Pourquoi le PPE n'a-t-il pas exclu le Fidesz ?
Le Parti populaire européen (PPE) a renoncé à exclure le Fidesz du Premier ministre hongrois Viktor Orbán. Une commission d'experts a été chargée de décider si le parti est conforme aux valeurs du PPE. Si Orbán a accepté la suspension, il n'a toutefois pas exclu formellement de quitter la famille conservatrice européenne ultérieurement. Les chroniqueurs s'interrogent sur les motivations de la décision du PPE.
Une trêve avant les élections
Manfred Weber n'a pas osé faire une croix sur les futurs mandats du Fidesz, analyse Péter Petö, rédacteur en chef adjoint du portail 24.hu :
«Il pourrait en effet avoir besoin d'eux s'il veut devenir président de la Commission. ... Si le débat a été présenté comme une discussion de fond sur les valeurs, ce froid compromis montre que seules les considérations tactiques ont joué un rôle quelconque. Ce nouveau 'conseil des sages' mérite de jouer les premiers rôles dans un vaudeville. Le PPE préfère laisser tomber les eurodéputés soucieux des valeurs européennes car il attache plus d'importance qu'on ne le pensait aux mandats du Fidesz et au calme nécessaire à la période électorale.»
Orbán a tout le temps du monde
La décision ne devrait pas troubler Orbán outre mesure, assure Dnevnik :
«Les rapports de force évoluent au sein du PPE ; la CDU gagne en importance en raison du cap plus conservateur impulsé par Annegret Kramp-Karrenbauer. Orbán continuera donc de s'y sentir comme un poisson dans l'eau, malgré sa suspension. Il attend en effet avec optimisme la période consécutive aux européennes, lorsque le PPE devra décider de l'orientation politique à adopter - au centre, ou à droite, dans le sens des populistes. Le PPE n'a pas réinventé ses valeurs chrétiennes ; il a reporté un éventuel renouvellement à la période post-électorale.»
Il ne sert à rien de rompre les attaches
Un bon compromis, juge Tages-Anzeiger :
«Car en Europe, chaque pays a son propre Orbán. Les sociaux-démocrates ont par exemple un gros problème avec leurs camarades roumains, qui s'enrichissent frauduleusement et qui, de manière similaire au dirigeant hongrois, démantèlent l'Etat de droit. Dans pareille situation, exclure et rompre les attaches, ne sert à rien - au contraire. L'Europe est traversée par une fracture Est-Ouest. ... Mais il existe aussi dans presque chaque pays une polarisation qui va finir par déchirer les sociétés. Il faut se confronter aux politiques comme Orbán, en les mettant notamment face à leurs propres contradictions.»
Les eurosceptiques à l'affût
Cette affaire a révélé la faiblesse du PPE, estime Rzeczpospolita :
«Le Fidesz a seulement été suspendu, et non exclu, du PPE. Manfred Weber, le président du groupe qui reste malgré tout le plus important au Parlement européen, a indiqué qu'il observait scrupuleusement les 'valeurs européennes'. Ce qu'il ne dit pas, c'est qu'il ne le fait que lorsque cela ne nuit pas à son combat pour obtenir la présidence de la Commission. Or ce combat pourrait s'avérer inutile si le Fidesz rejoignait les eurosceptiques du groupe Conservateurs et réformistes européens (CRE), formation à laquelle appartiennent le PiS polonais et les Tories britanniques. Même sans le Fidesz, le CRE est susceptible de devenir la deuxième force au Parlement, voire la première formation d'Europe.»