Vers une rupture entre le Fidesz et le PPE ?
Tout semble indiquer qu'il y aura bel et bien un divorce entre le Parti populaire européen (PPE) et le Fidesz de Viktor Orbán. Le Premier ministre hongrois refuse de s'excuser pour ses propos europhobes et sa campagne d'affichage hostile à Bruxelles, comme le président du groupe Manfred Weber l'avait pourtant exhorté à le faire. Les publicistes hongrois débattent de la question.
Le Fidesz doit quitter le PPE
Au lieu de faire des concessions au PPE, le Fidesz ferait mieux de changer de camp, fait valoir le quotidien progouvernemental Magyar Nemzet :
«Le PPE a choisi le camp des socialistes et des libéraux et il entend satisfaire leurs revendications. La seule issue qui reste au Fidesz est donc de trouver de nouveaux alliés. Viktor Orbán et le Fidesz devraient quitter le PPE et s'allier à Matteo Salvini, au FPÖ autrichien et au PiS polonais ! C'est dans l'intérêt de l'Europe et des Hongrois. Il n'y a aucune raison de continuer à attendre ; il faut même éviter à tout prix d'attendre davantage. C'est la seule façon d'être à l'avant-garde de la lutte contre l'immigration et de protéger l'Europe des nations, ainsi que la Hongrie. Le Premier ministre hongrois devra être à la pointe de ce combat. C'est la conséquence logique de tout ce qu'il a défendu jusque-là.»
Attendre d'abord les élections
Le Fidesz ferait mieux d'attendre l'issue des européennes pour quitter le PPE, préconise le portail conservateur Mandiner :
«La politique de Matteo Salvini, Jarosław Kaczyński et Heinz-Christian Strache est-elle plus proche de celle de Viktor Orbán que de celle d'Angela Merkel ? Oui, clairement. Ce qui a préservé le gouvernement hongrois d'attaques encore plus virulentes jusqu'ici, c'est précisément son adhésion au PPE, et le fait qu'il y était en position de force. Il peut parfois être judicieux de faire sauter un statu quo qui n'a plus aucun sens. Mais vaut-il vraiment la peine de prendre la responsabilité d'une décision aussi grave juste avant des élections européennes ? On ignore quel sera le résultat obtenu par le PPE, ni celui de la nouvelle extrême droite.»
Manfred Weber dans de beaux draps
La CDU et la CSU joueront un rôle fondamental dans la décision du PPE, souligne Politis :
«Les deux partis avaient jusqu'à maintenant tenté de préserver les canaux de communication avec Viktor Orbàn et d'éviter une collision frontale avec lui. ... Le tête de liste du PPE, Manfred Weber, se trouve dans une situation particulièrement délicate. En effet, la perspective d'une exclusion du Fidesz pourrait modifier la composition du prochain Parlement européen à son désavantage, car un départ du PPE lui coûterait des sièges.»
Le sort du Fidesz entre les mains de la Pologne
La potentielle exclusion du Fidesz dépendra aussi en grande partie de la position des partis polonais, analyse le portail Azonnali :
«Si le Fidesz et la Plate-forme civique (PO) sont tous deux membres du PPE, cela ne veut pas dire pour autant que les liens entre les deux formations soient étroits. Depuis longtemps déjà, le véritable allié de Viktor Orbán en Pologne est Droit et justice (PiS), le parti national-conservateur au pouvoir, affilié à l'Alliance des conservateurs et réformateurs européens (ACRE). A l'instar du Fidesz, le PiS a mené ces dernières années toute une série de réformes illibérales.»
En Suède, la double-morale des Modérés ?
Tandis que le PPE tente d'exclure le Fidez, le Parti modéré de rassemblement (Suède, centre-droit) refuse de prendre les distances qui s'imposent avec le parti d'extrême droite Démocrates de Suède (SD), relève Aftonbladet :
«Le chef de file des Modérés, Ulf Kristersson, a fait savoir hier dans une interview qu'il n'excluait pas de prendre le pouvoir avec SD. ... On ignore encore si le Fidesz sera exclu du groupe PPE. Dans ce cas de figure, la formation hongroise s'affiliera vraisemblablement au groupe parlementaire dont fait partie SD. Cela signifie, en d'autres termes, que les Modérés rompent avec Viktor Orbán car celui-ci 'bafoue les principes de la démocratie et de l'Etat de droit', alors que dans le même temps, ils cherchent à former un gouvernement avec le pendant suédois du Fidesz hongrois.»
