Référendum en Macédoine : les raisons d'un échec
Si le "oui" l'a emporté nettement (90 pour cent) lors du référendum consultatif en Macédoine sur le changement du nom du pays, la participation a été seulement de 36 pour cent - un résultat qui donne lieu à différentes interprétations. Alors que la commission électorale considère qu'il a échoué, le Premier ministre Zoran Zaev y voit un succès. Les éditorialistes évoquent les coulisses régionales et internationales de ce vote.
Le 'macédonisme' l'a emporté
La société macédonienne est profondément divisée, observe Naftemporiki :
«Il est clair que l'écrasante majorité des Macédoniens slaves rejette l'idée et la perspective d'un compromis avec la Grèce. Les générations de Tito et de Gruevski restent associées à l'idéologie factice du 'macédonisme'. ... La partie albanophone de la société en revanche - près de 25 pour cent de la population - se considère pour sa part comme l'alliée stratégique de l'Occident et des desseins de celui-ci dans la région. Cela montre toute l'ampleur des divisions ethniques dans le pays. ... Si rien ne change à ce niveau, l'ARYM connaîtra une période dramatique d'isolement.»
Les citoyens redoutaient une honte nationale
De l'avis du portail Webcafé, les Macédoniens ont cédé à la propagande :
«Pour les plus âgés notamment, le changement de nom représente une trahison nationale. Ils en sont intimement convaincus, ce qui n'a rien d'étonnant, quand on songe aux propos hyper nationalistes dont ils ont été abreuvés tout au long de la campagne et à la peur qu'on a cherché à leur instiller, à savoir que les autres pays des Balkans voudraient les humilier et tourner le pays en ridicule. Le [parti d'opposition] VMRO-DPMNE, les trolls sur Internet et les médias s'étaient fixé pour objectif de convaincre les gens que le référendum couvrirait le pays de honte, celui-ci étant contraint de changer de nom sans rien obtenir en contrepartie.»
Le Kremlin, nouveau semeur de troubles
La Russie avait tout intérêt à ce que le référendum échoue, explique The Times :
«Il en va ici des zones d'intérêts, des limites de l'influence de Moscou dans les pays périphériques européens et de l'attractivité des institutions occidentales. ... En recourant à l'espionnage et à la manipulation sur les réseaux sociaux, Moscou a cherché à entraver la stabilisation des Balkans. Des pages Facebook appelaient au boycott du vote, tandis que des informations erronées rappelaient les précédentes tentatives du Kremlin pour perturber les processus démocratiques. ... Si la nécessité de l'élargissement de l'UE et de l'OTAN dans les Balkans est une question qui prête à controverse à l'Ouest, une chose est néanmoins claire : la Russie a fortement intérêt à semer le chaos aux frontières de l'Europe.»
Le théâtre de l'absurde
Les déclarations du gouvernement macédonien à l'issue du référendum sont absurdes, estime le politologue Igor Pchenitchnikov dans Izvestia :
«[Le Premier ministre Zoran] Zaev a déclaré de façon pathétique que la majorité des Macédoniens étaient d'avis que 'la République de Macédoine devait accepter l'accord avec la Grèce et devenir membre de l'OTAN et de l'UE'. Il semblerait que nous assistions à une représentation du théâtre de l'absurde. Premièrement, il paraît difficile d'affirmer que le référendum est valable. Deuxièmement, on qualifie les 90 pour cent du tiers des électeurs qui sont allés voter de 'majorité', qui serait favorable à l'intégration européenne de la Macédoine. ... Les premiers bénéficiaires d'une issue 'positive' au référendum, ce sont les Etats-Unis et l'OTAN, donc les Américains. Cela fait longtemps déjà que Washington s'efforce d'adopter des positions stratégiques clés dans les Balkans occidentaux.»
Exemplaire malgré tout
En dépit de l'échec du référendum, Delo voit les choses de façon positive :
«A l'heure de la recrudescence des nationalismes en Europe et après des décennies de discussions vaines et stériles sur l'identité nationale dans les Balkans, le compromis trouvé entre la Macédoine et la Grèce pourrait servir de modèle à la résolution pacifique et concertée des conflits. Il illustrerait clairement qu'il n'y a pas de conflit insoluble pour peu que l'on fasse preuve de créativité diplomatique et de volonté politique. Les Balkans pourraient ainsi montrer aux Etats qui affectionnent de construire des murs qu'il est également possible de jeter des ponts.»
L'UE doit faire pression
Kapital évoque l'après-référendum :
«L'espoir, désormais, c'est que la pression exercée par les partenaires occidentaux de la Macédoine fasse pencher la balance du bon côté. Ceux-ci ont déjà joué un rôle clé dans la démission de l'ex-Premier ministre et chef de file du [parti d'opposition] VMRO-DPMNE, Nikola Gruevski, qui avait mené la Macédoine sur la voie de l'isolement et du nationalisme. Une théorie conspirationniste entendue actuellement voudrait que le VMRO-DPMNE 'monnaye' son soutien à la ratification de l'accord avec la Grèce contre la libération de Gruevski. Celui-ci a été condamné à deux ans de détention, et sa peine pourrait être prolongée. Quoi qu'il en soit, la lutte autour de l'accord et de l'avenir de la Macédoine ne s'achève pas avec le référendum. Au contraire, elle ne fait que commencer.»
La politique grecque se décide à Skopje
Protagon décrit le comportement électoral des Macédoniens et ses conséquences pour la politique grecque :
«Nos voisins ont voté comme tous les peuples appelés à se prononcer sur des questions délicates. ... Ils se sont laissés guider par leurs émotions. ... La question était de savoir s'ils voulaient que leur pays intègre l'OTAN et l'UE sous le nom de 'Macédoine du Nord'. Ceux qui sont allés voter ont répondu par l'affirmative. Mais la majorité des électeurs ont préféré occulter la question. ... La vie politique grecque sera désormais largement influencée par les développements à Skopje, où des ambassades étrangères s'ingèrent dans les affaires nationales. ... Tout ce qui se passera dans les prochains mois à Athènes dépendra de l'action de Zoran Zaev [Premier ministre macédonien].»