Cinq ans après Maïdan, quel bilan ?
Le 21 novembre 2013, peu avant la signature de l'accord d'association avec l'UE, le gouvernement ukrainien s'était subitement rétracté. La mobilisation spontanée contre ce geste avait entraîné la chute du président Viktor Ianoukovitch et, ultérieurement, l'annexion de la Crimée par la Russie. Aujourd'hui encore, Maïdan pèse sur les relations entre la Russie et l'Ouest. La rétrospective de médias ukrainiens et russes.
Le soulèvement n'a pas apporté d'améliorations
Dans Fokus, le journaliste Youri Volodarsky se rappelle les revendications du mouvement de Maïdan :
«Il réclamait des médicaments pour les hôpitaux, des tribunaux intègres, des routes en bon état, des fonctionnaires incorruptibles, l'abolition de la pratique du racket par les policiers et procureurs. En bref : pour le bien et contre le mal. Cinq ans après l'Euromaïdan, nous avons la triste certitude qu'aucun de ces objectifs n'a été atteint. Personne n'est assez dupe pour croire que suite à la fuite de Viktor Ianoukovitch et la signature de l'accord d'association avec l'Union européenne, des mannes financières seraient déversées sur notre pays. Tout le monde sait qu'il faudra des années avant que la qualité de vie ne s'améliore de façon notable. Mais cinq années se sont écoulées déjà et la situation n'a pas changé pour le mieux. Mais le plus triste dans cette histoire, c'est que les tendances actuelles de notre politique intérieure ne laissent entrevoir absolument aucune amélioration à l'horizon.»
La société civile finira par gagner
Dans son blog hébergé par Ukraïnskaïa Pravda, Olga Bogomolets, urgentiste bénévole place Maïdan et actuelle députée, croit savoir que le dernier chapitre du soulèvement de 2013 n'est pas encore écrit :
«A première vue, nous avons raté tout ce que l'on pouvait rater : les oligarques sont de nouveau au pouvoir, les Ukrainiens sont nombreux à quitter le pays, où que l'on regarde, on ne constate que dépression et pessimisme. Mais l'histoire n'est pourtant pas finie, les séquelles continuent de se faire sentir. ... Nous ne serons plus jamais ceux que nous étions avant 2013, et nous ne pouvons pas revenir en arrière. La société civile prendra des forces, gagnera en importance et au moment où la masse critique de militants honnêtes sera majoritaire et capable de détrôner les oligarques, nous remporterons définitivement la victoire.»
Crimée et Donbass, des pertes négligeables
Republic croit savoir que la perte de l'intégrité territoriale du pays est loin d'être la pire conséquence du mouvement Maïdan pour l'Ukraine, faisant valoir qu'elle profite à certains :
«La radicalisation des manifestations de la place de Maïdan a provoqué dans les parties russophones du pays une vague de peur face au nationalisme ukrainien, notamment en Crimée et dans le Donbass. Et la partie de poker menée par les responsables politiques ukrainiens, jouant sur les contradictions entre les régions, a empêché l'élaboration d'un programme révolutionnaire pan-national et a facilité l'immixtion du Kremlin dans les affaires intérieures de l'Ukraine. ... Ceci dit, en dépit de sa rhétorique belliqueuse, la perte de régions anciennement déloyales est souvent un soulagement pour l'élite ukrainienne, car sans les électeurs de la Crimée et du Donbass, les députés pro-Maïdan obtiennent plus facilement une majorité au Parlement.»
Des pseudo-réformes
Ni la révolution orange de 2004 ni le mouvement Maïdan de 2013 n'ont apporté de véritable changement, constate Den :
«Si le personnel politique s'en trouve renouvelé, on ne peut pas en dire autant du système. Notre journal a toujours appelé à des changements qualitatifs - avant, pendant et après les révolutions. Tout au long des évènements survenus il y a cinq ans, par exemple, plusieurs tables rondes avaient été organisées au sein de la rédaction avec des militants, dont plusieurs sont devenus députés par la suite. Ces discussions tournaient autour de la nécessité de faire émerger une véritable force politique, qui soit à même de défendre les intérêts de Maïdan et d'obtenir de vraies réformes. Mais cela n'a pas été le cas. Les anciens ont phagocyté les nouveaux. Résultat : les projets ont pris le pas sur le parti, les intérêts personnels sur la politique réelle, et les imitations sur les réformes.»
Seuls les gens qui vivent sur le front souffrent vraiment
Dans KP, l'historien Youri Toptchi défend la thèse selon laquelle la majorité des Ukrainiens se complaît dans le statu quo :
«Regardez la réalité en face : tout le monde est satisfait de la situation actuelle, personne ne veut que la paix revienne en Ukraine. La guerre vous empêche-t-elle de travailler, de vivre, de discuter librement, de vous déplacer à votre guise et de forger des projets d'avenir ici à Kiev ? Non. Peut-on en dire de même pour le reste du pays ? Ceux qui ont pris les armes vivent la guerre à plein, c'est le sens de leur vie. Les seuls qui souffrent véritablement dans cette histoire sont les habitants du front. Tous les autres sont dans une zone de confort. Aujourd'hui, l'Ukraine est à la croisée des chemins. Nous affirmons protéger le monde entier de la Russie - et à ce jour, personne ne souhaite que les choses prennent un autre cours.»