Orbán pourrait mieux s'en sortir que le PPE
Viktor Orbán, qui a lancé en Hongrie une campagne d'affichage visant à dénigrer Jean-Claude Juncker et George Soros, cherche à provoquer délibérément, estime Le Soir :
«Sa dernière 'provocation' pointée par les dirigeants du PPE semble bien être une initiative délibérée du dirigeant hongrois destinée à enclencher son ostracisme par la première famille politique européenne. Ce qui lui permettra de jouer encore mieux les victimes devant son opinion publique. … Une fois dehors, ce dernier jouera ouvertement le rôle auquel il aspire, en rejoignant et dominant le groupement politique ECR autrefois eurosceptique et qui accueillera sans doute bientôt la Ligue de Salvini, pour devenir une force souverainiste et xénophobe, mais composée de partis de gouvernement (dont la N-VA en Belgique). Quant au PPE, Il faut espérer au passage, pour son bien comme celui de l'Europe, qu'il n'a pas définitivement perdu son âme dans l'aventure.»
Aussi lamentable que ridicule
Il est déplorable que le PPE n'ait pas plus tôt jugé utile de sévir contre le Fidesz, lit-on sur le portail en ligne de gauche Mérce :
«On peut écrire que le parti populaire européen a désormais mis Orbán à genoux, ou que jusqu'ici, Orbán a su dribbler assez habilement pour esquiver les critiques du parti populaire. Mais en vérité, rien de tout cela n'a d'importance. Car le moment choisi par le parti populaire pour s'agacer des affiches hongroises et franchir le pas vers la rupture est aussi lamentable que ridicule. Ce qui dérange le parti populaire européen, ce n'est pas le fait que ces affiches attisent la haine, mais le fait qu'une des figures de proue du PPE y soit représentée : le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Voilà la goutte qui a fait déborder le vase.»
Le dilemme du PPE
Pravda explique pourquoi le PPE a si longtemps hésité à éjecter le Fidesz de son groupe :
«Le PPE est pris en étau. S'il constitue actuellement le groupe le plus fort au Parlement européen, avec 218 députés, il n'a cessé de s'affaiblir aux trois dernières élections, ce qui le place devant un grand dilemme. Il y a d'un côté les valeurs qu'il incarne. Mais de l'autre, la crainte qu'après une exclusion du Fidesz, il puisse perdre douze voix au Parlement, sachant que toute voix peut être décisive. Mais il se peut qu'en parlant d'idiots utiles, Orbán ait facilité la prise de décision.»
Préserver le Parlement européen du clivage Est-Ouest
Expressen évoque les dangers inhérents à une exclusion :
«Si le parti du Fidesz rejoignait le camp de la Lega italienne et du PiS polonais, le risque que les nationalistes et les populistes de droite bloquent d'importantes réformes au Parlement européen s'en trouverait accru. Dans une union à 28 Etats membres, on ne peut pas faire la fine bouche et dire que l'on ne travaille qu'avec des libéraux. Reste à savoir jusqu'où les groupes peuvent pousser leurs exigences de 'pureté'. ... S'ils excluent trop de partis, les groupes risquent de perdre ce ciment qui fait leur force. La division entre les pays de l'Est et les pays de l'Ouest se devine déjà - un clivage qui ne s'estomperait pas si les partis du Parlement européen reprenaient les mêmes conflits.»
L'Europe occidentale devrait balayer devant sa porte
Il est dépassé de mettre à l'index l'Europe de l'Est, estime The Times :
«Si les personnalités autoritaires, les escrocs et les populistes ont le vent en poupe, c'est moins parce que leur message porte qu'en raison de la faiblesse d'oppositions modérées. Mais la leçon générale que l'on retient est que le vieux clivage est-ouest en Europe perd de sa pertinence. L'Italie nous fournit l'exemple d'une démocratie véritablement en danger. Il a récemment été révélé que la Ligue, le parti du vice-Premier-ministre Matteo Salvini, avait reçu des financements directs de Moscou. C'est en vain que l'on chercherait dans la partie ex-communiste du continent un équivalent aux belliqueux gilets jaunes français. Les états d'âme de la Grande-Bretagne à l'endroit de l'Europe laissent les Européens de l'Est tout autant perplexes. Beaucoup de pays ont des frictions avec Bruxelles, mais personne ne réagit comme nous l'avons fait.»
