Italie : l'ex-Premier ministre Renzi défie Salvini
En Italie, l'ex-Premier ministre social-démocrate (PD) Matteo Renzi préconise la formation d'un gouvernement provisoire de technocrates à dessein d'empêcher les élections anticipées immédiates que souhaite convoquer Matteo Salvini, chef de file de la Ligue. Le secrétaire du PD Nicola Zingaretti, de son côté, se dit défavorable à cette tactique. Vendredi, la Ligue avait déposé une motion de censure contre le Premier ministre sans étiquette Giuseppe Conte. Peut-on encore empêcher la victoire du parti d'extrême-droite ?
Repousser les élections pour freiner la ligue
Oliver Meiler, correspondant à Rome de Süddeutsche Zeitung, préconise une coalition entre les sociaux-démocrates et M5S :
«Un pacte parfaitement légitime de cette nature aurait pour objectif de repousser la date d'élections anticipées afin de freiner le triomphe de Matteo Salvini et de sa Ligue. ... On peut certes opposer à cette position l'argument suivant : en privant la Ligue du scrutin qu'elle souhaite ardemment, on souffle dans les voiles de Salvini. D'aucuns avancent des prévisions abracadabrantes, allant de 36 à 60 pour cent. Vraiment ? On se demande pourquoi Salvini était si pressé de prononcer la rupture avec le M5S, au plus fort des vacances d'été. ... Se pourrait-il que 'Moscopoli', cet accord de plusieurs millions entre la Ligue et Moscou, y soit pour quelque chose ? Salvini n'en a pas pipé mot. ... On ne peut que souhaiter aux Italiens qu'ils aient davantage de temps pour soumettre son inquiétante ascension à une analyse critique. Si on lui accordait des élections dans un proche avenir, il récolterait les fruits de sa campagne de haine.»
L'attitude incompréhensible du PD
Federico Geremicca, rédacteur en chef adjoint de La Stampa, déplore les dissensions au sein du Partito Democratico :
«Un vieil adage dit que 'quand deux se querellent, le troisième se frotte les mains'. Le Parti démocrate réussit à faire mentir des clichés aussi profondément enracinés. ... Car si le PD est ici le tiers, on peut être sûr qu'il se mêlera de la bagarre. Peut-être aurait-il suffi d'attendre 48 heures en contemplant tranquillement le spectacle des deux autres qui s'étripent. Mais non, par des initiatives politiquement incompréhensibles, le parti s'est mis dans une situation dominée par des intérêts personnels et où chacun ne parle que pour lui-même.»
Un homme en phase avec son peuple
Beaucoup d'Italiens en ont assez qu'une élite libérale leur impose un mode de vie et de pensée, lit-on dans Magyar Nemzet :
«Viktor Orbán et Donald Trump ont été les premiers à entendre cet appel au secours et à y répondre. Matteo Salvini leur a emboîté le pas. Il est manifeste que chaque déclaration de Salvini et chacune de ses prestations publiques suscitent une adhésion aussi enthousiaste que les interventions d'Orbán et de Trump. Lui aussi a le courage de dire tout haut ce qu'il pense et de briser les tabous. De plus, il réussit à se défendre contre les médias, qui lui sont infiniment hostiles et bourrés de préjugés et de mensonges. Cette stratégie de diabolisation concertée menée par les médias internationaux contre les trois leaders est sans précédent et rappelle les heures les plus sombres de l'époque soviétique.»
La Ligue est le produit de l'austérité dictée par l'UE
L'UE ne peut s'en prendre qu'à elle-même si les forces eurosceptiques ont pu prendre autant d'ampleur dans des pays tels que l'Italie, analyse le journaliste économique Wolfgang Münchau dans Financial Times :
«Si l'Italie n'avait pas eu à subir une stricte politique d'austérité sous l'ex-Premier ministre Mario Monti, entre 2011 et 2013, la situation pourrait bien être totalement différente aujourd'hui. La Ligue d'extrême droite et le M5S n'auraient peut-être pas remporté les élections en 2018 et formé une coalition. Et le chef de la Ligue, Matteo Salvini, ne serait alors pas sur le point de prendre tout le pouvoir. Le danger mortel pour l'UE réside dans l'émergence d'un argumentaire rationnel et non idéologique contre l'intégration européenne. Et Bruxelles est en partie responsable de lui avoir préparé le terrain.»
