L'Europe et la crise à la frontière grecque
Depuis plus d'une semaine, la police et l'armée grecques, épaulées de groupes paramilitaires, repoussent à coup de gaz lacrymogène et de canon à eau les réfugiés à la frontière gréco-turque. Depuis l'ouverture des frontières par la Turquie, ils sont des milliers à espérer rallier l'UE. Les éditorialistes appellent l'UE et ses Etats membres à développer des stratégies spécifiques.
L'UE aussi démunie qu'en 2015
En déplacement à Malte il y a deux semaines, la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, n'avait présenté aucune mesure concrète, ce dont s'alarme The Times of Malta :
«Si elle a reconnu que la répartition [des réfugiés] entre les Etats membres était 'une composante importante de l'approche européenne en matière de politique migratoire et de politique d'asile', elle n'a pas fait de propositions concrètes. Johansson est la commissaire responsable de ce portefeuille politique ; or à un moment où les évènements politiques internationaux qui influent sur l'immigration en Méditerranée centrale et orientale connaissent une escalade incontrôlée, il est inquiétant, pour un pays comme Malte, situé sur la ligne de front, que l'Europe semble à nouveau dépourvue de plans, de mécanismes d'action, voire même de volonté d'agir.»
La Turquie transforme la Thrace en zone grise
L'hebdomaire Dromos tis Aristeras évoque une déstabilisation de l'ensemble de la Thrace :
«L'implantation durable en Thrace de groupes de population issus d'un Proche-Orient en ébullition et la transformation de la région en une zone dans laquelle évoluent armée, ONG, services de renseignement, groupes paramilitaires, agence Frontex ou autre montrent que l'avenir de la région sera agité. Ce qui se déroule actuellement en Thrace semble sortir tout droit d'un manuel expliquant comment déstabiliser des régions entières. La situation ressemble aux prémices de la crise du Kosovo. Les manœuvres d'Erdoğan suivent le même modèle que celles qui avaient précédé son intervention en Syrie - les groupes de personnes déplacées servant d'armes et d'alibi.»
Garder la tête froide
Au Danemark, deux partis d'extrême droite dans l'opposition appellent le gouvernement social-démocrate à empêcher l'entrée de demandeurs d'asile dans le pays. Une requête que désapprouve Berlingske :
«Peut-être est-ce la complexité du problème qui fait sombrer les responsables politiques dans la panique et le populisme. Il est donc louable que le gouvernement garde la tête froide et se focalise sur la question de savoir comment le pays peut contribuer à sécuriser les frontières extérieures de l'UE. ... Il faut par ailleurs souligner que les réfugiés ne sont pas entrés en Europe pour l'instant. Il est faux d'affirmer que l'UE n'a rien fait depuis la crise de 2015. Les frontières extérieures de l'UE ont été considérablement renforcées ces dernières années, comme on le voit notamment en Grèce aujourd'hui. Même si, bien entendu, on est encore loin du but.»
Le naufrage de l'Europe
L'UE se rend complice des pratiques illégales de la Grèce, déplore Agnès Callamard, experte des droits humains et rapporteure spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, dans un entretien à Mediapart :
«La technique de refoulement (push back) à laquelle elle a recours est interdite par la Convention de Genève et par les conventions relatives aux droits humains. La Grèce est dans une situation de non-droit absolu en termes de droit international puisque, rappelons-le, elle n'est pas dans une situation de conflit armé et les circonstances ne demandent pas cet état d'urgence déclaré. ... Si la Grèce viole clairement le droit international, je pointe également du doigt la politique européenne qui est menée en matière d'immigration. On ne peut pas critiquer la Grèce sans critiquer l'ensemble des Etats européens, qui ont eux aussi une responsabilité.»
Tout pays agirait comme la Grèce
Cyprus Mail appelle la Grèce à faire fi des critiques :
«La Grèce a été critiquée en raison des violents affrontements entre les migrants et ses forces de sécurité, mais un autre Etat membre de l'UE aurait-il agi différemment ? La Hongrie, l'Autriche ou la Pologne auraient-elles accueilli 10 000 ou 20 000 migrants massés à leurs frontières ? Le Premier ministre autrichien, Sebastian Kurz, a fait savoir que son gouvernement avait renforcé les frontières du pays pour prévenir une répétition de l'afflux en masse de réfugiés et de migrants de 2015. ... Il est difficile de dire ce qui se passe, mais la Grèce devrait rester ferme, en dépit des critiques émanant d'organisations internationales comme l'ONU.»
