Le triste mois de May
La Première ministre britannique, Theresa May, a démissionné de son poste de chef de file du Parti conservateur. Ses jours en tant que chef du gouvernement sont donc vraisemblablement comptés. Une fois de plus, son accord sur le Brexit n'avait pas recueilli de majorité. Aux européennes, les Tories ont obtenu un score médiocre. Quelle est la responsabilité de May dans cet échec ?
Un robot défectueux
May ne mérite aucune compassion, commente, Annette Dittert, correspondante à Londres de tagesschau.de :
«Elle était certes confrontée à une tâche quasi insoluble dès le départ. Mais la façon choisie par May pour l'aborder n'a fait qu'envenimer la situation du pays. Depuis l'échec retentissant de son accord au mois de décembre, son obstination n'a été qu'une perte de temps, avec un leadership dénué de vision et d'orientation. ... Des périodes comme celles-ci nécessitent des leaders politiques possédant le charisme et la force de persuasion susceptibles d'unir le pays. Or May n'a fait que répéter son sempiternel mantra, tel un robot défectueux, jusqu'à ce que son parti finisse par appuyer sur le bouton 'off'.»
May n'a fait que son travail
Keskisuomalainen fait valoir que May aurait gagné à faire preuve de davantage d'humanité :
«Si May n'a pas réussi à entériner la sortie de son pays de l'UE, elle n'est sûrement pas la seule responsable. ... May n'a pas choisi de devenir la Première ministre chargée de la mise en œuvre du Brexit. Elle a essayé de mener à bien sa mission avec une persévérance frôlant parfois l'entêtement. Dans son discours qui s'est terminé sur des larmes, May a donné à voir son côté sentimental. Ils sont nombreux ceux qui auraient préféré que May sorte bien plus tôt de sa réserve toute britannique pour montrer son côté humain et émotionnel.»
Son successeur n'aura pas la tâche facile
Le départ de May ne risque pas de faciliter le processus du Brexit, estime The Observer :
«Quel que soit le successeur de May, la sortie de l'UE devra avoir lieu, sans que la personne chargée de le faire n'ait été personnellement mandatée par l'électorat. L'alternative, des élections anticipées, serait une stratégie à haut risque, car elle ferait de ce mandat le plus court de l'histoire récente. Même si ce·tte successeur·e obtenait de renégocier avec l'UE - ce qui est peu probable - il ou elle ne décrocherait pas de meilleures concessions que May, ce qui décevrait les attentes des Tories. ... Après trois années d'un chaos en crescendo et d'humiliation du pays sous Theresa May, de nombreux Tories semblent être convaincus qu'un·e autre candidat·e s'en sortira mieux. Or il s'agit d'une dangereuse illusion.»
Boris Johnson pourrait impulser une nouvelle dynamique
Selon The Economist, Boris Johnson serait capable de relancer un processus de Brexit au point mort s'il reprenait les rênes du gouvernement :
«May a brûlé sa dernière cartouche. Un changement de leader pourrait relancer les pourparlers, qui se sont enlisés ces dernières semaines à Westminster, malgré les appels de l'UE à ne pas baisser les bras. Boris Johnson est le favori des membres du Parti conservateur. Avec lui aux manettes, le pays irait au devant de grands risques. Il pourrait toutefois s'avérer capable de davantage de flexibilité politique et idéologique que Theresa May. Et il aura besoin de beaucoup de souplesse pour sortir la Grande-Bretagne du piège qu'elle s'est elle-même tendu.»
L'histoire du Brexit est loin d'être finie
Frankfurter Allgemeine Zeitung relativise la responsabilité de la cheffe du gouvernement :
«On peut lui reprocher bien des choses, ... mais elle n'est pas responsable du dilemme de départ. Si en 2016, une majorité des électeurs a voté pour le Brexit, au Parlement en revanche, une claire majorité veut rester dans le giron européen. Un antagonisme à l'origine d'une paralysie que May n'a pas su débloquer. Si Boris Johnson, figure de proue des Brexiteers, devait lui succéder à la tête des conservateurs et du gouvernement, il se heurterait à la même réalité. Pour les Européens, le premier enseignement de la crise du gouvernement britannique est le suivant : l'histoire du Brexit est loin d'être finie.»
