11-Septembre : comment gère-t-on le terrorisme aujourd'hui ?
On a commémoré hier, aux Etats-Unis et ailleurs, le 18e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001. Ces attaques dévastatrices avaient coûté la vie à près de 3 000 personnes. Les éditorialistes s'interrogent sur la position actuelle de l'Occident face au terrorisme islamiste.
Une menace persistante
Der Tagesspiegel juge Al-Qaida plus dangereuse que Daech :
«Les soutiens d'Oussama Ben Laden, tué par des soldats d'élite américains au Pakistan en 2011, ont de solides alliances avec les groupes terroristes dans la région. ... Les talibans n'ont jamais laissé tomber Al-Qaida, bien que Ben Laden, commanditaire des attentats du 11 septembre, ait été à l'origine de l'invasion de l'Afghanistan par les Américains. Daech pour sa part agit isolément et combat les autres groupes islamistes. Si les talibans reconquéraient complètement l'Afghanistan dans les années à venir, comme on est en droit de le redouter, Daech subirait leur vengeance, comme le gouvernement afghan. Et comme en 2001, Al-Qaida aurait à nouveau un refuge sûr dans une théocratie. L'Occident doit poursuivre sa mission en Afghanistan et aurait tort de sous-estimer le risque qu'Al-Qaida représente pour le monde. La menace d'un nouveau 11-Septembre n'est pas écartée.»
La peur comme fond de commerce
Pour Izvestia, le 11-Septembre a marqué le début d'une nouvelle ère du terrorisme :
«Le terrorisme n'y est plus idéologique, bien qu'il s'attache à simuler de profondes convictions. ... Il est hautement technique et cherche la médiatisation. Le terrorisme a évolué et son organisation obéit aux lois du business. ... Le terrorisme n'est autre que la face obscure du 'soft power', qui attend des 'consommateurs' non pas amour et fidélité, mais de la peur. ... Le terrorisme moderne produit une religiosité de pacotille et imite le fanatisme. Car les extrémistes doivent bien camoufler leur objectif principal : réaliser des bénéfices.»
Intégration : la France se fourvoie
Sur Causeur, le politologue Driss Ghali se penche sur la politique de la France envers sa population musulmane et appelle à un correctif :
«Deux objectifs simultanés devraient nous obnubiler : interdire aux islamistes de s'emparer de la majorité pieuse [qui, selon une étude de 2016 de l'Institut Montaigne, n'est pas entièrement sécularisée sans être radicale] et préparer l'avant-garde musulmane à assumer son rôle. Depuis 2001, nous faisons l'inverse de ce que le bon sens recommande. Nous avons abandonné la majorité pieuse aux islamistes tandis que nous avons démoralisé l'avant-garde musulmane en lui préférant systématiquement joueurs de foot, humoristes et rappeurs. Après chaque attentat, ces amuseurs publics brillent par leur silence lorsqu'ils ne nous tournent pas le dos purement et simplement.»
L'Occident s'est montré à la hauteur du défi
Politiken estime que depuis les attentats, le monde occidental a été à la hauteur :
«Malgré les craintes que la surveillance ne devienne omniprésente, l'Occident a réussi à préserver une société ouverte et confiante. Il est certes devenu plus pénible de prendre l'avion, mais d'une manière générale, notre quotidien reste inchangé. La lutte antiterroriste ne finira probablement jamais, mais elle n'est pas devenue la grande priorité qui domine tout, comme on le croyait aux lendemains du 11-Septembre. Al-Qaida a perdu, Oussama ben Laden a été abattu. Et son successeur, l'Etat islamique, est en déroute. ... Il est important d'en prendre conscience dans notre approche des autres problèmes auxquels nous sommes confrontés : la Chine, le climat et le populisme. Notre société est résiliente et peut remporter de grands défis.»
Le véritable combat n'est pas encore gagné
Dans la Stampa en revanche, le spécialiste de l'islamisme Lorenzo Vidino estime que la menace djihadiste n'a rien perdu de sa férocité :
«Le problème est que Al-Qaida, Daech et la myriade de groupes qui gravitent autour d'eux, ne sont que des émanations temporaires d'un même phénomène idéologique. ... Les réussites tactiques (opérations militaires contre des groupes djihadistes, arrestations, attentats déjoués) sont fondamentales. Mais tant que l'on n'aura pas remporté le combat, tant que l'on n'aura pas réussi à affaiblir l'attrait idéologique du djihadisme et à résoudre les problèmes politiques, sociaux, éducatifs et théologiques complexes qu'il présente et qui séduisent tant de ses adeptes, ces réussites ne seront qu'une victoire à la Pyrrhus.»
Les œillères d'une agence hermétique
Gazeta Wyborcza s'interroge sur les causes structurelles à l'origine de l'échec des services secrets américains :
«Comment se fait-il que la CIA, qui dispose d'un budget de plusieurs milliards de dollars, bénéficie des technologies les plus modernes et emploie des milliers de spécialistes, n'a pas pu identifier la plus grande menace pour le pays depuis la Seconde Guerre mondiale ? ... La politique de recrutement de la CIA est-elle en cause ? Il est intéressant de constater que peu de femmes et de membres des minorités réussissent aux examens d'entrée. ... Face à un problème complexe, un groupe homogène de personnes fait la même analyse. C'est ainsi que sont occultées des erreurs qu'un regard extérieur à cette bulle aurait détectées.»