Erdoğan le bouc émissaire
Der Standard juge trop simpliste de se contenter de condamner le président turc et sa décision d'ouvrir les frontières :
«Accuser Erdoğan d'exercer un chantage contre l'UE est déplacé. Car si l'on peut critiquer la forme de cette action, un intérêt légitime la sous-tend : il faut davantage aider la Turquie à s'en sortir face à cette masse considérable de réfugiés - près de quatre millions dans le pays et bien plus de l'autre côté de la frontière syrienne. Il serait faux d'affirmer que cet exode est uniquement dû à la politique d'Erdoğan dans les zones de conflit. ... Il est dans l'intérêt vital de l'UE que ces personnes bénéficient d'une bonne prise en charge, au lieu de chercher à rallier l'Europe de manière anarchique. Une politique responsable consisterait donc à chercher l'entente, sous la forme d'un nouvel accord avec la Turquie sur les réfugiés.»
Les réfugiés sont aussi votre problème
Il est primordial que l'Europe s'intéresse enfin aux drames qui se déroulent au Proche-Orient, fait valoir le quotidien Yeni Şafak :
«Nous en appelons aux citoyens d'Europe et d'Amérique qui ont encore un cœur ! Combien de personnes vos Etats continueront-ils de pousser à l'exil et au désespoir, par l'envoi de mercenaires et l'expérimentation de nouvelles technologies dans les zones de conflit ? Posez-vous d'abord la question, et posez-la ensuite à vos Etats. Les choses ne peuvent pas continuer ainsi dans le monde. ... Chaque jeune apatride, chaque enfant que l'on prive d'avenir, est aussi un danger pour la vie de vos enfants. Regardez enfin les choses en face ! Vous laissez la Turquie subir seule la pression et vous discutez des 'droits humains' et des 'droits des réfugiés'. Mais vous ne pouvez continuer à vous parer de vos oripeaux humanitaires sans la moindre égratignure.»
Nos enfants ne comprendront pas ce cynisme
Pour nécessaire que puisse paraître l'isolement de l'Europe, le verdict de l'histoire ne sera pas tendre envers les Européens, estime Seznam Zprávy :
«Si une grande partie des Européens n'ont visiblement que faire de l'humanisme et sont prêts à voter pour des extrémistes qui incarnent les pires aspects de l'histoire européenne du XXe siècle, il ne reste plus qu'à l'accepter avec cynisme et à s'adapter. ... Mais cette nouvelle approche 'pragmatique' de la question migratoire renforcera aussi logiquement l'apathie vis-à-vis des souffrances des réfugiés de guerre. Voilà le prix à payer lorsqu'on choisit de chasser sur les terres des extrémistes et des populistes. Ce qui est sûr, c'est que l'histoire ne sera pas tendre avec nous. Il sera difficile d'expliquer tout cela à nos enfants.»
Défendre l'intérêt national
L'Etat grec fait ce qu'il doit faire, écrit le quotidien pro-Nea Dimokratia Kathimerini :
«Personne ne veut chasser des familles et des enfants qui ont perdu leur domicile et qui sont en quête d'un avenir meilleur. Personne. La mission d'un Etat est cependant de défendre l'intérêt national, à tout prix s'il le faut. Par ailleurs, on n'est pas confronté à une simple crise humanitaire, mais à un Etat puissant et sans scrupules, qui a décidé de se servir de ces pauvres gens comme d'une arme pour extorquer la Grèce et l'Europe. ... Une phase difficile vient de débuter pour nous, imprévisible et remplie de 'menaces asymétriques'. Or pour y faire face, on a besoin d'un Etat professionnel et qui agisse, s'il le faut, avec poigne.»
Bruxelles désormais en phase avec Orbán et Salvini
Orbán et Salvini doivent jubiler à la vue des images de la frontière gréco-turque, commente Eric Bonse sur son blog Lost in EUrope :
«Des frontières lourdement armées, des réfugiés chassés à coup de canons à eau et de gaz lacrymogène. Et l'UE va jusqu'à célébrer la chose en dépêchant ses dirigeants sur place. ... Salvini, le premier, doit se frotter les mains. Lorsqu'il avait interdit l'accès des ports italiens aux navires de sauvetage, Bruxelles l'avait rappelé à l'ordre. Or voilà qu'elle encourage Athènes à recourir aux mêmes procédés, mais à bien plus grande échelle. Et la Commission ne bronche pas. Interrogés à plusieurs reprises sur la question de savoir si les 'push-backs' et la suspension du droit d'asile en Grèce étaient conciliables avec le droit de l'UE, les porte-paroles de von der Leyen n'ont pas voulu s'exprimer. ... Il est inconcevable que la Commission, qui est pourtant la 'garante des traités', détourne le regard ou ait besoin de plusieurs jours pour réagir.»