Juncker pousse le bouchon trop loin
Der Standard pointe le danger inhérent à la demande de Jean-Claude Juncker :
«Le chrétien-démocrate appelle sa famille politique, le PPE, à exclure le parti d'Orbán. Ceci suscitera peut-être chez certains la compréhension, voire la sympathie. Or il se trouve que Juncker a en l'occurrence le rôle de président de la Commission, et non de politique d'un parti. Il devrait être au-dessus des partis au lieu de se lancer dans des campagnes électorales. Ceci ne fait qu'affaiblir la Commission, qui doit observer l'indépendance. Si Juncker estime qu'Orbán et consorts enfreignent la charte de l'UE, il pourrait tout de suite enclencher une procédure. Or pour le PPE, une exclusion d'Orbán serait stratégiquement périlleuse. Si l'on en croit les sondages, le groupe essuiera de lourdes pertes en mai - de même que les sociaux-démocrates. Le Fidesz rejoindrait le groupe de la droite radicale au Parlement européen, à qui ce renfort donnerait des ailes.»
L'ostracisme vaut mieux que l'exclusion
Exclure le Fidesz du groupe européen des conservateurs PPE ne servirait à rien, fait valoir Zeit Online :
«On aurait tort de donner à Orbán la possibilité de se poser en grand martyr de l'Europe entière. ... Si l'on veut le combattre, il existe une panoplie d'autres possibilités. L'Union européenne, le PPE, les Etats membres de l'Union : tous peuvent, chacun à un niveau différent, porter un coup à Orbán. On peut lui fermer le robinet des finances, lui refuser des grandes tribunes, on peut aussi le court-circuiter pour s'adresser directement aux Hongrois : il est donc possible d'ostraciser cet homme, discrètement mais efficacement.»
Avec le Fidesz, pas de dialogue possible
Le PPE se cause du tort à lui-même et nuit au parlementarisme européen en maintenant le Fidesz en son sein, pointe Sega :
«Au début, il était difficile de reconnaître qu'Orbán était par nature un nazi. Les traits d'un dictateur étaient pourtant déjà incontestables. Mais le PPE n'y avait vu qu'une humeur passagère, rien qui ne risque de renvoyer l'UE aux débuts du XXe siècle. Livré à lui-même sans surveillance et sans contrôle, Orbán a continué de faire des siennes. Et pourtant, on trouve encore dans les rangs du PPE des politiques qui croient qu'il vaudrait mieux que le Fidesz d'Orbán reste dans le PPE, pour ne pas rompre le dialogue. ... Le problème, c'est que ce dialogue n'a jamais existé.»
Les conservateurs allemands disent stop
Il y a fort à parier que le chef du gouvernement hongrois ne s'attendait pas à ce rejet de la part de la CDU/CSU, écrit Gazeta Wyborcza :
«Orbán aura probablement été choqué. Il était lié à Angela Merkel par une amitié soumise à rude épreuve. Le Premier ministre hongrois avait été impitoyable dans sa critique de la chancelière pour sa décision, en septembre 2015, d'accueillir tous les réfugiés se trouvant sur la route des Balkans. Selon Orbán, Merkel a apporté une catastrophe en Europe. Dans les faits, Merkel a sauvé la Hongrie d'une catastrophe humanitaire. ... Merkel encaissait les attaques d'Orbán avec un calme stoïque. Elle avait continué de le rencontrer très souvent par la suite.»
Des tendances paranoïaques
Le gouvernement Orbán voit des ennemis partout, explique Népszava :
«Tous ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous, ou plus précisément contre le pays. C'est le message véhiculé par une campagne permanente et sans fin. Les remontrances et les critiques venant de l'étranger, comme celles de Juncker, sont perçues comme autant de conjurations mondiales hostiles à la Hongrie, bien évidemment orchestrées par le malveillant George Soros, cela va sans dire. Tout soupçon de corruption à l'endroit du gouvernement exprimé par les médias est également aussitôt ramené à ce grand complot. Il va de soi, cependant, que ce gouvernement ne fait que se défendre, dans l'intérêt supérieur du pays. Sa campagne d'information permanente obéit à cette logique. Etalée sur des affiches grand format, à la télévision et dans les médias - de plus en plus nombreux - fidèles au gouvernement.»