la concurrence à ce média et de sa propre concurrence. J'avoue que c'est une logique qui a tout pour plaire à Kaczyński.»