L'UE, une fumisterie historique
L'UE galvaude toute sa crédibilité morale à la frontière gréco-turque, critique El Periódico de Catalunya :
«L'un des plus grands tours de passe-passe de l'histoire, c'est que cette Europe, qui a élaboré par le passé mille manières de s'entretuer, qui a inventé le racisme, le chauvinisme, le colonialisme et le génocide, soit devenue après la Seconde Guerre mondiale et l'Holocauste la garante des droits humains dans le monde. Une vaste fumisterie, comme on le constate aujourd'hui, alors que le problème est à ses frontières et non plus dans un quelconque pays lointain. L'Europe des principes grandiloquents, reconvertie en simple club de commerçants, ne peut offrir aux réfugiés qu'un 'bouclier' et la compassion de von der Leyen, toujours depuis l'autre côté de la frontière. Et après cela, on se permet de surcroît de porter un regard méprisant sur Donald Trump.»
Que l'UE négocie avec Assad
Il faut que l'UE s'efforce de trouver une solution durable en Syrie, écrit Markus Schauta, reporter spécialiste du Proche-Orient, dans Wiener Zeitung :
«Si les dirigeants européens appellent à accroître la pression sur Bachar Al-Assad et Vladimir Poutine, cela n'impressionnera pas Poutine. ... De nouvelles sanctions contre la Syrie affecteraient en premier lieu la population. Assad a remporté la guerre avec l'appui de la Russie. La seule façon d'avoir une influence sur Damas, c'est de contribuer à la reconstruction de la Syrie - une aide que l'UE devra assortir de conditions. Peut-être pourrait-on ainsi parvenir à mettre fin à la torture, obtenir quelques réformes et favoriser la fédéralisation de l'Etat. ... C'est peu, mais c'est la seule façon aujourd'hui de mettre fin à la catastrophe en Syrie. Pour cela, il faudrait déjà, dans un premier temps, que l'UE entame des négociations directes avec Damas.»
L'UE menacée
Zeit Online trouve déplacé que l'on reproche à l'UE d'être insensible :
«'Vous devriez avoir honte !' C'est à ceci que le reproche pourrait se résumer. Il est tellement écrasant et diffus à la fois qu'il rend impossible tout débat politique. Or il est essentiel que ce débat soit mené. Ses derniers jours, l'UE a défendu ses intérêts en toute légitimité. Elle ne saurait tolérer une immigration clandestine massive. Si elle le faisait, elle mettrait sa propre existence en jeu. S'il est un enseignement que l'UE a tiré des événements de 2015, c'est bien celui-là. ... L'Europe n'est pas une forteresse pour autant. ... Les Etats européens ont accepté plus d'un demi-million de demandes d'asile l'an dernier, contre 1,3 millions en 2015. Pour la seule Allemagne, 165 000 demandes d'asile ont été déposée en 2019. Bref, l'Europe accueille des migrants. Chaque jour.»
Le faux prétexte de la protection des frontières
Dans une tribune à Der Standard, le chercheur spécialiste de l'immigration Roland Hosner récuse l'idée reçue selon laquelle il s'agirait là de la protection des frontières extérieures de l'UE :
«Car c'est une distorsion des faits. Il va sans dire que c'est le rôle de la police aux frontières que de contrôler les entrées des personnes et de refouler les personnes non munies d'une autorisation d'entrée sur le territoire, d'un titre de séjour ou d'une demande d'asile. Or cet argument s'effondre comme un château de cartes quand on sait que l'écrasante majorité de ceux qui attendent dans le froid à la frontière grecque sont des personnes qui ont fui la Syrie, l'Afghanistan, l'Irak ou l'Iran. Affirmer que leur gestion est du ressort de la Turquie n'est pas non plus juridiquement recevable car la Turquie n'est pas un Etat tiers sûr - et elle n'applique du reste pas à ces groupes la Convention de Genève relative au statut des réfugiés.»