Jusqu'ici, Salvini a réussi tous ses coups
Le quotidien de gauche Népszava croit savoir que la Ligue guettait le moment propice à l'obtention d'une majorité avec le parti d'extrême droite Fratelli d'Italia :
«Il cherchait un prétexte pour rompre avec Luigi Di Maio. Il a jugé le vote de jeudi dernier sur le TGV [Milan-Lyon] le moment le plus prometteur. Les députés de la Ligue ont suivi sa consigne de vote contre les députés du M5S. Jusqu'ici, tous les calculs politiques de Salvini ont marché. Il est en excellents termes avec le Premier ministre hongrois, dont le style de gouvernance fait désormais aussi des victimes en Italie. Ceci a plusieurs raisons, notamment l'échec de l'UE à s'entendre sur une répartition des réfugiés.»
Salvini se trompe peut-être dans ses calculs
Vecernji list doute que Salvini ait bientôt devant lui un boulevard lui permettant de gouverner seul :
«C'est sachant qu'il pourrait rassembler suffisamment de voix pour gouverner seul que Salvini a déclenché une crise de son propre gouvernement. Jusqu'à présent, c'était lui qui imposait sa cadence au gouvernement. Ses idées ont été mises en œuvre et celles de son partenaire de coalition, mené par Luigi di Maio, second vice-chef du gouvernement, sont tombées à la trappe en bloc. ... Au demeurant, pour aucun leader en Italie ou ailleurs en Europe ces dernières années, la tactique consistant à renverser son propre gouvernement dans l'optique d'améliorer son score aux élections ne s'est avéré opérante. Après s'être brûlé les doigts avec Mussolini, les Italiens ne veulent pas répéter la même erreur. Peut-être Salvini vient-il de marquer un but contre son camp.»
Des politiques obnubilés par leurs propres avantages
En Italie, la volonté affichée par Salvini, chef de file de la Ligue, de convoquer des élections anticipées se heurte à des réticences croissantes. Corriere della Sera craint que le carriérisme ne domine le jeu politique :
«Salvini réclame des élections pour 'tirer parti du consensus'. Le M5S est contre des élections, pour les raisons opposées. Selon les sondages, le mouvement aurait perdu la moitié de ses soutiens. Dans cette fâcheuse posture, il serait disposé à gouverner avec un gouvernement soutenu par son ennemi juré, le PD. Le leader du PD, celui qui a signalé cette volonté, est l'ennemi juré de tous : Renzi. On raconte qu'il ne veut pas perdre le contrôle des groupes parlementaires. ... Chacun semble vouloir servir non pas par les intérêts de son parti, mais ses propres intérêts personnels.»
La voie royale ? Pas si sûr...
Le quotidien La Croix n'est pas si sûr que se vérifient les prévisions selon lesquelles le chef de la Ligue sera bientôt le prochain Premier ministre italien :
«Quoi qu'en disent les sondages actuels, il n'est pas sûr que Matteo Salvini réalise un jour son rêve de gouverner à Rome. A plusieurs reprises ces dernières années en Europe, des partis d'extrême droite ont trébuché dans leur stratégie de conquête, les électeurs se défiant de l'outrance et du simplisme. Les institutions italiennes servent aussi de garde-fous. … Les Européens ne peuvent rester impassibles devant ces difficultés qui impactent un partenaire historique et la troisième économie de la zone euro. Ils doivent soutenir les institutions italiennes et montrer que les défis globaux se relèvent plus sûrement lorsqu'on se serre les coudes.»
De vaines accusations
Les incriminations mutuelles ne mènent à rien, s'agace La Repubblica :
«Un gouvernement au bout du rouleau inflige au pays une dernière humiliation : pointer du doigt le responsable de la crise gouvernementale, celui qui doit porter le chapeau. Comme si cela avait un sens. Comme si la responsabilité de la catastrophe qui s'est déroulée ces 14 derniers mois pouvait être attribuée à un seul des deux partenaires de la coalition. Mais même s'ils continuent à se renvoyer la balle, le résultat reste le même. Le gros défaut de cette coalition, c'est son populisme. Mis à l'épreuve de la réalité, ils s'écroulent.»
Un divorce prévisible
Tôt ou tard, la coalition entre la Ligue et le M5S était vouée à s'effondrer, lit-on sur le portail conservateur de droite 888 :
«La Ligue, qui est arrivée en tête des élections européennes de mai dernier, a pour ainsi dire repris le gouvernement des mains du M5S, qui avec ses 17 pour cent avait perdu la moitié de ses voix. Selon les médias italiens, le M5S s'est ainsi trouvé contraint d'accepter le renforcement des mesures de restriction de l'immigration. Il ne peut pas non plus empêcher la construction d'une ligne de chemin de fer qui entraînera le déblaiement de pans entiers de montagne, alors qu'il était à l'origine un mouvement écologiste. C'était évident : si le M5S se rebellait, le gouvernement s'effondrait. Il y aura alors des élections anticipées, qui seront remportées par la Ligue, et Salvini deviendra Premier ministre.»