Qu'attendre de l'élection d'Ursula von der Leyen ?
Par une courte majorité de 383 voix seulement (sur 751 députés), le Parlement européen a élu Ursula von der Leyen nouvelle présidente de la Commission européenne. Les chefs de gouvernement ayant écarté les têtes de liste initialement destinées à cette fonction suprême de l'UE, il faut croire que beaucoup d'eurodéputés, froissés, n'ont accordé leur soutien à la candidate allemande qu'au dernier moment. Les éditorialistes formulent clairement ce qu'ils attendent de von der Leyen.
Tenir tête à Trump, à la Pologne et à la Hongrie
Dans NRC Handelsblad, le professeur de sciences politiques Luuk van Middelaar évoque les tâches qui incomberont à la nouvelle présidente :
«Pour son travail politique avec les chefs de gouvernement et dans l'arène politique mondiale, ses qualités personnelles, notamment sa force de discernement et de persuasion, pèseront dans la balance. En effet, 'VDL' sera amenée à négocier avec le président Trump à partir du 1er novembre pour tâcher d'empêcher une guerre commerciale. Avec des Etats-Unis en pleine ambiance électorale en 2020, ce ne sera pas chose facile. ... A-t-elle promis à la Pologne et à la Hongrie, en échange de leur vote en sa faveur, de réfréner ses critiques pour violation du principe d'Etat de droit ? Le flou reste total. ... Mais sur ce point aussi, j'ai la conviction que von der Leyen saura faire preuve de l'indépendance et du dynamisme requis au moment voulu.»
Une vision écologiste porteuse d'espoir
La présidence de la Commission entend faire beaucoup pour la protection du climat, assure Lrytas.lt :
«Elle préconise par exemple le recours exclusif aux énergies renouvelables, qui n'impactent pas le changement climatique. Il est paradoxal que les Verts et une partie des représentants des groupes de sensibilité de gauche au Parlement européen n'aient pas soutenu sa candidature. ... En effet, la protection du climat, le développement durable et l'économie verte sont au cœur des programmes des Verts et des partis de gauche. ... Si, dans les 100 jours de travail à venir, von der Leyen nous présentait son programme sous la forme d'une loi, l'Europe ferait un grand pas en avant.»
Vers un nouveau départ dans les relations UE-Turquie
Sur fond de relations tendues entre l'UE et la Turquie, Daily Sabah espère beaucoup de la nouvelle Commission :
«L'UE doit reconsidérer sans plus tarder sa politique envers la Turquie. La Commission actuelle, dont le mandat touche bientôt à sa fin, est incapable de réussir dans ce domaine. C'est l'une des premières mesures auxquelles la nouvelle Commission présidée par von der Leyen devra s'atteler. Dans son dialogue avec la Turquie, l'UE doit troquer les menaces actuelles contre une attitude plus constructive et plus positive. Il faut adopter une approche réaliste. Nous souhaitons que les relations UE-Turquie sous la présidence von der Leyen soient avantageuses pour les deux parties.»
Une visionnaire
De Morgen tire son chapeau à la nouvelle présidente de la Commission pour son allocution :
«Cinq minutes ont suffi à l'Allemande Ursula von der Leyen, dans son discours devant le Parlement, pour effacer le souvenir de son prédécesseur Jean-Claude Juncker. Soyons honnêtes : il n'a jamais été un grand orateur. ... La femme qui parlait à la tribune était animée d'une vision. ... Lentement, on était gagné par l'impression que von der Leyen pourrait ne pas être cette petite souris, cette simple figurante, comme tant de commentateurs ont bien voulu la discréditer. Ce sont surtout les partis eurosceptiques qui ont dû avaler des couleuvres. ... On ne peut jamais satisfaire tout le monde, mais le fait est qu'elle a réussi sa première prestation.»
