Orbán et Salvini se donnent l'accolade sur fond de clôture frontalière
Le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, a appelé le PPE à rejoindre l'Alliance européenne des peuples et des nations envisagée par le ministre de l'Intérieur italien, Matteo Salvini. A la frontière hérissée de fils barbelés qui sépare la Hongrie et la Serbie, ils ont souligné de manière emphatique les convergences de leurs politiques migratoires. Quelle signification faut-il accorder à cette rencontre ?
Les conservateurs doivent être sur leur garde
Dans La Repubblica, le chroniqueur Gad Lerner évoque une tactique d'intimidation :
«Les fils barbelés et les navires de sauvetage confisqués par le ministre de l'Intérieur italien sont autant de preuves de la poigne des dirigeants extrémistes ; ils les brandissent tels des trophées pour forcer l'admiration et l'assentiment de la population, mais aussi pour intimider les partis conservateurs modérés au sein de l'UE. Orbán accuse le PPE de se suicider en voulant préparer une nouvelle alliance avec les socialistes. Il porte aux nues Salvini dans l'optique d'obliger le PPE à s'engager dans une voie alternative : la coopération avec l'extrême droite européenne. ... On l'oublie trop facilement : l'histoire nous enseigne que c'est toujours l'extrême droite qui avale les modérés quand ceux-ci s'imaginent pouvoir récupérer leurs thèmes pour les contenir.»
Le péril intérieur
Une alliance entre Orbán et Salvini constituerait un grand danger pour l'UE, met en garde Der Tagesspiegel :
«Car à la différence des pro-Brexit britanniques, ils ne veulent pas sortir de l'Union avec leur pays, mais la miner du dedans. Qu'ils s'affichent ensemble est problématique en ceci que le public s'y habitue, augmentant du même coup le risque que leur politique xénophobe fustigeant une bureaucratie bruxelloise qu'ils disent pléthorique devienne un jour la norme au sein du PPE, la famille des partis conservateurs européens.»
Un agenda à imposer
Salvini et Orbán militent pour une Europe nouvelle dont ils ne précisent toutefois nullement les contours, observe Tages-Anzeiger :
«Pour 'l'internationale des nationalistes' de Salvini, une alliance constituée de partis d'extrême droite, Orbán représente une tête de pont pour parvenir au pouvoir. Car en dépit de sa suspension, le Fidesz d'Orbán fait toujours partie du groupe conservateur au Parlement européen (PPE). Et si certains pans du PPE, en dépit des démentis apportés jusque-là, se montraient disposés après le scrutin à conclure une alliance avec les populistes de droite, alors cette 'amicizia bellissima' pourrait subitement devenir fondamentale dans la vie politique du continent. Si Salvini et Orbán n'ont pas d'idées communes pour créer une Europe nouvelle, ils imposent leur agenda à la vieille Europe : un isolement terrestre, maritime et mental.»
Le roi du selfie comme un poisson dans l'eau
444 s'amuse de la mise en scène opérée par un Matteo Salvini qui connaît toutes les ficelles de la communication :
«Lors de sa visite en Hongrie jeudi, il a montré ce qui avait fait de lui l'un des grands de la politique des influenceurs. Il a tiré tout le parti de sa courte visite pour en faire un véritable film d'action en condensé pour ses comptes sur les réseaux sociaux. A peine son avion avait-il atterri qu'il a sauté dans l'hélicoptère qui devait l'amener à la frontière méridionale du pays, lui et son homologue hongrois Sándor Pintér. Viktor Orbán les y attendait, pour que puissent être pris les clichés qui devaient indéniablement devenir les plus précieux de cette visite : les photos des deux hommes avec la clôture, qui seront une manne pour produire des tonnes de mèmes, de campagnes, de remix et de vidéos youtube. Un symbole des derniers défenseurs de l'Europe.»