La révolution dévore ses enfants
Le Brexit gardera à tout jamais la marque de fabrique des Tories, souligne Die Presse :
«La liste de ses parrains est longue : citons David Cameron, Michael Gove, Boris Johnson, Jacob Rees-Mogg. Le seul fondateur incendiaire du Brexit qui ne soit pas conservateur s'appelle Nigel Farage. Et même lui a fait ses premières armes en politique chez les Tories. C'est l'obsession européenne des conservateurs qui les a amenés à faire fi de tous les principes conservateurs et à fomenter une révolution. Or l'histoire nous apprend, premièrement, que les révolutions ont toujours raison des alliances bancales et, deuxièmement, qu'elles dévorent leurs enfants. Après David Cameron, Theresa May est le second amuse-gueule au menu. Il y en aura d'autres.»
Un deal mort et enterré
Tages-Anzeiger somme Theresa May de démissionner :
«May a de nouveau essayé de vendre à la chambre basse un accord qu'elle avait qualifié de 'new deal' mardi. Sachant pertinemment que cet accord était mort, est mort et restera mort. ... On se demande si cet accord, ce Brexit, a jamais eu une chance d'être mis en œuvre, compte tenu des majorités introuvables au Parlement, des différents courants qui divisent les Tories et le Labour, et du clivage qui scinde le pays en deux camps ennemis. On peut reprocher beaucoup de choses à May, mais pas de ne pas s'être battue. Elle est aujourd'hui poussée vers la sortie, et abandonne à son sort sa famille politique - qui est en grande partie responsable de son échec.»
La Première ministre ne peut que perdre
Helsingin Sanomat décrit le dilemme dans lequel est enfermée la Première ministre britannique :
«Les grandes lignes de l'accord sur le Brexit sont immuables. Elles sont le fruit des négociations avec l'UE. L'Union affirme qu'il s'agit du meilleur accord possible. L'unique marge de manœuvre existante est de l'ordre de la 'promotion du produit'. Mais dès que l'on fait une concession à un groupe, l'autre se met tout de suite en colère. L'offre faite par May mardi a été rejetée sur le champ. La promesse d'un nouveau référendum a courroucé certains conservateurs qui avaient été favorables à l'accord lors de votes précédents. Le Labour, de son côté, refuse tout soutien à May, quoi qu'elle propose. On continue donc de faire du surplace.»
Une voie sans issue
La politique britannique est dans l'impasse, constate Svenska Dagbladet :
«May envisage l'option d'un second référendum, mais la proposition n'est guère crédible. Et ne serait-ce qu'à l'idée de ce référendum, son propre parti bouillonne de colère. Des élections anticipées semblent également irréalistes, même si elles pavent la voie d'un compromis avec le Labour. ... Pour l'heure donc, aucun des protagonistes ne semble avoir de stratégie de sortie. La Grande-Bretagne ne peut pas quitter l'UE, May ne semble pas être en mesure de présenter sa démission et l'opposition n'ose pas renoncer à son populisme de gauche. ... On s'imagine bien le commentaire qui aurait été celui de la reine Victoria : 'We are not amused'.»
Il ne faut pas laisser le champ libre aux faucons
Financial Times explique l'importance vitale d'une alliance de tous les partis contre une sortie non-encadrée de l'UE :
«On s'attend à une victoire du Parti du Brexit de Nigel Farage, avec ses appels stridents à une sortie sans accord. Ceci pourrait convaincre un nombre important de députés et de membres des Tories que placer un tenant de la ligne dure du Brexit à la tête du parti serait le meilleur moyen de renouer avec la réussite. ... Jusqu'ici, les députés modérés de tous bords n'ont pas réussi à trouver un compromis. Mais au final, ils devront jouer le rôle de gardiens de la raison et veiller à ce que la majorité parlementaire reste fermement opposée à un Brexit sans accord. Et ils doivent être prêts à empêcher un nouveau Premier ministre Tory, tenant de la ligne dure, de précipiter le pays dans l'abîme. »