La présidente parfaite
Le politologue Ubaldo Villani-Lubelli, lui aussi sous le charme d'Ursula von der Leyen, écrit dans Huffington Post Italia :
«Son profil international fait d'elle la présidente idéale de la Commission. Elle est membre du conseil d'administration du Forum économique mondial et elle a fait plusieurs interventions lors de la Conférence de Munich sur la sécurité. ... Ursula von der Leyen est une garantie que l'Europe ne cédera pas d'un centimètre sur la défense de l'Etat de droit, ne se laissera pas intimider par les dirigeants plus ou moins autoritaires qui se sont imposés ces dernières années. Nous pouvons attendre d'elle une position très claire sur la défense européenne, qui reste un des objectifs que l'Union devra atteindre dans les cinq prochaines années.»
Une élite hors-sol
Večer, en revanche, fait part de son mécontentement :
«Celle qui a été élue est issue des élites. Elle ignore tout des besoins et des réalités de la vie de la majorité des citoyens de l'UE. Ce sont eux pourtant qui financent les hauts-fonctionnaires et leur armada de collaborateurs et de conseillers, par les impôts qu'ils paient. ... D'une législature à l'autre, une nuée grandissante de pions est payée pour redorer le blason de leurs supérieurs hiérarchiques aux plus hautes fonctions de l'Etat, et pour détourner l'attention de l'opinion publique des véritables problèmes. ... La Commission trahit les intérêts de ceux qu'elle devrait défendre. Le phénomène remonte à la domination du président José Manuel Barroso (2004 - 2014). A l'époque, les Commissaires européens avaient commencé à justifier leurs propositions et leurs positions en invoquant ouvertement vouloir défendre les intérêts de leurs pays respectifs.»
Sans pouvoir réel
Il est probable qu'Ursula von der Leyen ait une marge de manœuvre restreinte dans la mise en œuvre de ses annonces, estime le quotidien Tages-Anzeiger :
«Le problème, c'est la fragmentation et la polarisation du paysage politique. Même les familles politiques sont divisées par des fossés. Ursula von der Leyen sera appelée à jouer un rôle de médiatrice. Ils sont révolus les temps où l'UE était dirigée par une grande coalition informelle, constituée des conservateurs et des sociaux-démocrates. Les nouvelles majorités sont fragiles. Ursula von der Leyen se trouve confrontée à des exigences maximales, et elle a fait beaucoup de promesses dans son discours de candidature. Mais sans le soutien des Etats membres et du Parlement européen, elle ne pourra rien traduire dans les faits. Toutefois, le mot compromis semble être devenu un juron. Sans compromis viable, Ursula von der Leyen est menacée d'immobilisme et de devenir une présidente de la Commission sans pouvoir ni force.»
Trop timorée en termes de changement durable
The Independent explique pourquoi von der Leyen n'a pas su convaincre les écologistes européens :
«Dans son discours, elle a clairement exprimé sa volonté de répondre à la vague verte qui gagne l'Europe et à l'urgence du défi climatique, mais tout en restant dans les clous des impératifs économiques et des consignes de leurs trésoriers. Ses racines politiques l'empêchent de soutenir les changements sociaux et économiques fondamentaux capables de porter le développement durable et de hisser sur un piédestal la diversité et l'égalité. Pour gagner la confiance et les voix des verts et des progressistes, c'est un tout autre discours qu'elle aurait dû tenir.»
Servir plusieurs maîtres à la fois
Elue à une très courte majorité, von der Leyen n'aura pas la tâche facile, analyse Club Z :
«Cette Commission européenne dispose d'une majorité précaire, de tout juste neuf députés. Rien ne garantit donc qu'elle tiendra cinq ans. Ni que von der Leyen parviendra à satisfaire tous ceux qui ont voté pour elle. Car à maints égards, sa vision de l'UE est contradictoire. Autrement dit, l'UE continuera à avancer à pas de fourmis. ... Von der Leyen aura un mandat difficile, non pas à cause de ceux qui ont voté contre elle, mais de ceux qui ont voté pour elle. Elle devra servir beaucoup de maîtres à la fois.»