Négociations du Brexit : Londres coupable de parjure ?
Avant même que les négociations sur le futur partenariat entre le Royaume-Uni et l'UE n'aient été entamées, le gouvernement Johnson menace de claquer la porte. Londres exclut de devoir s'aligner sur les règles communautaires à l'avenir et se réserve l'option de quitter les négociations si les grandes lignes d'un accord de libre-échange ne se précisent pas d'ici juin. Une attitude qui suscite l'indignation des éditorialistes européens.
Londres veut anticiper
Correspondant de Corriere della Sera à Londres, Luigi Ippolito explique pourquoi le gouvernement de Boris Johnson remet sur le tapis le "no deal" :
«Les Britanniques espèrent ainsi éviter de se retrouver acculés dans des négociations serrées, à l'approche de la date butoir du 31 décembre, lorsqu'expirera la période de transition actuelle. ... L'UE voit rouge : les 27 veulent empêcher que la Grande-Bretagne ne devienne un concurrent dangereux par une dérégulation agressive de son économie, et ils réclament le respect d'un 'level playing field', autrement dit de conditions de concurrence équitables. C'est pourquoi ils reprochent à Johnson de ne pas tenir parole, après qu'il a signé la déclaration de politique commune fin 2019.»
Le Royaume-Uni en passe de devenir un Etat voyou
Le gouvernement britannique ne tient pas ses propres engagements, constate Irish Examiner :
«Cette nouvelle posture, le rejet de l'accord de sortie que Johnson avait conclu avec l'UE en octobre dernier, est choquante, même si elle ne nous surprend guère. Il n'en est pas à la première volte-face de sa carrière. On a l'impression que les accords sont à ses yeux autant de tremplins qu'il oublie dès que le but envisagé a été atteint. ... Il est angoissant mais hélas plausible aujourd'hui de dire que la Grande-Bretagne, sous l'influence croissante des puristes d'extrême-droite pro-Brexit, remplit les caractéristiques d'un Etat voyou et devient un voisin de moins en moins digne de confiance. ... C'est affligeant.»
Les Britanniques doivent se décider
Pour le quotidien Die Welt, les menaces venant de l'île sont le signe
«que dans le doute, le Premier ministre Boris Johnson aspire à des relations plutôt distendues avec l'UE. Pour les Européens, il importe une fois de plus de ramener les Britanniques à la réalité. Et à faire entrer dans leurs têtes que sans alignement sur les règles européennes, il n'auront pas accès au marché européen. Finalement, les Britanniques devront décider ce qui leur importe le plus : une conception jusqu’au-boutiste du principe de souveraineté ou l'avantage économique.»
Londres ne sait pas se vendre
Die Presse se demande comment la Grande-Bretagne compte s'y prendre pour trouver des partenaires commerciaux intéressants :
«Car les accords commerciaux sont en quelque sorte une carte de visite pour les partenaires internationaux de demain. Si le gouvernement britannique campe sur ses positions, il aura du mal à remplacer le plus rapidement possible les nombreux accords internationaux de l'UE. Qui en effet voudra coopérer avec un pays réfractaire aux normes d'un partenaire et qui se butte à rechercher en toutes circonstances ses propres avantages concurrentiels, et ne s'intéresse à rien d'autre ?»
L'arrogance ne peut mener à la réussite
Malgré sa confortable majorité parlementaire, Boris Jonhson aurait tort de faire fi de la déclaration, signée en octobre, l'obligeant à une étroite collaboration avec Bruxelles, peut-on lire dans Le Soir :
«A Londres, on espère que cette rupture radicale avec l'UE, douloureuse dans un premier temps, offrira un électrochoc salutaire à l'économie britannique. Dans ces conditions, et à moins d'un adoucissement de cette ligne idéologique aux accents populistes, le 'clash' semble inévitable. Rapidement. Le 'no deal' aura un coût. Réciproque. On rappellera à nos 'amis, voisins et alliés' britanniques, comme le dit Barnier, que le splendide isolement de l'île et ses 65 millions d'habitants lui corsera sérieusement l'accès au marché intérieur européen : près de 500 millions de consommateurs.»
Bruxelles a raté un épisode
The Daily Telegraph appelle l'UE à traiter le Royaume-Uni comme un Etat extracommunautaire :
«L'UE semble toujours traiter le Royaume-Uni comme un pays désireux de quitter l'UE et qui négocie les conditions de sa sortie. Elle n'a pas réellement pris conscience du fait que la Grande-Bretagne était déjà partie. C'est un Etat extracommunautaire qui veut conclure un accord avec l'UE - il ne cherche pas à rester dans l'orbite légale de celle-ci. Lorsque le Japon, les Etats-Unis ou tout autre pays négocient avec Bruxelles, ils sont traités comme des Etats-nations indépendants. Dans ces cas-là, il n'est jamais question de contraindre ces pays à suivre les règles et les normes européennes - alors pourquoi l'UE cherche-t-elle à le faire aujourd'hui avec Londres ?»
L'Irlande a besoin d'un gouvernement stable au plus vite
The Irish Independent appelle les partis irlandais à conclure les négociations de coalition au plus vite afin d'être prêts pour les discussions du Brexit :
«Ne nous faisons pas d'illusions : la frontière de la mer d'Irlande va redevenir un levier de pression. Les nuages noirs s'accumulent au-dessus des négociations commerciales. ... Face à l'incertitude grandissante, il ne faut pas que les querelles de politique intérieure prennent le dessus. Tout au long du Brexit, l'Irlande a bénéficié d'une solidarité sans faille de la part de l'UE. Nos leaders politiques doivent faire preuve de la même solidarité aujourd'hui : qu'ils montrent leur empressement à former un nouveau cabinet plutôt que de chercher à se soustraire à cette perspective. Il s'agit là d'une priorité, et non d'un dernier recours.»