Quand la politique met la solitude à l'ordre du jour
Début 2018, le Royaume-Uni s'est doté d'un ministère de la solitude. Ce dernier vient de présenter ses premières mesures : les médecins sont dorénavant appelés à prescrire des activités sociales et les facteurs, à identifier et signaler aux services sociaux les personnes concernées. Quelles sont les causes du phénomène de la solitude et quelle en est la gravité ?
Un pays de célibataires gouverné par des jeunes
Aftonbladet appelle le gouvernement à œuvrer davantage pour lutter contre la solitude :
«La politique suédoise est dirigée par des jeunes. ... Dans le nouveau parlement, seulement six députés sur 349 ont plus de 65 ans. ... Le Royaume-Uni a nommé une ministre de la solitude. Les activités en groupe y sont prescrites sur ordonnance médicale. Dans notre pays, les libéraux embrassent les mêmes idées. On peut reprocher beaucoup de choses aux libéraux, mais ils ont au moins le mérite de compter dans leurs rangs la députée Barbro Westerholm (85 ans) qui lutte pour que les communes proposent des activités aux citoyens de tous les âges. Car le peuple suédois est celui qui souffre le plus de la solitude au monde. Quarante et un pour cent des ménages sont composés d'une seule personne. Dès qu'un gouvernement aura été mis en place, il devra comprendre qu'il est impératif de tacler le problème de la solitude. Il s'agit d'un des plus grands fléaux de notre société, qui appelle donc une stratégie idoine.»
La solitude est un cadeau
Dans The Guardian, le sociologue Frank Furedi appelle à cesser de voir dans la solitude un mal nécessitant un traitement :
«La philosophe Hannah Arendt tentait de transformer la tristesse engendrée par la solitude en une force positive par le biais d'un dialogue intérieur. C'est une façon de composer avec notre aliénation par rapport à nous-mêmes. D'autres, comme l'auteur Maya Angelou, ont trouvé refuge dans la musique. ... D'autres encore, comme la féministe existentialiste Simone de Beauvoir, ont accepté la solitude et cherché à tirer parti de sa force créatrice. Ce qu'elles ont toutes compris, c'est que nous pouvons vivre dans la solitude pour peu que nous parvenions à saisir ce qu'elle a de précieux. Rechercher le sens profond des choses au lieu d'essayer d'en guérir nous aiderait davantage à faire face aux problèmes de l'existence.»
Rien ne peut remplacer les contacts personnels
Dans TheJournal.ie, le médecin Keith Swanick fait valoir que paradoxalement, les médias sociaux ne permettent pas de remédier au problème de la solitude :
«Les contacts personnels et l'interaction humaine ne peuvent pas être remplacés par la seule technologie. Nous sommes inondés de possibilités de communiquer via Facebook, FaceTime, Skype et Snapchat. Et pourtant, les gens n'ont jamais été aussi isolés. Les psychologues nous confirment que beaucoup de jeunes entourés par un réseau virtuel incroyablement vaste peuvent souffrir d'une incroyable solitude. Une des causes en est l'absence de contacts personnels et humains porteurs de sens.»
L'absence de liens émotionnels
Dans Focus, le rédacteur en chef de la revue Yevhen Hordejchik défend la thèse selon laquelle les gens ont aujourd'hui tendance à vivre dans une bulle :
«Le monde s'avère être déchiré, au sens propre du terme. Déchiré en morceaux qui ne s'emboîtent pas, même s'agissant de proches. La révolution industrielle, qui a rendu l'électroménager accessible à une grande majorité, a ouvert à l'individu des plages de liberté, l'affranchissant des problèmes du quotidien. La révolution publicitaire actuelle [publicité personnalisée] permettant à chacun de trouver le sens de sa vie dans les objets, on ne recherche plus à tisser un lien émotionnel avec son environnement. La solitude est en train de devenir, avec le changement climatique, le vieillissement de la population et la surpopulation, l'un des problèmes majeurs de nos sociétés à moyen terme.»