L'Italie, tête de pont de la Chine en Europe ?
L'Italie est le premier Etat du G7 à avoir signifié son intention de participer au projet chinois des 'nouvelles routes de la soie'. Les deux parties ont signé samedi à Rome une déclaration d'intention dans ce sens. Une initiative critiquée, notamment par la France et l'Allemagne. Face à ces réprobations, les éditorialistes prennent la défense de l'Italie.
L'hypocrisie des critiques de Merkel et Macron
Paris et Berlin feraient mieux de balayer devant leur propre porte avant de critiquer la coopération entre la Chine et l'Italie, gronde Gianfranco Marcelli, rédacteur en chef adjoint d'Avvenire :
«Il est étonnant de voir que le président français, qui avait doublé sur le fil tous ses collègues européens l'année dernière et était revenu de Pékin avec une vingtaine de contrats juteux en poche, se permette aujourd'hui de formuler des critiques. ... Tout aussi surprenant, le fait que la chancelière se montre si inquiète de l'initiative italienne, alors que la Chine est le premier partenaire commercial de l'Allemagne. ... Les appels visant à renforcer le réseau européen de solidarité sont louables malgré tout. A condition que la France et l'Allemagne ne dérogent pas à la règle.»
Une méfiance qui n'a pas lieu d'être
Le quotidien d'Etat paraissant à Pékin China Daily appelle à dédiaboliser les nouvelles routes de la soie initiées par la Chine :
«La Belt and road initiative (BRI) n'est pas une offensive économique, comme ont pu le dire un certain nombre de pays industrialisés. Elle vise une situation gagnant-gagnant pour tous les intervenants. Elle pourrait contribuer à jeter des ponts pour surmonter le dénivelé existant entre les pays développés et les pays en développement. Elle apporte en outre un antidote à l'unilatéralisme et au protectionnisme commercial qui prévalent dans le monde. ... En améliorant la connectivité entre les pays en vue d'une coopération économique, on augmentera les chances de l'économie mondiale de prendre de la vitesse. Ce qui contribuera, espérons-le, à freiner la poussée populiste et les autres formes d'extrémisme. Si seulement davantage de grands pays développés y participaient, ce serait très salutaire à l'économie mondiale. Mais ils doivent bien sûr commencer par remiser leur méfiance quant à l'initiative.»
L'Europe ne doit pas se brader
Pour NRC Handelsblad, l'initiative italienne est dangereuse :
«La Chine montre combien il est compliqué pour les pays de l'UE d'accorder leurs violons, y compris face à un défi extérieur qui les touche en tant que communauté. ... Si le projet des 'nouvelles routes de la soie' est controversé, c'est notamment parce qu'il augmente la dépendance vis-à-vis de la Chine. Cela n'aura pas été la dernière fois que les sirènes des investissements chinois entrent en conflit avec la vigilance qui s'impose face à un pays aux antipodes de l'Europe politiquement. L'Europe doit se garder de se livrer à une puissance qui fait peu de cas de l'économie de marché et de la démocratie - et encore moins des droits de l'homme.»
Mission 'China first'
Le gouvernement italien se laisse berner par la Chine, lit-on dans Die Presse :
«Xi Jinping s'emploie actuellement à amadouer ses 'chers amis italiens', auxquels il propose coopérations et investissements dans maints domaines, des ports maritimes aux télécommunications. Il s'efforce de dissiper les doutes suscités par les nouvelles routes de la soie, le projet dont il fait la promotion dans son actuelle tournée en Europe. Or cette initiative vise en tout premier lieu à soutenir l'économie chinoise et à élargir l'influence chinoise dans le monde. Le président chinois n'a jamais caché qu'à l'instar de l'actuel président américain et son 'America first', il agissait selon la devise 'China first'.»
Rome ne pourra pas court-circuiter l'UE
Xi Jinping doit rencontrer Emmanuel Macron, Angela Merkel et Jean-Claude Juncker mardi à Nice, où se dérouleront les véritables négociations, écrit Andrea Bonanni, correspondant de La Repubblica à Bruxelles :
«Le président chinois peut se rendre à Rome à l'envi pour y signer des memorandums et des contrats. ... Il peut promettre des affaires et des financements plus flexibles, ainsi que des millions de touristes chinois. ... Mais s'il veut parler avec l'Europe de questions de poids, chères aux yeux des grandes puissances du continent, alors il devra d'abord se tourner vers la France. ... L'Europe, la vraie Europe, l'Europe qui compte et dont il faut tenir compte, ne commence pas à Rome, mais de l'autre côté des Alpes.»
Plus de fermeté ne ferait pas de mal à l'UE
La Commission européenne a élaboré un plan en dix points dans le but de défendre ses intérêts face à Pékin. C'est l'amorce d'un front commun, se réjouit la Croix :
«Heureusement, les Européens prennent conscience de la menace. Ils modifient leur attitude dans le sens d'une plus grande fermeté. Le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement à Bruxelles devait examiner une communication de la Commission sur la Chine insistant sur le principe de réciprocité. Les pays de l'Union devront davantage se protéger de pratiques déloyales, inéquitables et opaques et d'une politique de prêts qui peut rapidement conduire à des pertes de souveraineté. Et de fait, tant qu'à s'entraider, autant que ce soit entre Européens.»