Poutine à Vienne : un rapprochement entre la Russie et l'UE ?
Pour son premier déplacement à l'étranger depuis sa réélection, le président russe Vladimir Poutine s'est rendu à Vienne. Il y a plaidé la fin des sanctions internationales. Le chancelier autrichien Sebastian Kurz a appelé de ses vœux une amélioration du dialogue entre la Russie et l'UE. L'Autriche peut-elle devenir le nouveau trait d'union entre Est et Ouest, ou se prête-t-elle à un jeu dangereux ?
L'Autriche renoue avec la diplomatie de la guerre froide
Tout comme pendant la guerre froide, Vienne fait bien d'entretenir de bonnes relations avec Moscou, lit-on dans Delo :
«Si, au lendemain de la guerre, l'Autriche a échappé au sort de l'Allemagne - la division -, elle le doit à sa neutralité. Car même si le pays a tacitement toujours été un allié de l'OTAN pendant la guerre froide, dès les années 1970, le chancelier social-démocrate Bruno Kreisky a introduit la doctrine avisée de la 'neutralité active'. Ceci a transformé son petit pays 'insignifiant' en une influente puissance diplomatique. ... Comme Sebastian Kurz aujourd'hui, Kreisky en son temps savait que seul le dialogue pouvait mettre fin aux crises internationales et empêcher une escalade des événements qui aboutisse à la violence.»
Vienne en informatrice du Kremlin ?
A jouer avec le feu, l'Autriche pourrait finir par se brûler les doigts, pointe Upsala Nya Tidning :
«Le FPÖ essaie à présent de se vanter de ses contacts internationaux et Poutine, de son côté, peut se réjouir d'être en bons termes avec un parti qui joue un rôle clé dans le gouvernement d'un pays membre de l'UE. Il est de notoriété publique que les autres membres veillent aujourd'hui à ne plus partager avec l'Autriche des informations sensibles relatives à la Russie. A en croire certains rapports, la chancelière allemande Angela Merkel a émis la crainte que le FPÖ communique des informations à Moscou. Le risque potentiel crève les yeux. Quel avantage l'Autriche peut-elle bien avoir à perdre la confiance d'autres Etats membres de l'UE ?»
Poutine se montre conciliant
Le portail d'information 444.hu ne sait comment interpréter la visite du président russe à Vienne :
«Tandis que le gouvernement russe soutient depuis des années, en leur allouant des fonds et en manipulant l'information, des mouvements qui cherchent à affaiblir voire à abolir l'UE, il a tenu à Vienne un discours différent : une UE forte est dans l'intérêt de la Russie. Quand on sait qu'il soutient depuis des années le mouvement en faveur du Brexit et les partis europhobes, soit il versait dans le cynisme, soit il voulait signaliser qu'il était prêt, moyennant la fin des sanctions, à s'abstenir dorénavant de manipuler les élections en Europe.»
Des rapports avec la Russie d'une nouvelle qualité
Izvestia, quotidien proche du Kremlin, espère que Vienne réussira à faire enfin bouger les lignes sur le dossier des sanctions de l'UE contre la Russie :
«La République d'Autriche est pour nous un partenaire spécial en ceci qu'elle illustre la justification et l'efficacité de notre approche pragmatique de coopération avec toutes les forces amies en Europe. Autrement dit, avec des pays qui partagent notre vision de l'avenir du continent, indépendamment de leur idéologie et de leur poids politique actuel. Si l'on ne pouvait pas vraiment dire jusqu'ici que les amis de la Russie déterminaient l'agenda de la politique européenne, ces derniers temps, ceux qui soutiennent un rapprochement avec notre pays en Autriche, en Bulgarie, en Italie et dans autres pays, y compris des poids lourds de l'UE, sont arrivés au pouvoir ou en passe de le faire.»
Kurz est capable de jeter des ponts
Le chancelier autrichien est devenu pour les Américains et les Russes un interlocuteur privilégié au sein de l'UE, observe le quotidien Die Welt :
«Aux yeux de Poutine et de Trump, Sebastian Kurz est capable de s'imposer sur la scène internationale, tandis que le président français est plus dilettante, comme il l'a récemment montré dans le cas de la Libye. Quant à la chancelière allemande, elle a l'air fatigué. L'occasion pour Kurz de se faufiler dans la brèche. Il peut devenir le trait d'union qui fait tant défaut à l'Europe. Non seulement en direction de Washington et de Moscou, mais également entre les Etats membres de l'UE en désaccord. Il peut surtout donner un nouveau souffle aux relations bien détériorées entre l'UE et Varsovie. ... L'Autriche assurera la présidence tournante à compter du 1er juillet ; une belle opportunité, tant pour Kurz que pour l'Union européenne.»
L'Autriche présume de ses capacités de médiatrice
Le quotidien Die Presse conseille à l'Autriche de s'inspirer du modèle de la Finlande :
«Les Finlandais ont une longue frontière commune avec la Russie, avec laquelle ils entretiennent d'étroites relations économiques ; ils doivent endurer tous les aléas des relations entre l'Ouest et la Russie. Mais personne ne peut leur reprocher d'être russophiles ou russophobes. Ils cultivent avec Moscou des relations pragmatiques, tout simplement, et le ministre finlandais des Affaires étrangères, Timo Soini, a récemment expliqué sa ligne de conduite au journal Frankfurter Allgemeine Zeitung : 'On dit la vérité telle qu'elle est, on l'assume et on ne change pas d'avis à tout bout du champ. C'est une attitude que la Russie respecte. Dans un même temps, il importe aux Russes ne de pas être ridiculisés. Ils veulent être respectés.' Vérité, franchise, stabilité, respect - l'Autriche serait bien inspirée de troquer ses formules de conciliation éculées contre ce type de diplomatie plus sobre.»