Le gouvernement autrichien renversé par un vote de défiance
Une dizaine de jours après la divulgation de la vidéo de l'Ibiza-gate, le Parlement autrichien a renversé hier le gouvernement du chancelier Sebastian Kurz. La motion, déposée par les sociaux-démocrates, a été soutenue par le FPÖ (extrême droite). Le président Alexander Van der Bellen est donc appelé à nommer un gouvernement intérimaire. A qui la chute de Kurz profitera-t-elle ?
Une heure de gloire pour la démocratie
Deutschlandfunk salue la chute du chancelier :
«Les sondages actuels montrent que les Autrichiens auraient bien aimé que les choses suivent leur petit bonhomme de chemin. Kurz est populaire. Or ses collègues au Parlement n'ont pas voulu qu'il puisse se dépêtrer tranquillement d'un gouvernement en crise permanente sans y laisser de plumes. Le modèle traditionnel de la politique autrichienne - la stabilité coûte que coûte, achetée au prix de grandes coalitions et d'accords tacites passés en coulisses - est un modèle indécrottable. La motion de défiance contre Kurz est donc aussi un grand moment de démocratie. Les partis, encore vivaces, tiennent tête à un froid arithméticien du pouvoir. C'est la bonne nouvelle de la journée.»
L'opposition se nuit à elle-même
En renversant le chancelier Kurz, le SPÖ et le FPÖ se tirent une balle dans le pied, estime Der Standard :
«Cette motion est-elle judicieuse sur le long terme ? Le SPÖ - du moins sous l'égide de sa cheffe de file actuelle - se prive en effet de la perspective de former une coalition avec l'ÖVP. Le FPÖ aurait été bien inspiré de ne pas exclure l'option d'une nouvelle coalition ÖVP-FPÖ. Car au lendemain des élections, l'heure sera aux coalitions. Pamela Rendi-Wagner [cheffe du SPÖ] et Norbert Hofer/Herbert Kickl [FPÖ] s'emploient à détruire ces passerelles. Oui, les partis sont souvent appelés à ruser, mais la priorité du moment devrait être tout autre. L'Ibiza-gate a montré aux électeurs le peu de cas que certains politiques faisaient de l'intérêt du peuple, qu'ils étaient prêts à trahir. Pour tenter de restaurer leur confiance dans la politique, la moindre des choses serait de créer l'impression de se battre pour la défense de l'intérêt général. »
Défait mais triomphant
Le chancelier autrichien peut se réjouir de cette défaite, estime Neue Zürcher Zeitung :
«La situation est paradoxale : malgré la chute prématurée et peu glorieuse de son gouvernement, il est gagnant sur toute la ligne. Si sa motion de censure avait échoué, l'opposition se serait couverte de honte. D'ici aux élections anticipées de septembre, Kurz aurait pu mener campagne porté par l'aura et par les ressources que lui confère sa fonction de chancelier. Or il a été poussé dans le rôle de martyre. Il a déjà eu l'occasion de montrer, ces derniers jours, qu'il le maîtrisait à la perfection. Il n'a eu de cesse de répéter qu'une alliance irresponsable SPÖ-FPÖ, motivée par de basses considérations politiciennes, plongerait le pays dans l'instabilité. Il y a de bonnes chances que l'électorat adhère à cette argumentation.»
Les électeurs approuvent le scandale
Le quotidien Lidové noviny essaie d'expliquer pourquoi le parti du chancelier autrichien Kurz, en proie à une profonde crise gouvernementale, a triomphé aux élections :
«Face à un séisme politique comme celui qui a ébranlé l'Autriche, on aurait pu s'attendre à un vote sanction, que le chef du gouvernement soit responsable ou non. C'est tout le contraire qui s'est passé aux européennes en Autriche. ... Où est la logique ? Il se peut que les électeurs aient déjà un avis arrêté sur le gouvernement réformateur de Kurz et ses réussites. Mais peut-être la logique joue-t-elle un rôle moins important que les émotions. ... Dans ce pays, le scandale paie. Et il y a encore des choses qui échappent à la logique des algorithmes.»