Les thèses de Benoît XVI sèment la discorde
Dans une lettre publiée dans une revue du clergé allemande, le pape émérite Benoît XVI a rejeté sur Mai 1968 et sur les cours d'éducation sexuelle à l'école publique la responsabilité de la pédophilie. C'est pourtant sous son ministère qu'avait été dévoilée toute l'étendue des abus sexuels perpétrés par des prêtres sur des enfants. Pourquoi avoir tant attendu avant de prendre position ?
Qui a le monopole de l'interprétation ?
Deutschlandfunk détaille les répercussions des déclarations publiques de Ratzinger, pourtant en retraite :
«N'avait-il pas renoncé à son sacerdoce ? N'avait-il pas formé le vœu de se retirer dans la prière et le silence ? C'est du moins ce qu'il avait promis. Or pour quelqu'un qui affirme être cloîtré dans le silence de son monastère romain, il prend quand même souvent position. Les détracteurs du pape François attendent avidement ces signes de vie car à leurs yeux, leur pape est encore en fonction ; il n'est pour eux plus le pape émérite, mais le pape éternel. ... Le pape émérite accomplit le miracle de respecter son serment de silence en s'exprimant par écrit : il se tient coi s'agissant de ce qu'il a fait et qu'il a omis de faire en tant que Joseph Ratzinger, archevêque de Munich et de Freising, en tant que Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, en tant que pape. ... Mais c'est ce genre de textes qui font la politique ecclésiastique. Sa parole fait acte d'autorité, assenée dans une joute pour interpréter les faits où les victimes de violence sexualisée n'ont aucune espèce d'importance.»
Du renfort pour les adversaires du pape François
Les choses se corsent au Vatican, pense Domenico Agasso Jr., responsable de la page Vatican Insider à La Stampa :
«Jusqu'à présent, l'équilibre avait été préservé grâce aux relations affectueuses qu'entretenaient les deux papes, et à la prudence du pape émérite. Mais à présent, la coexistence de deux papes pèse sur le Saint-Siège. ... Circonstance aggravante, il s'agit d'un sujet central pour le pontificat du pape François et pour l'Église dans son ensemble. L'accusation est explicite : le Pape émérite intervient avec un texte qui peut représenter 'une ligne pastorale et théologique parallèle à celle du Pape', qui se prête donc à être exploitée comme une arme par les adversaires de François.»
Un tissu de contradictions
Večernji list juge tout bonnement absurdes les accusations portées par l'ancien pape :
«Ratzinger défend la thèse selon laquelle l'homosexualité serait responsable de la pédophilie au sein de l'Eglise et qu'elle aurait amené les croyants à perdre la foi. Bien évidemment, c'est faux, de même qu'il est faux de dire que c'est la révolution de 1968 qui avait revendiqué la légalisation de la pédophilie. ... En effet, dans une lettre aux catholiques irlandais, nul autre que Ratzinger avait rappelé que le congrès des évêques espagnols qui s'était tenu à Elvira en 306 avait condamné la pédophilie, et refusé la communion à ceux qui s'en étaient rendus coupables. On en conclut que la pédophilie existait donc avant 1968, ce dont Ratzinger a évidemment conscience. En tout état de cause, les adversaires du pape François sauront retourner ce texte contre lui.»