Indigne d'une grande puissance
Jutarnji list accuse l'UE de ne savoir rien faire d'autre que de sortir le chéquier au lieu de suivre une politique cohérente vis-à-vis du conflit syrien :
«Chaque fois qu'on lui reproche de ne pas faire assez pour résoudre les problèmes, comme c'est actuellement le cas pour la crise syrienne, Bruxelles dégaine invariablement la même réponse : 'Personne ne débloque plus de fonds que l'UE.' ... Si l'on s'aventure à lui demander clairement quelle est sa position, on reste sur sa faim. L'UE persiste à ne réagir à un problème que quand ce problème devient son problème. Maintenant qu'une nouvelle vague de réfugiés syriens menace de déferler, la situation suscite subitement un grand émoi dans l'UE. ... Cette ligne de conduite n'est pas digne d'un protagoniste qui entend jouer un rôle géopolitique majeur dans le monde, surtout quand il est assis sur une manne financière et économique aussi considérable.»
Athènes fait le sale boulot
L'argent n'est pas une solution en soi, souligne Avgi :
«Athènes doit faire pression. Pour que l'UE conclue un nouvel accord avec la Turquie. Pour amener un changement radical des règles de Dublin. Et pour que les réfugiés soient enfin répartis équitablement entre tous les pays européens. Athènes doit actionner tous les leviers pour pousser les Etats européens à assumer leur responsabilité. La Grèce ne peut pas accepter de jouer le rôle de digue en contrepartie de quelques millions. ... Athènes dispose de toute une panoplie de possibilités pour faire pression. Car l'Europe fonctionne sur le principe du consensus. Et sans solidarité, il n'y aura pas de consensus.»
Retour de balancier
L'UE s'est mal préparée à l'arrivée de nouveaux réfugiés, déplore Hämeen Sanomat :
«Contrairement à la Turquie, l'UE veut résoudre le problème par la voie diplomatique. ... Elle veut négocier avec des représentants de la Turquie la situation des réfugiés et la crise syrienne. Les instruments dont elle dispose sont malheureusement limités. Les beaux discours ne suffiront pas à convaincre la Turquie, d'autant que les Etats-Unis ne veulent plus se mêler à ce conflit. ... En vertu de la charte des droits fondamentaux de l'UE, les pays européens sont tenus de venir en aide aux demandeurs d'asile qui fuient la guerre. Les centres d'accueil communs à la périphérie extérieure censés coordonner les migrants et les réfugiés désireux de se rendre en Europe n'ont toujours pas été mis en place. Les omissions d'hier nous frappent de plein fouet aujourd'hui.»
Un front commun est nécessaire
Il faut soutenir le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, fait valoir Kathimerini :
«La visite prévue aujourd'hui dans la région frontalière d'Evros enverra un message fort, même si les messages ne suffisent plus à l'heure actuelle. ... Ces dernières années, les partenaires européens de la Grèce ne l'ont pas soutenue comme ils auraient dû le faire. ... Face à une crise de cette ampleur, il n'y a qu'une issue : la formation d'un front commun dans le pays, dans lequel les parties s'efforceront de privilégier une rhétorique mesurée et d'éviter les accusations mutuelles ; une coordination avec les dirigeants et les alliés politiques au sein de l'UE ; un message commun lancé à la communauté internationale.»
L'UE n'a pas mis son temps à profit
L'UE a laissé sa politique migratoire en jachère ces dernières années, déplore le quotidien pro-Fidesz Magyar Hírlap :
«L'accord UE-Turquie de 2016 a permis à Bruxelles de gagner du temps, mais elle n'a pas mis ce temps à profit. Il était pourtant évident que cet accord ne pouvait être que provisoire : le président turc, Tayyip Erdoğan, a souvent indiqué qu'il était prêt à rouvrir ses frontières. L'UE n'a pourtant pas suffisamment œuvré à sa propre sécurité. ... Surveillance des frontières, centres de rétention de migrants en dehors de l'Europe et, surtout, aide sur place : autant de mesures que Viktor Orbán et Sebastian Kurz n'ont eu de cesse de réclamer ; autant de mesures que l'UE aurait dû prendre depuis longtemps déjà.»
L'Europe n'a plus de coeur
Ankara ne peut plus utiliser les réfugiés pour faire pression sur l'UE, constate De Standaard, laconique :
«Les réfugiés n'ont pas été prévenus que la frontière grecque était fermée. Ils se retrouvent aujourd'hui coincés dans un no man's land, otages du jeu de pouvoir cynique entre la Turquie et l'UE. Si Erdoğan croit pouvoir instrumentaliser la détresse des réfugiés pour obtenir le soutien de l'UE à sa politique syrienne, qu'il se détrompe : le cœur de l'Europe n'est plus qu'un viscère froid. Le 'Nous y arriverons' [de Merkel] est un écho du passé. La porte est fermée.»
La propagande attise la haine contre les réfugiés
Affirmer que la plupart des réfugiés qui cherchent à rallier l'UE depuis la Turquie sont des jeunes hommes est un mensonge éhonté, écrit Ivo Indiev sur son blog :
«Ce mensonge a pour but de plonger dans la peur et l'effroi ceux qui croient que ces personnes ne fuient pas la détresse et la guerre, mais qu'ils font partie d'un plan machiavélique, à savoir la conquête de notre continent par les musulmans et les djihadistes. La propagande relative aux jeunes hommes, qui seraient le groupe dominant parmi les djihadistes, est clairement réfutée par les études internationales menée sur la proportion d'hommes, de femmes et d'enfants qui fuient la guerre en Syrie.»
Les réfugiés ont un droit à la protection
Il est temps que l'Europe prenne ses responsabilités, fait valoir To Vima :
«Les réfugiés sont des êtres humains et ils ont des droits. Mais cela vaut aussi pour la partie grecque. On ne peut les traiter comme des envahisseurs et comme une menace. Le droit international définit clairement le droit des personnes à se rendre en sécurité dans les pays auprès desquels ils sollicitent une protection humanitaire. ... La partie grecque ne peut répondre au cynisme d'Erdoğan par la brutalité. Au contraire, c'est l'occasion de rappeler à l'UE qu'elle doit prendre ses responsabilités. La tâche de notre pays ne saurait être de jouer le rôle de garde-frontières de la 'forteresse Europe'.»
Priver Erdoğan de son joker
Sur le site tagesschau.de, Karin Senz, correspondante de l'ARD à Istanbul, reproche son hypocrisie à l'Europe :
«On ne veut en aucun cas voler au secours de la Turquie sur le plan militaire, au motif qu'elle est l'artisane de son malheur. Et c'est vrai. Mais cette fois-ci, on ne peut résumer l'objectif d'Erdoğan à la volonté d'augmenter son pouvoir et son influence. Il essaie aussi d'éviter à son pays de devoir accueillir encore plus de réfugiés. Sa méthode est condamnable. Mais l'Europe a elle aussi recours à des moyens répréhensibles pour ne pas avoir à accueillir de réfugiés. Elle envoie des milliards à la Turquie pour s'affranchir de sa part de responsabilités. ... Pas de solution à l'horizon, mais il faut faire un premier pas. Les pays d’Europe doivent soulager la Turquie d'une partie des réfugiés qu'elle accueille sur son sol. Ce faisant, ils priveraient Erdoğan de son joker et, chose bien plus importante encore : pour la première fois depuis 2015, ils feraient preuve d'humanité, comme ils le devraient.»
Le chaos ne doit pas l'emporter
Berlingske appelle l'UE à rétablir la loi et l'ordre à ses frontières extérieures :
«Il est risqué de déléguer à d'autres pays le soin de gérer la pression migratoire aux frontières de l'Europe - les développements actuels le montrent. On s'expose alors aux tentatives de chantages et l'on ne peut escompter le respect des droits des réfugiés. Quoi qu'il en soit, on ne peut pas tout miser sur des accords passés avec des pays tiers comme la Turquie. Quand on voit les milliers de personnes qui se pressent aux frontières de la Grèce, on saisit toute l'importance d'une surveillance efficace des frontières extérieures de l'UE. En tant que communauté, il faut empêcher que le chaos et le droit du plus fort ne l'emportent.»
Peu probable qu'il y ait d'autres sanctions contre la Russie
En ouvrant ses frontières, Erdoğan n'arrivera pas à contraindre l'UE à prendre des mesures énergiques contre la Russie, croit savoir Ria Novosti :
«D'un point de vue hypothétique, on peut envisager un scénario dans lequel l'UE, confrontée à des vagues de réfugiés à ses frontières et à une répétition de la 'crise migratoire' de 2015, décide d'actionner des leviers économiques pour faire pression sur la Russie. Mais au vu de l'histoire récente et de la logique géopolitique de Berlin et Paris, ce scénario est peu probable. Toutes les sanctions que l'UE est susceptible de prendre contre la Russie, sans trop se nuire à elle-même, ont déjà été prises. Tout ce qui va au-delà de ces mesures est réservé à des situations d'exception. La 'protection des intérêts turcs en Syrie' n'est pas une cause pour laquelle Berlin ou Paris seraient prêtes à recourir à des actions aussi draconiennes.»